L’om­­ni­­po­­tence tota­­li­­taire de la Raison

C’est sans doute depuis Max Weber que les problèmes de notre temps sont nommé­ment asso­ciés à l’hy­per­tro­phie du ratio­na­lisme, nette­ment induite par la tenta­tion hégé­mo­nique de ses contemp­teurs sur la base de certaines graves faiblesses méta­phy­siques large­ment argu­men­tées chez Heideg­ger et d’autres. Cette expli­ca­tion du monde est sacré­ment juste et aurait dû nous mettre la puce à l’oreille, depuis le temps, mais elle est restée lettre morte, sans consé­quence, inutile.

Nier le réel ne l’a jamais fait dispa­raitre et d’autres, comme je l’ai fait, redé­couvrent forcé­ment cette expli­ca­tion du monde pour eux même, au centre de leurs vies et veulent le faire savoir, encore et encore, toujours, certains que la descrip­tion la plus élémen­taire et juste d’un problème permet le plus simple­ment d’en­vi­sa­ger un chemi­ne­ment vers sa solu­tion.

Je relève ici cette même pensée centrale, expri­mée par un fameux auteur/acteur de la réin­for­ma­tion géopo­li­tique fran­co­phone, écri­vain d’une fort belle ampleur, Philippe Gras­set du site Dede­fensa. Les mots sont les siens, mais la cause est univer­selle, recon­nais­sable sans aucune erreur :

J’en ai longue­ment parlé dans La Grâce, Tome-II (*), car je pense qu’il s’agit d’un malé­fice, – je pèse le mot pour ce qu’il vaut lorsqu’on explore par exemple les profon­deurs sombres et brûlantes du Mordor de Tolkien ; un malé­fice, dis-je, qui a complè­te­ment subverti notre pensée depuis la Renais­sance, en subver­tis­sant la raison (la raison-subver­tie) par la croyance dont elle (la Raison) s’est dotée comme l’on fait un coup d’État pour prendre le pouvoir, d’être la source de tout dans notre esprit, et par consé­quent d’être la clef du Tout, du Monde autant que du Cosmos. Nous avons cessé de penser comme les êtres pensaient jusqu’au Moyen-Âge, qui accep­taient comme par nature de ne pas réduire le domaine de l’es­prit à la seule Raison. La ques­tion qui est au cœur de cette quête, qui est aussi une enquête, n’est pas celle de la perti­nence de l’af­fir­ma­tion de l’exis­tence de Dieu (pour faire court et fort gros­sier, et hors de propos, mais chacun y pense dans cette sorte de débat parce que c’est si facile), – mais plutôt celle de la perti­nence de l’af­fir­ma­tion de l’om­ni­po­tence tota­li­taire de la Raison.

Il y a dans l’“esprit des modernes” depuis cette origine de la Renais­sance un inter­dit qui para­lyse la pensée en lui inter­di­sant certaines audaces d’ex­plo­ra­tion et de suppu­ta­tion.
Dede­fensa : Conver­sa­tion avec les “forces supra­hu­maines”

Je voudrais préci­ser, comme un indis­pen­sable pinaillage dont on se passe toujours, que l’em­ploi du terme de Raison est ici fautif. Elle n’est pas l’ac­teur hégé­mo­nique, elle est l’ou­til de l’hé­gé­mo­nie. Il faut parler non de la Raison, mais de l’en­semble cohé­rent des acteurs employant histo­rique­ment la Raison, la commu­nauté – ou l’égré­gore – ratio­na­liste, ou tout simple­ment le ratio­na­lisme par oppo­si­tion à la ratio­na­lité, etc., acteurs qui, possé­dant en commun une pratique, instru­men­ta­lisent consciem­ment ou non sa puis­sance dans ce qui devient, par paliers, un pouvoir de fait. Confondre les deux, même en connais­sance de cause, revient à consi­dé­rer expli­ci­te­ment la ratio­na­lité comme étant l’apa­nage des seuls ratio­na­listes dont il est ques­tion. Or rien n’est plus faux, la ratio­na­lité est un mode univer­sel du vivant parmi d’autres et ses outils sont univer­sels.

