L’om­­ni­­po­­tence tota­­li­­taire de la Raison

C’est sans doute depuis Max Weber que les problèmes de notre temps sont nommé­ment asso­ciés à l’hy­per­tro­phie du ratio­na­lisme, nette­ment induite par la tenta­tion hégé­mo­nique de ses contemp­teurs sur la base de certaines graves faiblesses méta­phy­siques large­ment argu­men­tées chez Heideg­ger et d’autres. Cette expli­ca­tion du monde est sacré­ment juste et aurait dû nous mettre la puce à l’oreille, depuis le temps, mais elle est restée lettre morte, sans consé­quence, inutile.

Nier le réel ne l’a jamais fait dispa­raitre et d’autres, comme je l’ai fait, redé­couvrent forcé­ment cette expli­ca­tion du monde pour eux même, au centre de leurs vies et veulent le faire savoir, encore et encore, toujours, certains que la descrip­tion la plus élémen­taire et juste d’un problème permet le plus simple­ment d’en­vi­sa­ger un chemi­ne­ment vers sa solu­tion.

Je relève ici cette même pensée centrale, expri­mée par un fameux auteur/acteur de la réin­for­ma­tion géopo­li­tique fran­co­phone, écri­vain d’une fort belle ampleur, Philippe Gras­set du site Dede­fensa. Les mots sont les siens, mais la cause est univer­selle, recon­nais­sable sans aucune erreur :

J’en ai longue­ment parlé dans La Grâce, Tome-II (*), car je pense qu’il s’agit d’un malé­fice, – je pèse le mot pour ce qu’il vaut lorsqu’on explore par exemple les profon­deurs sombres et brûlantes du Mordor de Tolkien ; un malé­fice, dis-je, qui a complè­te­ment subverti notre pensée depuis la Renais­sance, en subver­tis­sant la raison (la raison-subver­tie) par la croyance dont elle (la Raison) s’est dotée comme l’on fait un coup d’État pour prendre le pouvoir, d’être la source de tout dans notre esprit, et par consé­quent d’être la clef du Tout, du Monde autant que du Cosmos. Nous avons cessé de penser comme les êtres pensaient jusqu’au Moyen-Âge, qui accep­taient comme par nature de ne pas réduire le domaine de l’es­prit à la seule Raison. La ques­tion qui est au cœur de cette quête, qui est aussi une enquête, n’est pas celle de la perti­nence de l’af­fir­ma­tion de l’exis­tence de Dieu (pour faire court et fort gros­sier, et hors de propos, mais chacun y pense dans cette sorte de débat parce que c’est si facile), – mais plutôt celle de la perti­nence de l’af­fir­ma­tion de l’om­ni­po­tence tota­li­taire de la Raison.

Il y a dans l’“esprit des modernes” depuis cette origine de la Renais­sance un inter­dit qui para­lyse la pensée en lui inter­di­sant certaines audaces d’ex­plo­ra­tion et de suppu­ta­tion.
Dede­fensa : Conver­sa­tion avec les “forces supra­hu­maines”

Je voudrais préci­ser, comme un indis­pen­sable pinaillage dont on se passe toujours, que l’em­ploi du terme de Raison est ici fautif. Elle n’est pas l’ac­teur hégé­mo­nique, elle est l’ou­til de l’hé­gé­mo­nie. Il faut parler non de la Raison, mais de l’en­semble cohé­rent des acteurs employant histo­rique­ment la Raison, la commu­nauté – ou l’égré­gore – ratio­na­liste, ou tout simple­ment le ratio­na­lisme par oppo­si­tion à la ratio­na­lité, etc., acteurs qui, possé­dant en commun une pratique, instru­men­ta­lisent consciem­ment ou non sa puis­sance dans ce qui devient, par paliers, un pouvoir de fait. Confondre les deux, même en connais­sance de cause, revient à consi­dé­rer expli­ci­te­ment la ratio­na­lité comme étant l’apa­nage des seuls ratio­na­listes dont il est ques­tion. Or rien n’est plus faux, la ratio­na­lité est un mode univer­sel du vivant parmi d’autres et ses outils sont univer­sels.

