Ontoar­chéo­lo­gie – 2

Je voudrais préci­ser ce que j’en­tends par erreur. Cela me semble clair dans ce contexte, mais une préci­sion n’est pas du luxe. En usant de ce terme, je sous-entends unique­ment une erreur de signa­ture selon les quatre critères de vali­da­tion de ma base de données et pas une erreur de juge­ment de l’au­teur, ce n’est géné­ra­le­ment pas dans mes cordes. Je ne présume pas des pensées qui ont présidé à la signa­ture ni ne les étudie dans leurs rami­fi­ca­tions. C’est là que je ne suis pas philo­logue, je ne retrace le chemin des pensées que pour abou­tir à la signa­ture en essayant de discer­ner ce qui l’amène.

Cette notion d’er­reur ou plutôt d’ab­sence d’er­reur n’est pas fonda­men­tale dans la conduite de la pensée expri­mée formel­le­ment ni dans son utilité intrin­sèque. Cela peut sembler para­doxal, mais c’est ainsi, l’on­to­lo­gie formelle n’a pas de voca­tion hégé­mo­nique, elle est la cerise sur le gâteau. Quand la signa­ture est là, on reçoit une sensa­tion de complé­tude, c’est une récom­pense. Quand elle n’est pas là, c’est que le travail contient encore certaines imper­fec­tions qui n’em­pêchent pas de profi­ter de ce travail. En l’ab­sence de connais­sance en onto­lo­gie formelle, cela signi­fie simple­ment que d’autres itéra­tions de la recherche devraient abou­tir à une remise en cause plus proche d’une signa­ture correcte. Nous ne sommes pas dans une science tran­chée, l’er­reur n’in­dique donc pas la faillite, rappe­lons-nous que le critère du contexte de la décou­verte est la présence de « oui » et pas l’ab­sence de « non » du contexte de la justi­fi­ca­tion.

Encore une fois je suis parfois capable me montrer un critique acerbe de certaines réali­sa­tions mal signées, comme la trans­for­ma­tion de [ordre/désordre] en [bien/mal], anthro­po­mor­phisme signable, mais qui s’ac­com­pagne de flou plus d’in­co­hé­rence, mais il faut bien perce­voir que je ne critique pas spécia­le­ment la pensée qui amène à cette erreur, mais plutôt le fait qu’elle n’ait pas été perçue, le plus souvent pour des raisons parti­sanes, comme le fait la Philo­so­phie dans son propre renver­se­ment patho­lo­gique des choses. Je pense que la folie accom­pagne néces­sai­re­ment le génie et que les deux se soignent.

Ces deux courants majeurs qui nous consti­tuent en tant qu’oc­ci­den­taux sont des piliers millé­naires de l’évo­lu­tion que je persiste à respec­ter infi­ni­ment pour leurs réali­sa­tions, même quand je les agresse avec des mots durs. La critique Philo­so­phique est la recherche de la limite. Et mon expres­sion étant ce qu’elle est n’est pas dénuée d’af­fects et d’éner­ve­ments, ce n’est pas grave puisque c’est discerné et assumé : je ne suis pas un penseur déta­ché de ce monde, je vis ce que je pense et je pense ce que je vis. Ces sujets me ramènent constam­ment en pensée à Pierre Hadot que j’ad­mire. Je vous laisse avec une cita­tion de Wiki­pé­dia : « il est un de ceux qui ont insisté sur le fait que la philo­so­phie antique était d’abord une manière de vivre, un exer­cice spiri­tuel, bref une pratique et pas une théo­rie, un pur champ univer­si­taire comme elle l’est de nos jours ».

Encore une illus­tra­tion : quand je vais parler de Jung en psycho­lo­gie de l’inné, je vais montrer que j’ai décelé une erreur de signa­ture vrai­ment consé­quente, mais qui ne me procure pas le moindre affect, c’est comme ça, un grand acteur de la pensée fait aussi des erreurs tout en avançant. Par contre quand je comprends comment il a sciem­ment produit cette erreur, visi­ble­ment  pour ne pas suivre la voie de la carac­té­ro­lo­gie qu’il semble mépri­ser et qu’il préfère donc la consi­dé­rer d’em­blée non pas comme parte­naire, mais comme enne­mie, là il se peut que mon affect se réveille, parce que là, ce n’est pas de l’er­reur, c’est de la bêtise. Et les fans diront que je suis anti-Jung, que je suis parti­san : c’est tout le contraire, « qui aime bien châtie bien ». Ceux qui nient les erreurs de juge­ment des gens dont ils sont enti­chés « n’aiment pas bien ». Je peux à la fois dure­ment critiquer Jung et le placer au pinacle de certaines recherches où sa contri­bu­tion est encore inéga­lée. Et ceux qui se situent aveu­glé­ment à l’un des deux anti­podes pros (respec­ter sans critiquer) ou anti (critiquer sans respec­ter) produisent en moi de l’af­fect !

