Je voudrais préciser ce que j’entends par erreur. Cela me semble clair dans ce contexte, mais une précision n’est pas du luxe. En usant de ce terme, je sous-entends uniquement une erreur de signature selon les quatre critères de validation de ma base de données et pas une erreur de jugement de l’auteur, ce n’est généralement pas dans mes cordes. Je ne présume pas des pensées qui ont présidé à la signature ni ne les étudie dans leurs ramifications. C’est là que je ne suis pas philologue, je ne retrace le chemin des pensées que pour aboutir à la signature en essayant de discerner ce qui l’amène.
Cette notion d’erreur ou plutôt d’absence d’erreur n’est pas fondamentale dans la conduite de la pensée exprimée formellement ni dans son utilité intrinsèque. Cela peut sembler paradoxal, mais c’est ainsi, l’ontologie formelle n’a pas de vocation hégémonique, elle est la cerise sur le gâteau. Quand la signature est là, on reçoit une sensation de complétude, c’est une récompense. Quand elle n’est pas là, c’est que le travail contient encore certaines imperfections qui n’empêchent pas de profiter de ce travail. En l’absence de connaissance en ontologie formelle, cela signifie simplement que d’autres itérations de la recherche devraient aboutir à une remise en cause plus proche d’une signature correcte. Nous ne sommes pas dans une science tranchée, l’erreur n’indique donc pas la faillite, rappelons-nous que le critère du contexte de la découverte est la présence de « oui » et pas l’absence de « non » du contexte de la justification.
Encore une fois je suis parfois capable me montrer un critique acerbe de certaines réalisations mal signées, comme la transformation de [ordre/désordre] en [bien/mal], anthropomorphisme signable, mais qui s’accompagne de flou plus d’incohérence, mais il faut bien percevoir que je ne critique pas spécialement la pensée qui amène à cette erreur, mais plutôt le fait qu’elle n’ait pas été perçue, le plus souvent pour des raisons partisanes, comme le fait la Philosophie dans son propre renversement pathologique des choses. Je pense que la folie accompagne nécessairement le génie et que les deux se soignent.
Ces deux courants majeurs qui nous constituent en tant qu’occidentaux sont des piliers millénaires de l’évolution que je persiste à respecter infiniment pour leurs réalisations, même quand je les agresse avec des mots durs. La critique Philosophique est la recherche de la limite. Et mon expression étant ce qu’elle est n’est pas dénuée d’affects et d’énervements, ce n’est pas grave puisque c’est discerné et assumé : je ne suis pas un penseur détaché de ce monde, je vis ce que je pense et je pense ce que je vis. Ces sujets me ramènent constamment en pensée à Pierre Hadot que j’admire. Je vous laisse avec une citation de Wikipédia : « il est un de ceux qui ont insisté sur le fait que la philosophie antique était d’abord une manière de vivre, un exercice spirituel, bref une pratique et pas une théorie, un pur champ universitaire comme elle l’est de nos jours ».
Encore une illustration : quand je vais parler de Jung en psychologie de l’inné, je vais montrer que j’ai décelé une erreur de signature vraiment conséquente, mais qui ne me procure pas le moindre affect, c’est comme ça, un grand acteur de la pensée fait aussi des erreurs tout en avançant. Par contre quand je comprends comment il a sciemment produit cette erreur, visiblement pour ne pas suivre la voie de la caractérologie qu’il semble mépriser et qu’il préfère donc la considérer d’emblée non pas comme partenaire, mais comme ennemie, là il se peut que mon affect se réveille, parce que là, ce n’est pas de l’erreur, c’est de la bêtise. Et les fans diront que je suis anti-Jung, que je suis partisan : c’est tout le contraire, « qui aime bien châtie bien ». Ceux qui nient les erreurs de jugement des gens dont ils sont entichés « n’aiment pas bien ». Je peux à la fois durement critiquer Jung et le placer au pinacle de certaines recherches où sa contribution est encore inégalée. Et ceux qui se situent aveuglément à l’un des deux antipodes pros (respecter sans critiquer) ou anti (critiquer sans respecter) produisent en moi de l’affect !
On peut évoquer un achèvement lorsqu’une signature correcte vient chapeauter une recherche bien, menée à terme. Je rappelle que la recherche commence pour ainsi dire toujours d’une ou plusieurs dissociations élémentaires qui semblent se chercher sur le temps long des mots simples dans l’existant, quitte à les fonder s’ils n’existent vraiment pas ou qu’ils sont déjà utilisés à autre chose. Si vous cherchez Ferdinand de Saussure, vous allez tomber sur [synchronique/diachronique], c’est inévitable. Ce ne sont pas deux mots nus tombés du ciel, ce sont les supports de sa quête, ses fondations décantées selon une certaine catégorisation ontologicolinguistique. Ce couple est validé complètement selon les critères de l’outil et de plus il retrouve naturellement des affinités ontologiques en divers domaines. Ce couple est stable et achevé, cette recherche l’est probablement aussi, ça je ne le sais pas je le suppute, je ne vais pas apprendre un métier (la linguistique) pour le vérifier, ça ne m’intéresse pas, je me fie aux signes et j’avance dans mon domaine, enrichi par le don de ce sens.
Bon, ça valait le coup, je devais un jour ou l’autre positionner cette précision. Je ne regrette pas mon choix de l’expression discursive qui est décidément pratique pour moi et sans doute assez contraignant pour le lecteur qui s’attend à ce que je parle de ce que j’ai mis en titre ! Je reviens donc à l’ontoarchéologie.
Le monothéisme premier s’est fondé sur l’appropriation par le bien et le mal des catégories universelles. Cette signature est problématique parce qu’elle modifie le sens global du principe pour lequel tout est nécessaire. Rappelons-nous que le principe n’était pas connu, il émergeait à travers ces couples de mots qu’aujourd’hui je classe en trait alpha : [ordre/désordre], [bien/mal] auxquels j’ajoute [altruisme/égoïsme][irrationnel/rationnel]. C’est une évolution majeure, une découverte fondamentale.
Mais, en contraignant le jugement selon des catégories perçues comme absolues, c’est une signature qui interdit l’accès profane au jugement, qui est désormais l’affaire de spécialistes, en gros les prêtres. Tout est dès lors permis à une caste sous couvert d’une rhétorique savante et mouvante, même si c’est fait en grossière contradiction avec certaines parties du dogme, comme exterminer des gens et même des peuples pour faire le bien, alors que ce même bien est analogiquement et initialement la même chose que l’altruisme, le soin apporté à l’autre par l’amour et le respect.
Assurément tout n’est pas aussi dangereux dans cette logique, mais ce que je souligne, c’est que le couple [bien/mal] n’est éminemment plus de l’ontologie formelle puisqu’il autorise et valorise le jugement de valeur erronément affirmé comme absolu, par exemple entre le croyant qui sera sauvé et l’incroyant qui sera damné pour l’éternité. L’ordre universel est devenu une morale variable selon la décision de personnes au pouvoir, l’outil ontologique est clairement dévoyé. Je voudrais encore une fois préciser que mes critiques ne sont pas un jugement, ma posture est double entre réussite et erreur, en voici l’autre versant : j’associe les manœuvres qu’utilisent les personnes disposant de leviers idéologiques religieux puissants à des ruses éducatives.
C’est important, car là aussi on évite le jugement de valeur qui s’accompagne de habituellement de condamnation. Les choses de l’ontologie et de la morale étant complexes, il faut bien, si on veut les répandre au plus grand nombre, simplifier et diriger, c’est le principe de la ruse éducative selon lequel il n’est pas nécessaire de se faire totalement comprendre pour faire bouger les gens. Évidemment la question de l’honnêteté du « rusé » se pose, mais on peut penser que généralement l’idée première est sincère et correcte, ce qui se vérifie par le succès rencontré de ladite ruse. En l’occurrence, le succès de notre couple [bien/mal] n’est pas encore démenti, même si on peut le juger bancal comme je le fais, plusieurs millénaires après son apparition mazdéenne et sa réappropriation juive, catholique et musulmane, même si ces trois religions se sont ingéniées à se nier les unes les autres pour se construire. Je le répète, l’erreur ontologique peut s’avérer constructive ou du moins, elle peut ne pas empêcher ce à quoi elle s’applique d’être productif.
En l’occurrence l’erreur première du mazdéisme est déjà un abus hyperrationaliste contenu dans la fondation [ordre/désordre] de ce couple si intime à notre monde que même la Philosophie n’a pu l’endiguer à ce jour ni même le disqualifier ou le remplacer. Ontologiquement parlant, le désordre n’est pas une chose à rejeter, il existe, il a un sens dans la construction du sens, il est incontournable, inéradicable, etc. Ce qui me fait parler de signature rationnelle, voire hyperrationnelle quand s’y attache une pathologie, c’est bien entendu le fait qu’il s’agisse d’un couple de caractère opposition et non complémentarité. L’extraction de la rationalité à partir de la gangue indifférenciée des deux est l’origine d’une des mutations clefs de l’humanité. La religion monothéiste réalise cette mutation que la Philosophie transformera, comme en rugby, en l’augmentant. Paradoxalement, la signature monothéiste qui sépare le bien du mal, quand elle est ontologiquement prise en compte est un acte du même mal qu’elle désigne, puisque ontologiquement le mal théologien est un analogue clair de la rationalité, rationalité que le Christianisme ne se privera pas de combattre lors de la montée du rationalisme à partir du siècle des Lumières, en l’incluant dans ses hérésies. C’est là que l’ontologie formelle, détachée du temporel comme du pathologique, nous est précieuse : par elle nous ramenons ce qui est intriqué à un référent absolu dissociatif en soi et parfaitement neutre, que nous ne pouvons discerner qu’à postériori. Voir clair et apaiser ; les deux ont raison, les deux ont tort ; on peut avancer en se trompant.
Je ne prétends pas ici boucler l’ontologie monothéiste, mais simplement montrer la trace ontologiquement formelle que ces religions ont gravée dans notre histoire à partir du seul trait alpha, le premier dans l’ordre des choses. En réalité si [ordre/désordre] est un bon candidat pour l’alpha [bien/mal] s’applique aussi aux autres traits, ce qui aide assurément à clarifier cette inoxydable dyade. En bêta [corps/esprit] est signé par le monothéisme [mal/bien], ce qui lève une grosse contradiction avec la signature alpha, ou du moins ce qui indique une polysémie problématique de cette dyade qui s’avère finalement peut-être bien être de la pseudo-ontologie. Évidemment les autres traits vont se montrer eux aussi descriptifs d’un champ sémantique distinct et donc de signatures indépendantes l’une de l’autre pour cette même dyade.