N’ou­blions pas que « La Reli­gion », avec des guille­mets indiquant la même nuance, s’est montrée elle-même sous ce jour d’au­to­rité auto-dési­gnée, conçue comme vérité ultime. C’est bien « elle » qui a combattu la montée ratio­na­liste des Lumières en la quali­fiant d’hé­ré­sie, l’as­so­ciant, non sans une certaine perti­nence analo­gique, qu’il faut abso­lu­ment consi­dé­rer avec d’in­fi­nies précau­tions, avec le mal, rappe­lant le terme de Mr Gras­set au début de l’ex­trait : le malé­fice, qui désigne l’ori­gine de cette problé­ma­tique. Mais en effet la Reli­gion n’est pas le lieu perdu, même si elle oeuvre d’abord en ce lieu. Aussi bien elle que la philo­so­phie on instru­menté le réel pour faire gran­dir l’hommme, puis se sont recroque­villées sur leur bases perçues comme indé­pas­sables.

Ceci étant dit, la descrip­tion est excel­lente, parfai­te­ment en accord avec tout ce que je défends ici, le style en plus. Descrip­tion fonc­tion­nelle de l’état du monde et de la direc­tion qu’il main­tient obsti­né­ment vers la déso­la­tion. Heideg­ger nomme cela d’une façon large « Oubli de l’Etre » et le fait remon­ter encore bien avant la Renais­sance, aux débuts de la méta­phy­sique. De ce mode du penser, opposé à celui de la Raison, nous avons galvaudé le nom pour en évacuer le sens premier. Ce nom est Sagesse et son exécu­teur porte son nom en bannière asso­cié à une notion qu’il est désor­mais bien en peine de ressen­tir pour elle, l’ami­tié.

Ce cœur du sujet marque une frater­nité de pensée qui ne demande qu’à se révé­ler, à se reven­diquer comme telle pour cesser de ne pas exis­ter.

Scien­tisme

Le scien­tisme est un mouve­ment philo­so­phique issu du posi­ti­visme, lequel consi­dère la connais­sance scien­ti­fique comme la connais­sance abso­lue. Son prin­cipe est que la science satis­fait tous les besoins de l’in­tel­li­gence humaine.
La Philo – SCIENTISME (DÉFINITION)

Il est très dommage que le terme de scien­tisme n’ait plus cours aujourd’­hui, dans la mesure ou l’idéo­lo­gie qu’il prônait est encore parfai­te­ment domi­nante de nos jours, quoique silen­cieu­se­ment. Si plus personne ne se réclame aujourd’­hui de ce mouve­ment idéo­lo­gique du XIXe, il est certain qu’en parti­cu­lier la commu­nauté scien­ti­fique et en géné­ral par son biais l’en­semble des acteurs ration­nels (gouver­ne­men­tal, poli­tique, marchand, média­tique et même cultu­rel) de la société mondiale se comportent exac­te­ment comme si sa perti­nence idéo­lo­gique n’avait en rien décru depuis au moins un siècle. Il faut dire que les prémisses de ce mouve­ment sont profon­dé­ment intriquées aux racines de la philo­so­phie et n’ont jamais été fonda­men­ta­le­ment remises en cause.

Les argu­ments méta­phy­sique contre l’idéo­lo­gie scien­tiste n’ont pas porté atteinte à cette croyance, ils l’ont juste rendue honteuse. L’aban­don du terme qui a suivi les nombreux et effi­caces commen­taires a juste effacé la honte.

Tous les scien­ti­fiques sans excep­tion ont tété aux mamelles du système éduca­tif, de la mater­nelle à l’uni­ver­sité, dont toute idéo­lo­gie est étayée par la philo­so­phie millé­naire, dont toute idéo­lo­gie s’est struc­tu­rée et ossi­fiée préci­sé­ment par le système éduca­tif, cente­naire quant à lui. C’est une sacrée réfé­rence que personne ne peut faci­le­ment contre­dire et encore moins renver­ser chez d’autres.

Les scien­ti­fiques ne sont pas des philo­sophes, ils n’ont pas le temps pour cela puisque l’ac­ti­vité disci­pli­naire est par défi­ni­tion exclu­si­viste. Chaque disci­pline hérite de la philo­so­phie certaines habi­tudes de pensée qu’au­cun d’eux n’ira jamais véri­fier, ce qui est tout à fait logique et cohé­rent : qui ressen­tira le besoin de véri­fier les lois de chaque outil qu’il utilise, sachant que nombre d’autres avant lui l’ont utilisé avec succès ?

Pas besoin, n’est-ce pas ? et pas besoin non plus de véri­fier chaque « vérité » du prodi­gieux désordre qu’est la philo­so­phie… Alors quand quelque philo­sophe ou quelque reli­gieux vient à parler autre­ment que la tradi­tion, on n’écoute pas, c’est inutile. On en reste aux valeurs sures : quand la règle préside à la réalité (Kant), quand l’idée est plus réelle que le réel (Platon), être un spécia­liste de l’abs­trac­tion ne peut être ressenti que comme une supé­rio­rité incon­tes­table.

Le scien­tisme s’est tu, mais le scien­tisme règne. C’est pour cette raison qu’il faut réveiller ce terme, il faut inci­ter les penseurs du scien­tisme souter­rain à géné­rer des textes de foi sur leurs prin­cipes et à les défendre pour ce qu’ils sont, c’est à dire le support irra­tion­nel indis­pen­sable de leur commu­nauté. En taisant l’obé­dience scien­tiste, on ferme la porte à d’autres ques­tions jamais posées. En effet, sur la base de la croyance en l’hé­gé­mo­nie ratio­na­liste, s’em­pilent encore d’autres croyances à l’as­pect faus­saire de science. Le hasard darwi­niste est un exemple fort de l’im­pos­si­bi­lité de discu­ter la part idéo­lo­gique que contient cette science incon­tes­table par ailleurs. Sur ce point, on parle à des scien­ti­fiques qui s’en remettent à un dogme de manière pure­ment rhéto­rique en omet­tant tout parti­cu­liè­re­ment le « peut-être » qui manque à cette toute petite partie de la théo­rie qui est à la fois invé­ri­fiable et non-inva­li­dable, mais qui cris­tal­lise pour­tant depuis des décen­nies des oppo­si­tions violentes entre personnes intel­li­gentes.

Croyance, obédience, oui, le scien­tisme est une reli­gion de fait. Elle est même la reli­gion qui domine toutes les autres, celle qui en ce début de XXIe est en train de faire passer les reli­gion de milliards d’hu­mains pour de vulgaires sectes d’im­bé­ciles aux inten­tions douteuses, sans sembler remarquer un seul instant que le remplaçant qu’ils imposent par la force est d’une pauvreté crasse, d’un drama­tique vide de sens qui se compense comme il peut par l’ex­pé­dient univer­sel du profit pécu­niaire, par la frau­du­leuse gloire du succès, par l’ex­plo­sion de ce qui tenait la société, famille, commu­nau­ta­risme du village ou du quar­tier, rapport à la nature, amour, etc.

Nous avons le besoin vital de l’ex­pres­sion méta­phy­sique scien­tiste. Nous avons besoin de connaitre, de critiquer et d’in­fluen­cer ce credo qui, tout compte fait gouverne ce monde. C’est une ques­tion de justesse, c’est une ques­tion de pouvoir, c’est une ques­tion d’en­tente entre hommes.