N’ou­blions pas que « La Reli­gion », avec des guille­mets indiquant la même nuance, s’est montrée elle-même sous ce jour d’au­to­rité auto-dési­gnée, conçue comme vérité ultime. C’est bien « elle » qui a combattu la montée ratio­na­liste des Lumières en la quali­fiant d’hé­ré­sie, l’as­so­ciant, non sans une certaine perti­nence analo­gique, qu’il faut abso­lu­ment consi­dé­rer avec d’in­fi­nies précau­tions, avec le mal, rappe­lant le terme de Mr Gras­set au début de l’ex­trait : le malé­fice, qui désigne l’ori­gine de cette problé­ma­tique. Mais en effet la Reli­gion n’est pas le lieu perdu, même si elle oeuvre d’abord en ce lieu. Aussi bien elle que la philo­so­phie on instru­menté le réel pour faire gran­dir l’hommme, puis se sont recroque­villées sur leur bases perçues comme indé­pas­sables.

Ceci étant dit, la descrip­tion est excel­lente, parfai­te­ment en accord avec tout ce que je défends ici, le style en plus. Descrip­tion fonc­tion­nelle de l’état du monde et de la direc­tion qu’il main­tient obsti­né­ment vers la déso­la­tion. Heideg­ger nomme cela d’une façon large « Oubli de l’Etre » et le fait remon­ter encore bien avant la Renais­sance, aux débuts de la méta­phy­sique. De ce mode du penser, opposé à celui de la Raison, nous avons galvaudé le nom pour en évacuer le sens premier. Ce nom est Sagesse et son exécu­teur porte son nom en bannière asso­cié à une notion qu’il est désor­mais bien en peine de ressen­tir pour elle, l’ami­tié.

Ce cœur du sujet marque une frater­nité de pensée qui ne demande qu’à se révé­ler, à se reven­diquer comme telle pour cesser de ne pas exis­ter.

Oubli de l’Etre

Heideg­ger n’a rien contre la tech­nique ni contre le plato­nisme, il estime seule­ment que la construc­tion d’un être qui serait soumis d’em­blée à une visée comp­table de ratio­na­li­sa­tion vient peut être obnu­bi­ler l’ex­pé­rience du don gratuit de l’être, qui éclôt sans pourquoi.

De là l’idée heideg­gé­rienne – très simple au fond – d’un oubli de l’être qui aurait marqué toute la méta­phy­sique. Il ne s’agit pas d’une thèse sur un thème qui aurait été malen­con­treu­se­ment oublié dans les manuels de méta­phy­sique, mais d’un juge­ment porté sur la concep­tion tech­ni­cienne de l’être qui ensor­celle autant notre temps. Concep­tion qui a ses raisons et ses succès, mais qui tend à réduire l’être à l’ordre du produc­tible, camou­flant ainsi l’in­dis­po­ni­bi­lité plus ancienne de l’être.
Heideg­ger L’énigme de l’être pages 66–67

Le malaise de certains inter­prètes et lecteurs de Heideg­ger devant la figure du Quadri­parti, pour ne rien dire de l’in­dif­fé­rence des autres, témoigne de l’in­ca­pa­cité de la raison moderne d’ac­cueillir une parole qui échappe à toutes ses caté­go­ries.
Jean François Mattéi – L’ordre du monde page 198

La pensée ne commen­cera que lorsque nous aurons appris que cette chose tant magni­fiée depuis des siècles, la raison, est la contra­dic­tion la plus achar­née de la pensée.
Idem, page 191

Je postule que, par pensée, Heideg­ger veut dire sagesse. C’est le seul moyen de voir clair, même si pour Platon, pensée s’ac­corde à raison et intel­lect à sagesse.

Être et étant

C’est telle­ment compliqué à comprendre dans les textes et les commen­taires des textes. Le condensé Wiki­pé­dia est toute­fois très inté­res­sant pour nous.

L’étant est un concept philo­so­phique dési­gnant ce qui est. Ce concept permet de distin­guer, l’ex­pé­rience phéno­mé­no­lo­gique vécue par tout humain en contact avec le monde dans lequel il est immergé, du concept méta­phy­sique du philo­sophe qui s’in­ter­roge sur l’es­sence de cette présence. Cette distinc­tion met en évidence la diffé­rence entre le concept de l’étant comme ce qui se montre et le concept d’être comme ce qui est la vérité de l’étant, ce qui le fonde et permet sa présence même.

Étant
Être
Concept
Expé­rience
Méta­phy­sique
Phéno­mé­no­lo­gie

La signa­ture que l’on peut tirer de la formu­la­tion est forte. Le lien avec le trait bêta est forte­ment suggéré par l’adop­tion de la défi­ni­tion entre expé­rience et concept.

Phéno­mé­no­lo­gie se propose comme alter­na­tive à la Psycho­lo­gie dans le clas­se­ment de Durkheim. Ce n’est pas si évident en rela­tion avec les sciences décou­lant de l’être et l’étant, l’on­to­lo­gie et l’on­tique.

Étant
Être
Ce qui se montre
La vérité de l’étant

On voit tout de suite un problème de lisi­bi­lité. L’Être est défini avec l’Étant en réfé­rence. Cela implique que l’Étant est premier. La signa­ture implique le contraire. J’y vois la marque de fabrique de l’idéa­lisme plato­ni­cien qui implique cette tenta­tive de retour­ne­ment du réel comme produc­tion de l’idéel, qui rend l’idéel, selon Platon, et toute la philo­so­phie après lui, plus réel que le réel.

C’est un serpent qui se mord la queue,

L’étant est second, mais il appa­raît en réfé­rence de ce qui est premier, le lais­sant hors de la nomen­cla­ture. Beau­coup de choses sont dites ici, des choix de Heideg­ger et de l’état du monde.

Concept méta­phy­sique du philo­sophe qui s’in­­ter­­roge sur l’es­­sence de cette présence
L’ex­­pé­­rience phéno­­mé­­no­­lo­­gique vécue par tout humain en contact avec le monde dans lequel il est immergé


Si l’on signe, si l’on est croyant, tout change. Les objets de Heideg­ger sont parfai­te­ment opérants des qu’on les connecte avec les autres.

Une telle signa­ture nous auto­rise des connexions. A commen­cer par la philo­so­phie de termi­nale.

4 dyades
Rela­tif Trans­cen­dant
Absolu Immanent

le néant n’est pas un étant

Étant
Être
Sujet
Objet
Arti­fi­ciel
Natu­rel

Jean François Mattéi – L’ordre du monde

On peut dire que dans ce livre Mattéi se laisse aller à moins de rete­nue que d’ha­bi­tude. La quatrième de couver­ture donne une idée de cela :

L’ordre du monde : l’ex­pres­sion paraî­tra suspecte à ceux qui ont choisi le vide du concept contre la pléni­tude du sens et refusent à la raison moderne le droit de recon­naître sa quadruple racine pour édifier une éthique à la mesure de l’être.

C’est de la colère.

On peut bien, aujourd’­hui, oublier l’injonc­tion carté­sienne de chan­ger plutôt ses désirs que l’ordre du monde, et se satis­faire, Ciel et Terre abolis, d’une raison qui achève son empire sur un désert. C’est toujours le monde, fina­le­ment, qui a le dernier mot.

Et du pessi­misme, de l’im­puis­sance qui fait écho au désar­roi de Heideg­ger face à l’in­com­pré­hen­sion.

C’est encore un ouvrage clé pour moi. Celui ci m’a montré qu’une colère sourd de cette lignée d’éru­dits. Elle me les rend plus réels. Le contenu de ce livre revient inlas­sa­ble­ment sur le problème de l’ou­bli de l’Être, conju­gué en « Oubli de l’ou­bli de l’Être » par le contem­po­rain qui semble admi­rer Heideg­ger, mais l’en­ferme dans une parfaite incom­pré­hen­sion de son œuvre.