On peut évoquer un achè­ve­ment lorsqu’une signa­ture correcte vient chapeau­ter une recherche bien, menée à terme. Je rappelle que la recherche commence pour ainsi dire toujours d’une ou plusieurs disso­cia­tions élémen­taires qui semblent se cher­cher sur le temps long des mots simples dans l’exis­tant, quitte à les fonder s’ils n’existent vrai­ment pas ou qu’ils sont déjà utili­sés à autre chose. Si vous cher­chez Ferdi­nand de Saus­sure, vous allez tomber sur [synchro­nique/diachro­nique], c’est inévi­table. Ce ne sont pas deux mots nus tombés du ciel, ce sont les supports de sa quête, ses fonda­tions décan­tées selon une certaine caté­go­ri­sa­tion onto­lo­gi­co­lin­guis­tique. Ce couple est validé complè­te­ment selon les critères de l’ou­til et de plus il retrouve natu­rel­le­ment des affi­ni­tés onto­lo­giques en divers domaines. Ce couple est stable et achevé, cette recherche l’est proba­ble­ment aussi, ça je ne le sais pas je le suppute, je ne vais pas apprendre un métier (la linguis­tique) pour le véri­fier, ça ne m’in­té­resse pas, je me fie aux signes et j’avance dans mon domaine, enri­chi par le don de ce sens.

Bon, ça valait le coup, je devais un jour ou l’autre posi­tion­ner cette préci­sion. Je ne regrette pas mon choix de l’ex­pres­sion discur­sive qui est déci­dé­ment pratique pour moi et sans doute assez contrai­gnant pour le lecteur qui s’at­tend à ce que je parle de ce que j’ai mis en titre ! Je reviens donc à l’on­toar­chéo­lo­gie.

Le mono­théisme premier s’est fondé sur l’ap­pro­pria­tion par le bien et le mal des caté­go­ries univer­selles. Cette signa­ture est problé­ma­tique parce qu’elle modi­fie le sens global du prin­cipe pour lequel tout est néces­saire. Rappe­lons-nous que le prin­cipe n’était pas connu, il émer­geait à travers ces couples de mots qu’aujourd’­hui je classe en trait alpha : [ordre/désordre], [bien/mal] auxquels j’ajoute [altruisme/égoïsme][irra­tion­nel/ration­nel]. C’est une évolu­tion majeure, une décou­verte fonda­men­tale.

Mais, en contrai­gnant le juge­ment selon des caté­go­ries perçues comme abso­lues, c’est une signa­ture qui inter­dit l’ac­cès profane au juge­ment, qui est désor­mais l’af­faire de spécia­listes, en gros les prêtres. Tout est dès lors permis à une caste sous couvert d’une rhéto­rique savante et mouvante, même si c’est fait en gros­sière contra­dic­tion avec certaines parties du dogme, comme exter­mi­ner des gens et même des peuples pour faire le bien, alors que ce même bien est analo­gique­ment et initia­le­ment la même chose que l’al­truisme, le soin apporté à l’autre par l’amour et le respect.

Assu­ré­ment tout n’est pas aussi dange­reux dans cette logique, mais ce que je souligne, c’est que le couple [bien/mal] n’est éminem­ment plus de l’on­to­lo­gie formelle puisqu’il auto­rise et valo­rise le juge­ment de valeur erro­né­ment affirmé comme absolu, par exemple entre le croyant qui sera sauvé et l’in­croyant qui sera damné pour l’éter­nité. L’ordre univer­sel est devenu une morale variable selon la déci­sion de personnes au pouvoir, l’ou­til onto­lo­gique est clai­re­ment dévoyé. Je voudrais encore une fois préci­ser que mes critiques ne sont pas un juge­ment, ma posture est double entre réus­site et erreur, en voici l’autre versant : j’as­so­cie les manœuvres qu’u­ti­lisent les personnes dispo­sant de leviers idéo­lo­giques reli­gieux puis­sants à des ruses éduca­tives.