Croire

Le discours théiste, ensei­gne­ment au long cours s’il en est, veut mener celui qui l’écoute à adop­ter certaines concep­tions qui sont données pour vraies ou abso­lues, mais sans qu’au­cune démons­tra­tion ne puisse jamais rien prou­ver. Le nom de Dieu désigne ainsi un être à jamais inaperçu, un être entiè­re­ment postulé qui sert de base au raison­ne­ment.

Il y a 100% de chance que quelque chose nous dépasse. Voilà l’es­sence de ma propre foi. Il y a 100% de chances que ce quelque chose qui nous dépasse soit ce que dési­gnent les diffé­rents noms du divin. Voilà l’es­sence de la foi reli­gieuse.

Dieu existe dans l’es­prit de l’homme pour mettre quelque chose sur le mystère de l’exis­tence. L’évoquer comme une entité du réel, c’est pouvoir oublier le gouffre, c’est donner sa confiance à une construc­tion première qui vient recou­vrir l’an­goisse d’un voile rassu­rant. En tant que tel le divin est une croyance fonc­tion­nelle, respec­table et utile. Ce ne sont pas les excès des reli­gions qui chan­ge­ront quoi que ce soit à ce fait cultu­rel haute­ment évolu­tif de l’hu­ma­nité, pas plus que la bombe atomique ne chan­gera l’ef­fec­ti­vité de la ratio­na­lité. Ne confon­dons pas la chose et l’usage de la chose.

Le fonc­tion­ne­ment du fait reli­gieux n’a rien d’ar­bi­traire, c’est un fonc­tion­ne­ment univer­sel. La science procède préci­sé­ment de la même manière : elle postule des faits invé­ri­fiables mais cohé­rents et construit par-dessus. Contrai­re­ment au reli­gieux qui n’est pas obli­ga­toi­re­ment tenu au doute, c’est une vraie faiblesse, le scien­ti­fique ne devrait jamais oublier la préca­rité intrin­sèque et perma­nente d’un postu­lat, il devrait savoir dès le début de la forma­tion que postu­lat est syno­nyme de croyance. Nous n’en sommes pas là, l’épis­té­mo­lo­gie, quand il y en a au cursus, est un sujet bâclé par tous les étudiants déjà hyper char­gés. C’est fina­le­ment la même faiblesse de l’ab­sence de doute, que l’on rencontre chez le scien­ti­fique et chez le reli­gieux, marque invi­sible qui mène évidem­ment au rigo­risme quand elle est géné­ra­li­sée, silen­cieu­se­ment ou non, à l’égré­gore.

La philo­so­phie est profon­dé­ment entre­la­cée avec la reli­gion comme le sont deux brins d’ADN. Elles se sont long­temps nour­ries l’une l’autre, car elles sont essen­tiel­le­ment de même nature méta­phy­sique. La diffé­rence clé de la philo­so­phie, c’est mis en place la véri­fi­ca­tion systé­ma­tique des règles devant les faits et par consé­quent l’in­ter­dic­tion rigou­reuse de la contra­dic­tion. La philo­so­phie a patiem­ment conquis ce que la reli­gion utili­sait déjà sans en maîtri­ser la puis­sance : la causa­lité. Le bascu­le­ment vers la ratio­na­lité qu’à produit la philo­so­phie était déjà compris en germe dans la reli­gion. Ainsi est née la science contem­po­raine, comme un accrois­se­ment sur la reli­gion, un pas géant rendu possible par le pas géant qui le précède.

Le problème de l’époque se retrouve entiè­re­ment dans l’ap­pré­hen­sion causa­liste de la formule logique de consé­quence : « si… alors… ». La condi­tion « si » des prémisses élémen­taires est rempla­cée, tout comme dans la reli­gion, par la certi­tude sans appui autre que l’ha­bi­tude ou l’évi­te­ment de l’os­tra­cisme. La formule causa­liste s’ex­prime désor­mais là où commence la science : « puisque… alors… » où la prémisse n’est plus mise en doute, ne peut plus être mise en doute à cause de l’édi­fice qu’elle supporte, reniant les véri­tables assises méta­phy­siques que sont le flou, l’in­cer­ti­tude première et le doute. C’est un problème d’ou­bli du réel qui n’a abso­lu­ment rien de conscien­cieux où nous ramène notre nature assoif­fée de sécu­rité et de récon­fort.

Tout dans la nature animée ou inani­mée se comporte suivant des règles, mais ces règles ne nous sont pas toujours connues. C’est en vertu de certaines lois que la pluie tombe et que les animaux se déplacent. Le monde entier n’est propre­ment qu’un vaste ensemble de phéno­mènes régu­liers ; en sorte que rien, abso­lu­ment rien, ne se fait sans raison. Il n’y a par consé­quent point d’irré­gu­la­ri­tés à propre­ment parler ; quand nous en croyons trou­ver, nous pouvons dire seule­ment que les lois qui régissent les phéno­mènes nous sont incon­nues.
Kant – Logique – Page 5

Ce que j’ai stabi­loté est l’hy­po­thèse de la logique. Celle-ci fonc­tionne pour ce que veut en faire la science, pas de problème de ce côté-là, elle taille à la science un terri­toire légi­time, net et tran­ché où la croyance n’a pas sa place. Mais la sèche formu­la­tion kantienne comporte l’as­pect hégé­mo­nique sous-jacent clas­sique en philo­so­phie depuis Parmé­nide, aspect qui ne remet pas en cause ce qu’elle isole, la logique, mais ce que les logi­ciens persistent à nier, le reste de l’iso­lat qui est impli­ci­te­ment et conti­nu­ment consi­déré par eux indif­fé­rem­ment soit comme du déchet soit comme inexis­tant, ce qui ne manque pas de sel. Le para­digme de la raison qu’é­pure inlas­sa­ble­ment toute la philo­so­phie est conçu par elle comme venant défi­ni­ti­ve­ment et tota­le­ment rempla­cer un fonc­tion­ne­ment anté­rieur erroné. Cette construc­tion ne tient ni dans le monde réel ni dans le cadre analo­gique tracé dans ce blogue. La règle n’est pas plus la cause des phéno­mènes que la carte n’est le terri­toire. La règle est un outil descrip­tif qui n’existe qu’en pensée et dont le réel n’a aucun besoin pour exis­ter, même si la posses­sion de la règle permet d’in­fluer sur le réel. La règle est rela­tive alors que Kant nous la montre comme un absolu, tout comme le font Hegel ou Platon. Une évolu­tion diffé­rente de l’hu­main, une autre forme de pensée que l’hu­maine, abou­ti­raient à des règles diffé­rentes. Et comment, philo­sophe, oublier que notre propre évolu­tion nous a déjà fait rempla­cer des règles « abso­lues » par d’autres ? Comment oublier que la science évolue, comment oublier que ses para­digmes peuvent chan­ger ?

Deux para­digmes – au moins – s’af­frontent. Le plus ancien, le reli­gieux, qui s’oc­cupe de l’amour d’abord et le scien­ti­fique qui s’oc­cupe de logique. Le chan­ge­ment de para­digme qu’at­tend notre monde n’est pas la victoire défi­ni­tive de l’un sur l’autre. Ce qu’at­tend notre monde c’est la recon­nais­sance des deux para­digmes, par les deux commu­nau­tés de croyants qui y sont atta­chées.

Et je cite effec­ti­ve­ment la commu­nauté des scien­ti­fiques comme une commu­nauté de croyants. Le monde chan­gera lorsque cette commu­nauté pren­dra ouver­te­ment conscience de ce fait indu­bi­table et qu’elle le mettra dans des textes consen­suels, à teneur méta­phy­sique ou idéo­lo­gique, qui restent à écrire (ce que croient les scien­ti­fiques) : si quelque chose nous dépasse dans le monde, alors aucune certi­tude abso­lue n’est possible. Affir­mer que tout a une cause revient à croire que toutes les causes, y compris « la » cause au départ de toutes les causes, seront un jour trou­vées par l’homme. Pourquoi pas. Mais il faut prendre les choses pour ce qu’elles sont, il s’agit là d’une croyance qui bien souvent est assé­née sous couvert de scien­ti­fi­cité, ce qui est très déran­geant.

Si la science est l’af­faire de tous, la croyance est affaire person­nelle. Quand la croyance est parta­gée par un grand nombre, alors de ce partage naissent les concepts et les rituels qui font une reli­gion. Cette reli­gion, au sens de relier, fait partie de ce que la commu­nauté scien­ti­fique ridi­cu­lise chez les autres et ignore pour elle-même, sans avoir conscience qu’elle y est irré­mé­dia­ble­ment juchée.

Tout le problème est exprimé dans ce constat : la reli­gion des scien­ti­fiques n’est inscrite nulle part, elle n’est même jamais nommée, si ce n’est sous le terme priva­tif d’athéisme, c’est à dire se défi­nis­sant unique­ment sur la néga­tion de ce qui n’est pas elle. Nietzsche quali­fiait à juste titre ce compor­te­ment de nihi­lisme.

Acte de langage

Perfor­ma­tif
Cons­ta­tif
Pres­crip­tif
Descrip­tif

Toute­fois, il n’existe selon Searle que deux façons essen­tielles d’en­vi­sa­ger les rapports qu’un énoncé peut entre­te­nir avec le monde :

« Il appar­tient au but illo­cu­toire de certaines illo­cu­tions de rendre les mots conformes au monde, tandis que d’autres ont pour but illo­cu­toire de rendre le monde conforme aux mots. »

L’al­ter­na­tive est donc simple. Soit l’énoncé vise à « dire vrai » au sujet du monde, auquel cas ce qu’il dit doit être conforme au monde. Soit l’énoncé vise à « rendre vrai » un état du monde, auquel cas le monde devra, si l’acte de parole est réussi, se confor­mer à ce qui est dit. Searle distingue ainsi des « direc­tions d’ajus­te­ment » du langage au monde qu’il repé­rera égale­ment dans son analyse du rapport de l’es­prit au monde.
John Searle – Wiki­pé­dia

Rendre vrai
Dire vrai
Rendre le monde conforme aux mots
Rendre les mots conformes au monde
Le langage fait
Le langage signi­fie
Action
Code
Narra­tives
Méta­phores

Circons­tances

Pourquoi sert à inter­ro­ger sur la cause ou sur la fina­lité d’une action ou d’un fait
CNRTL – Défi­ni­tion de Pourquoi

Trait alpha

La fina­lité
Pourquoi
La cause

Comment inter­roge sur la manière ou le moyen
Larousse – Défi­ni­tion de Comment

Trait bêta

Manière
Comment
Moyen

Typo­lo­gie

Quand
La fina­lité
Pourquoi
Qui
La cause
Quoi
Finale
Effi­ciente
Formelle
Maté­rielle

Trait gamma

Action
Fait

J’ai conduit cette repré­sen­ta­tion comme un essai de relier l’en­semble des circons­tances en géné­ral entre-elles. Le résul­tat est éton­nant.

Le cadu­cée

Pour expliquer la forma­tion du cadu­cée, on dit que Mercure vit deux serpents qui se battaient (figure du chaos), et qu’il les sépara (distinc­tion des contraires) avec une baguette (déter­mi­na­tion d’un axe suivant lequel s’or­don­nera le chaos pour deve­nir le Cosmos), autour de laquelle ils s’en­rou­lèrent (équi­libre des deux forces contraires, agis­sant symé­trique­ment par rapport à l’« Axe du Monde »).La Grande Triade page 25

Le cadu­cée

Les deux serpents
La baguette
Les contraires
Axe du Monde
Yin-yang
Tao

La tradi­tion extrême-orien­tale

Cosmos
Le deve­nir
Chaos

La tradi­tion extrême-orien­tale

La tradi­tion extrême-orien­tale

Confu­cia­nisme
Taoïsme

(…)les deux parties ésoté­rique et exoté­rique de la tradi­tion extrême-orien­tale avaient été consti­tuées en deux branches de doctrine aussi profon­dé­ment distinctes que le sont le Taoïsme et le Confu­cia­nisme(…) page 4

C’est que, en réalité, le Taoïsme n’a rien « innové » dans le domaine ésoté­rique et initia­tique, non plus d’ailleurs que le Confu­cia­nisme dans le domaine exoté­rique et social ; l’un et l’autre sont seule­ment, chacun dans son ordre, des « réadap­ta­tions » néces­si­tées par des condi­tions du fait desquelles la tradi­tion, dans sa forme première, n’était plus inté­gra­le­ment comprise(…) page 5
La Grande Triade

La tradi­tion extrême-orien­tale

Confu­cia­nisme
Taoïsme
Exoté­rique
Esoté­rique
Social
Initia­tique

Le contraire de la disci­pline

Si on pose cette ques­tion a quelques intel­li­gentes personnes,

il nous est répondu une pléthore de mot conte­nant tous la racine « disci­pline », à commen­cer par l’in­dis­ci­pline, vue comme désordre, quand les autres propo­si­tions se voient toutes comme construc­tives, mais souten­dant en fait un ordre arbi­traire et erroné. Pluri-, multi-, méta-, -para, etc., on cherche sans grand succès à réunir des branches exis­tantes plutôt qu’à déce­ler ce qui est commun à toutes les disci­plines. Ainsi, sauf le premier nommé, tout contraire de la disci­pline est toujours disci­pli­naire.

Quelles que soient les approches « non disci­pli­naires » évoquées, le cher­cheur voit toujours au final le surajout d’une tâche, celle de connaître un ou plusieurs autres secteurs que le sien propre. C’est extrê­me­ment diffi­cile, même pour des très hauts QI.

A aucun moment on envi­sage ce qu’est le contraire de la disci­pline qui est à sa créa­tion même, qui l’ali­mente perpé­tuel­le­ment en matière vitale et vivante.

Disci­pline
Jeu

L’ordre du Monde est entiè­re­ment dans le Jeu. C’est pourquoi nous pouvons penser à l’équa­tion analo­gique comme à un jeu, une acti­vité procu­rant le plai­sir de la décou­verte par soi même du réel.

Merci Jean, cette réponse demeure.

La Grande Triade

Dernier ouvrage publié du vivant de René Guénon, La Grande Triade se carac­té­rise par un recours prépon­dé­rant aux tradi­tions extrême-orien­tales, parti­cu­liè­re­ment celles de la Chine et, avant tout, du taoïsme, que l’au­teur avait connues et dont il avait traité dès ses premiers écrits. Toute­fois, comme à son accou­tu­mée, il y fait aussi de nombreux paral­lèles et rappro­che­ments avec d’autres tradi­tions, tant orien­tales qu’oc­ci­den­tales : hindouisme, boud­dhisme, judaïsme, islam, chris­tia­nisme, franc-maçon­ne­rie, hermé­tisme, pytha­go­risme, Fidèles d’Amour, etc. De la sorte, La Grande Triade répond clai­re­ment au propos constant de René Guénon : expo­ser les données de la Tradi­tion primor­diale, notam­ment en souli­gnant les conver­gences entre toutes les tradi­tions authen­tiques. Même si, comme il le regret­tait, ce livre n’eut d’abord qu’un faible écho, y compris dans les milieux qui se récla­maient de la pensée tradi­tion­nelle, l’ou­vrage fit progres­si­ve­ment et discrè­te­ment son chemin, notam­ment parmi ceux qu’at­ti­rait l’Ex­trême-Orient.
René Guénon – La Grande Triade – Galli­mard

On peut trou­ver cet ouvrage ici en pdf et l’on peut trou­ver un résumé ici en pdf.

René-Guénon-1946-La-Grande-Triade.pdf – copie locale