J’ai enfin vrai­ment compris par ce livre que j’avais des frères en pensée, sorte de consé­cra­tion de 20 années de recherches. J’ai aussi pu oser appo­ser la signa­ture de l’Ordre et du Désordre, notion au centre du monde depuis Zoroastre, fonda­teur du premier des mono­théismes.

J’em­prunte désor­mais l’ex­pres­sion « L’ordre du monde » en fondant sa légi­ti­mité sur ce livre, œuvre d’un ami en pensée.

Heideg­ger et les philo­sophes

L’ap­pré­cia­tion de Heideg­ger par mes contem­po­rains est horri­ble­ment faus­sée. On ne trouve dans toute la philo­so­phie offi­cielle que deux postures concer­nant la pensée heideg­gé­rienne, aussi peu crédibles l’une que l’autre. Soit il est un nazi pour avoir prôné le sol natal, ce qui annule toute sa pensée, soit l’axe le plus perma­nent de sa recherche permet de le juger parfois stupide d’un simple revers de la main par les mêmes qui le déclarent pour­tant le penseur le plus impor­tant du XXe siècle. D’un côté comme de l’autre on semble déli­bé­ré­ment igno­rer la logique. Ces deux façons d’en­vi­sa­ger Heideg­ger, qui se présentent l’une comme l’agres­sion et l’autre comme la défense du penseur, ne sont en fait que deux façons d’es­sayer de tuer son œuvre : l’une, fasciste voulant la déca­pi­ter sans procès, l’autre hypo­crite l’étouf­fer, sans procès non plus.

Selon la pseudo-logique des premiers, il faudrait nier toute l’œuvre de Platon qui deux fois dans sa vie se mit au service du tyran. Ce paral­lèle avec Platon n’est jamais évoqué par ses détrac­teurs. Pour­tant l’un comme l’autre lorgnaient vers le poli­tique en pensant pouvoir l’amé­lio­rer. Croire qu’un philo­sophe peut appor­ter son grain de sel à la poli­tique, c’est sans doute une mauvaise tenta­tion, une erreur disons. Mais dans les deux cas on peut déduire des témoi­gnages que les inten­tions étaient bonnes au départ.

Il faut dire les choses comme elles sont : l’œuvre de Heideg­ger est codée, et ce code est parfai­te­ment illi­sible si on ne croit pas dans le prin­cipe ou pire si on le nie par auto­ma­tisme. Les penseurs de l’école domi­nante ne peuvent tech­nique­ment pas envi­sa­ger le prin­cipe et sont donc forcés d’am­pu­ter une grande part des œuvres d’au­teurs qu’ils révèrent pour­tant. Les plus grands sont les plus malins. Ils usent du prin­cipe en le niant comme il faut. On trouve chez Kant par exemple une accu­mu­la­tion fasci­nante de signa­tures duales, trini­taires, quater­naires et même octales, mais à aucun moment un prin­cipe commun à ces repré­sen­ta­tions n’est évoqué par lui, c’est Heideg­ger lui même qui l’af­firme. La remarque de Benja­min sur Kant, dans sa Philo­so­phie qui Vient, ne tient réso­lu­ment pas compte de ce vide quand elle décrit chez Kant ce que Confu­cius à inscrit dans son apho­risme.

Dans ce blogue des dizaines d’équa­tions analo­giques multi­dis­ci­pli­naires montrent sans équi­voque leur simi­la­rité onto­lo­gique avec la quadra­ture aris­to­té­li­cienne, c’est une signa­ture recon­nais­sable entre mille.

Cette quadra­ture, commen­ce­ment de la pensée heideg­gé­rienne, est dans les faits un outil clas­sique et secret du cher­cheur, quelle que soit sa disci­pline. Jamais la philo­so­phie, ni les prudents cher­cheurs, n’en parlent comme d’un fait : puisqu’é­tant prin­ci­pielle elle ne peut exis­ter, il faut donc se taire. Pour ces cher­cheurs contraints de respec­ter ce serment écrit nulle part, il faut donc mentir sur leur métho­do­lo­gie, sous peine de discré­dit. Ce n’est pas une posture raison­nable pour le firma­ment de la raison que pense être la philo­so­phie.

Inter­ro­gez l’Être !

« Inter­ro­gez l’Être ! Et dans son silence – entendu comme le lieu de nais­sance de la parole – répond le dieu. Vous avez beau ratis­ser tout l’étant, nulle part ne se montre la trace du dieu. »

Le lieu de l’Être est aussi le lieu du divin. Le divin est inté­rieur, il est la source en nous qui est, jaillis­sant dans l’in­tui­tion. Ce lieu est dési­gné par la « synchro­ni­cité » de Jung, ou encore par le « ça » freu­dien. C’est l’ir­ra­tion­nel.

Chez Heideg­ger, la place des dieux est vue comme supé­rieure, trans­cen­dante alors qu’elle est imma­nente. Cela conduit à un problème de lisi­bi­lité quand on tente de signer sa quater­nité prin­ci­pale.

Le drame de cette intel­li­gence tech­nique est qu’elle se coupe de tout lien à un ordre supé­rieur. C’est cet ordre, cette mesure que vient fina­le­ment poin­ter le thème de l’être et de son oubli.

Or il vaut mieux dire que cet ordre est à la fois infé­rieur, anté­rieur, premier.

Mattéi – Heideg­ger et Hölder­lin. Le Quadri­parti

Heideg­ger et Hölder­lin. Le Quadri­parti
Jean-François Mattéi

Ce livre là est celui qui a assis en moi ce qui n’était encore qu’une impres­sion : Heideg­ger a dési­gné toute sa vie durant l’objet qui est aussi celui de ma quête depuis deux décen­nies. Muni de cette confir­ma­tion j’ai enfin trouvé un sol solide, une conni­vence certes encore diffi­cile à cerner, mais nette­ment établie.

Tout en rete­nue dans ce livre, Jean François Mattéi est celui qui a exposé clai­re­ment ce que tout le monde refuse de recon­naître chez Heideg­ger, la quête perma­nente d’un méta­phy­si­cien croyant en autre chose que la Sainte et Intou­chable Raison des raison­neurs. Oui, un croyant. Et pour être plus précis, un croyant sachant qu’il croit, par oppo­si­tion à ceux qui croyant ne rien croire prétendent déte­nir une vérité hégé­mo­nique.

Le langage de Heideg­ger est hermé­tique. Il l’est pour tout le monde, mais il s’éclaire si l’on connaît la constante chez ce penseur. Depuis ses 18 ans, âge auquel on lui a offert la fameuse disser­ta­tion de Franz Bren­tano il n’a pas changé de direc­tion, même lors du tour­nant.

Mattéi est celui qui a osé dire ces choses. On peut lire des tas de livre érudits ou simples sur Heideg­ger qui passent toutes à côté du plus impor­tant en un silence pesant. J’avais débuté avec le livre « Heideg­ger » de Georges Stei­ner, qui m’a tout dit, mais sans l’es­sen­tiel. C’est un excellent exemple de ce que j’ai rencon­tré partout ailleurs que chez Mattéi et ses amis.

Quatrième de couver­ture

Heideg­ger a voulu rani­mer la ques­tion du sens de l’être en prenant le « tour­nant » qui, en même temps que son dépas­se­ment, effec­tue l’ap­pro­pria­tion de la méta­phy­sique. Si celle-ci ne peut saisir la dimen­sion origi­naire dans laquelle elle se déploie, il lui reste à évoquer l’énigme de sa prove­nance : ce dont on ne peut parler, il faut le dire.

Telle est cette unique pensée que Heideg­ger a retrou­vée dans la poésie hölder­li­nienne, des cours sur La Germa­nie et Le Rhin à la confé­rence Terre et Ciel de Hölder­lin. On a inter­prété la rencontre des deux écri­vains souabes, dans leur appel au « retour­ne­ment natal », comme une justi­fi­ca­tion du tota­li­ta­risme, et l’on a dénoncé, avec Adorno, ce pathos de l’ori­gine qui réduit la pensée à une fixa­tion narcis­sique au peuple alle­mand.

Il n’y a pour­tant aucune confu­sion entre le mythe natal et la mytho­lo­gie nazie. Ce que Heideg­ger a cher­ché dans Hölder­lin, c’est moins le poète de la terre-mère que l’épreuve de la vérité de l’être qui commande le quadrillage de la méta­phy­sique. C’est bien Aris­tote, avec le concert des quatre causes, qui a conduit Heideg­ger sur la voie de Hölder­lin.

Car si l’étant se dit de multiples façons, pourquoi ces façons se trouvent-elles au nombre de quatre ? L’énigme de la méta­phy­sique recouvre l’énigme de l’ « autre pensée », celle qui ouvre le monde selon les nervures du Quadri­parti. Terre et Ciel, Divins et Mortels expriment les harmo­niques de l’être où, à la croi­sée des chemins, s’unissent ce que le penseur nomme les « puis­sances de l’ori­gine », et le poète, les « voix du Destin ».

J.-F.M.

https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/2003-v59-n3-ltp757/008800ar.pdf

L’on­to­lo­gie fonda­men­tale

Sens de l’être

Ontique
Onto­lo­gique
Étant
Être

Même si Heideg­ger dit se méfier d’une déduc­tion généa­lo­gique, il est patent qu’il défend la primauté onto­lo­gique de la ques­tion de l’être par le biais d’une réduc­tion à des niveaux de réflexion toujours plus élémen­taires. Anté­rieu­re­ment aux sciences ontiques, il y a les onto­lo­gies qui les supportent, mais avant celles ci et les fondant, une onto­lo­gie fonda­men­tale doit avoir débrous­saillé le sens de l’être :

Sciences ontiques leur tâche : l’ex­plo­ra­tion d’un domaine d’étant
Onto­lo­gies leur tâche : l’élu­ci­da­tion des concepts fonda­men­taux qui circons­crivent le mode d’être de cet étant
Onto­lo­gie fonda­men­tale sa tâche : la clari­fi­ca­tion du sens de l’être comme la « condi­tion aprio­rique de ces onto­lo­gies »

Heideg­ger l’énigme de l’être Jean Gron­din, Pourquoi réveiller la ques­tion de l’être ?, page 57.

Onto­lo­gie et ontique

L’être produit l’on­to­lo­gie qui produit l’étant qui produit l’on­tique. On croi­rait une quater­nité. Écri­vons là !

Ontique
Étant
Onto­lo­gie
Être
Science
Tech­nique
Sagesse
Finale
Effi­ciente
Formelle
Maté­rielle

On a l’im­pres­sion, encore, que ces mots, onto­lo­gie, sagesse, philo­so­phie, méta­phy­sique, veulent tous un peu dire la même chose à la base.

Onto­lo­gie fonda­men­tale

Décrire l’on­to­lo­gie fonda­men­tale, c’est décrire la forme et les proprié­tés univer­selles communes à toutes les onto­lo­gies.

L’écri­ture analo­gique est une forma­li­sa­tion de l’on­to­lo­gie fonda­men­tale.

Voir aussi : Onto­lo­gie et ontique

Trait alpha

Ration­nel
Irra­tion­nel

Pres­crip­tif
Descrip­tif

Aris­tote

Extrin­sèques
Intrin­sèques

Heideg­ger

Etant
Etre

Kant

A priori
A poste­riori

Saus­sure

Diachro­nique
Synchro­nique

Sperry

Séquen­tiel
Simul­tané