C’est impor­tant, car là aussi on évite le juge­ment de valeur qui s’ac­com­pagne de habi­tuel­le­ment de condam­na­tion. Les choses de l’on­to­lo­gie et de la morale étant complexes, il faut bien, si on veut les répandre au plus grand nombre, simpli­fier et diri­ger, c’est le prin­cipe de la ruse éduca­tive selon lequel il n’est pas néces­saire de se faire tota­le­ment comprendre pour faire bouger les gens. Évidem­ment la ques­tion de l’hon­nê­teté du « rusé » se pose, mais on peut penser que géné­ra­le­ment l’idée première est sincère et correcte, ce qui se véri­fie par le succès rencon­tré de ladite ruse. En l’oc­cur­rence, le succès de notre couple [bien/mal] n’est pas encore démenti, même si on peut le juger bancal comme je le fais, plusieurs millé­naires après son appa­ri­tion mazdéenne et sa réap­pro­pria­tion juive, catho­lique et musul­mane, même si ces trois reli­gions se sont ingé­niées à se nier les unes les autres pour se construire. Je le répète, l’er­reur onto­lo­gique peut s’avé­rer construc­tive ou du moins, elle peut ne pas empê­cher ce à quoi elle s’ap­plique d’être produc­tif.

En l’oc­cur­rence l’er­reur première du mazdéisme est déjà un abus hyper­ra­tio­na­liste contenu dans la fonda­tion [ordre/désordre] de ce couple si intime à notre monde que même la Philo­so­phie n’a pu l’en­di­guer à ce jour ni même le disqua­li­fier ou le rempla­cer. Onto­lo­gique­ment parlant, le désordre n’est pas une chose à reje­ter, il existe, il a un sens dans la construc­tion du sens, il est incon­tour­nable, inéra­di­cable, etc. Ce qui me fait parler de signa­ture ration­nelle, voire hyper­ra­tion­nelle quand s’y attache une patho­lo­gie, c’est bien entendu le fait qu’il s’agisse d’un couple de carac­tère oppo­si­tion et non complé­men­ta­rité. L’ex­trac­tion de la ratio­na­lité à partir de la gangue indif­fé­ren­ciée des deux est l’ori­gine d’une des muta­tions clefs de l’hu­ma­nité. La reli­gion mono­théiste réalise cette muta­tion que la Philo­so­phie trans­for­mera, comme en rugby, en l’aug­men­tant. Para­doxa­le­ment, la signa­ture mono­théiste qui sépare le bien du mal, quand elle est onto­lo­gique­ment prise en compte est un acte du même mal qu’elle désigne, puisque onto­lo­gique­ment le mal théo­lo­gien est un analogue clair de la ratio­na­lité, ratio­na­lité que le Chris­tia­nisme ne se privera pas de combattre lors de la montée du ratio­na­lisme à partir du siècle des Lumières, en l’in­cluant dans ses héré­sies. C’est là que l’on­to­lo­gie formelle, déta­chée du tempo­rel comme du patho­lo­gique, nous est précieuse : par elle nous rame­nons ce qui est intriqué à un réfé­rent absolu disso­cia­tif en soi et parfai­te­ment neutre, que nous ne pouvons discer­ner qu’à posté­riori. Voir clair et apai­ser ; les deux ont raison, les deux ont tort ; on peut avan­cer en se trom­pant.

Je ne prétends pas ici boucler l’on­to­lo­gie mono­théiste, mais simple­ment montrer la trace onto­lo­gique­ment formelle que ces reli­gions ont gravée dans notre histoire à partir du seul trait alpha, le premier dans l’ordre des choses. En réalité si [ordre/désordre] est un bon candi­dat pour l’al­pha [bien/mal] s’ap­plique aussi aux autres traits, ce qui aide assu­ré­ment à clari­fier cette inoxy­dable dyade. En bêta [corps/esprit] est signé par le mono­théisme [mal/bien], ce qui lève une grosse contra­dic­tion avec la signa­ture alpha, ou du moins ce qui indique une poly­sé­mie problé­ma­tique de cette dyade qui s’avère fina­le­ment peut-être bien être de la pseudo-onto­lo­gie. Évidem­ment les autres traits vont se montrer eux aussi descrip­tifs d’un champ séman­tique distinct et donc de signa­tures indé­pen­dantes l’une de l’autre pour cette même dyade.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *