Le Retour

Le cadre d’étude du prin­cipe à partir de l’apho­risme chinois est volon­tai­re­ment restreint à la seule crois­sance du yin au yang. La repré­sen­ta­tion employée constam­ment ici implique cette crois­sance et jamais l’in­verse.

Si nous prenons par exemple le cycle quater­naire de la connais­sance, nous le voyons évoluer vers plus de struc­tu­ra­tion et de force, l’étape suivante s’ap­puyant sur la précé­dente mais jamais redes­cendre d’une étape vers l’autre.

L’intui­tion découvre la nouveauté (+) et nour­rit ainsi la discur­si­vité qui effec­tue la sélec­tion (-) de données fermes à l’usage de l’induc­tion produc­trice (*) dont l’ob­ser­va­tion auto­rise la déduc­tion logique (/). De nombreuses quater­ni­tés clas­siques illus­trent fort bien cette crois­sance : à aucun moment nous n’ima­gi­nons pouvoir passer de l’age adulte à l’ado­les­cence.

Cette conven­tion restreinte du sujet est tout à fait perti­nente et n’em­pêche en rien de poser sépa­ré­ment le problème distinct et complé­men­taire que je nomme le Retour. Distin­guer cette étape de celle de la crois­sance est crucial. Ne pas le faire conduit à certaines aber­ra­tions de la pensée dont la philo­so­phie ne manque pas et sur lesquelles elle croit pouvoir repo­ser son assu­rance. En fait, plus l’au­teur igno­rant le Retour est puis­sant et intel­li­gent, plus il impose des constats réels mal nommés que je ne peux qu’ap­pe­ler des dévoie­ments, des sorties de la voie.

Le Retour est une notion très parti­cu­lière et déli­cate. En fait, tout comme la notion de parti­cule élémen­taire peut être vue de façon ondu­la­toire ou corpus­cu­laire, elle est double.

Le plus simple­ment possible, le Retour est le passage du yin le plus élevé au yang le plus premier selon le cycle qu’il est facile d’ima­ger : la connais­sance qui produit au final une théo­rie nouvelle renvoie par l’étude des consé­quences de cette dernière à la possi­bi­lité de nouvelles intui­tions qui recom­mencent le cycle. La repré­sen­ta­tion circu­laire ou sinu­soï­dale est judi­cieuse et l’on peut même, puisqu’à chaque itéra­tion d’un cycle quelque chose a grandi, utili­ser la méta­phore de la spirale. En géné­ral, tout phéno­mène cyclique, maté­riel (saison, jour) ou abstrait (semaine) peut être repré­senté selon le cycle où le retour n’est qu’un moment pure­ment symbo­lique (le moment sur l’hor­loge où 23 h 59 min 59 s devient 0 h) indis­cer­nable sans concep­tua­li­sa­tion.

Mais il existe certaines formu­la­tions qui ne permettent pas à l’es­prit de seule­ment imagi­ner ce que peut bien être ce Retour. La dualité célèbre de la philo­so­phie entre absolu et rela­tif, asso­ciée à la physique, nous donne une idée de cette diffi­culté. La tempé­ra­ture connaît un zéro et un infini. Le temps, la distance, la lumière et d’autre phéno­mènes physiques de même. Comment imagi­ner que l’in­fini retourne au zéro ? Le problème est-il bien posé ?

Autre façon d’ex­po­ser la diffi­culté : si nous savons qu’entre la nais­sance et la mort il y a la vie, comment théo­ri­ser depuis l’angle de vue d’un être vivant le passage de la mort à la nais­sance ? Fameux problème qui peut être abordé diffé­rem­ment, puisque la mort des uns permet la vie des autres.

Comment savoir si nous posons bien le problème ?

Usage ou recon­nais­sance du prin­cipe

Les philo­sophes peuvent se compor­ter de diffé­rentes façons par rapport au prin­cipe premier. Soit ils le nient, soient ils l’ignorent, soit ils le prennent pour objet en tant que fonde­ment de la méta­phy­sique. Mais tous emploient le prin­cipe formel quand il le faut.

Ma recherche de sources consiste à minima à rele­ver les usages clairs et nets du prin­cipe, qu’ils soient fait expli­ci­te­ment ou non par leurs auteurs. Ce niveau est assez proli­fique et s’est vu multi­plié avec le prin­cipe quater­naire d’Aris­tote.

Mon second niveau de recherche, aux décou­vertes bien plus clair­se­mées, est celui des textes citant le prin­cipe en tant que tel, et dont les auteurs recon­naissent l’exis­tence, admet­tant impli­ci­te­ment avoir une forme de croyance à ce sujet. Ce sont des gens comme Héra­clite, Aris­tote, Franz Bren­tano, Martin Heideg­ger et son unique commen­ta­teur en la matière, Jean-François Mattéi. Ceci n’est pas une liste d’au­teurs, c’est juste une lignée de penseurs sur le sujet, celle qui m’a fourni la clef entre ma recherche initiée sur le prin­cipe à la chinoise et la tradi­tion méta­phy­sique euro­péenne, cris­tal­li­sée sur la quadra­ture de l’étant aris­to­té­li­cienne.

Chez Kant, nous avons une posture excep­tion­nelle. Personne n’a sans doute jamais systé­ma­tisé le prin­cipe plus que lui, mais il semble pour­tant lui dénier la possi­bi­lité de l’exis­tence, tout en en parlant clai­re­ment.

On a trouvé suspect que mes divi­sions en philo­so­phie pure se trouvent presque toujours être tripar­tites. Mais c’est dans la nature des choses.

C’est trou­blant et devrait être étayé par une vraie recherche spéci­fique sur ce philo­sophe, ce qui n’est pas à ma portée : je ne peux que sortir de leur contexte des extraits qui me semblent parlants, mais qui peuvent très bien être plus complexes que ce que ma capa­cité peut admettre, ou encore contre­dits par ailleurs.

Des penseurs contem­po­rains conti­nuent à parler expli­ci­te­ment du prin­cipe, mais toujours subrep­ti­ce­ment au détour d’un sujet clas­sique ou encore de façon plus ou moins masquée. On voit appa­raître des expres­sions réser­vées qui ne sont rien d’autre que le voca­bu­laire codé de nos préoc­cu­pa­tions, telle que la dialo­gique d’Ed­gar Morin ou la différance de Jacques Derrida.

Analo­gie

Analo­gie Le raison­ne­ment par analo­gie est un raison­ne­ment par asso­cia­tion d’idées, combi­nai­son et synthèse.

L’ana­lo­gie est souvent utili­sée en science et en philo­so­phie, car elle permet de repor­ter les résul­tats qui sont connus dans un premier domaine vers un second domaine, ceci de manière effi­cace. Il suffit en effet pour appliquer la même logique en paral­lèle, de substi­tuer fidè­le­ment tant A par C que B par D pour obte­nir des résul­tats à coup sûr corrects dans le rapport entre C et D. De ce point de vue, l’ana­lo­gie est une opéra­tion parfai­te­ment ration­nelle. C’est un simple calcul en paral­lèle. Si la substi­tu­tion donne des résul­tats erro­nés, c’est que l’ana­lo­gie est fausse.

Aspect cyclique du prin­cipe

Crois­sance Décrois­sance
Accé­lé­ra­tion Décé­lé­ra­tion Accé­lé­ra­tion Décé­lé­ra­tion

La réflexion à propos de la repré­sen­ta­tion sinu­soï­dale m’a conduit aux constats que j’ins­cris ci-dessus concer­nant crois­sance et accé­lé­ra­tion. C’est donc les proprié­tés de la repré­sen­ta­tion qui m’in­diquent les traits de la signa­ture et non pas des obser­va­tions du réel. C’est évidem­ment problé­ma­tique et ne doit pas conduire à consi­dé­rer la crois­sance comme trait alpha et l’ac­cé­lé­ra­tion comme trait bêta sans avoir confir­ma­tion par ailleurs. L’as­pect de ces proprié­tés est aussi à rappro­cher de la problé­ma­tique géné­rale du chan­ge­ment d’état.

Hiver Prin­temps Été Automne
0h 6h 12h 18h
Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi Dimanche

Les 4 saisons

Il ne s’agit pas d’une quater­nité évidente à signer, mais une fois que c’est fait, c’est cohé­rent.

Quater­nité
Automne
Été
Prin­temps
Hiver
Éléments
Feu
Air
Eau
Terre
4 causes
Finale
Effi­ciente
Formelle
Maté­rielle

Edgar Morin – Les quatre pattes de la science

Clai­rière

Science
Ratio­na­lisme Théo­ries
Empi­risme Expé­riences
Véri­fi­ca­tion Sélec­tion
Imagi­na­tion Hypo­thèses
4 pensées
Déduc­tion
Induc­tion
Discur­si­vité
Intui­tion

Edgar Morin, Intro­duc­tion à la pensée complexeLa science se fonde à la fois sur le consen­sus et sur le conflit. En même temps elle marche sur quatre pattes indé­pen­dantes et inter­dé­pen­dantes : la ratio­na­lité, l’em­pi­risme, l’ima­gi­na­tion, la véri­fi­ca­tion. Il y a conflic­tua­lité perma­nente entre ratio­na­lisme et empi­risme ; l’em­pi­risme détruit les construc­tions ration­nelles qui se recons­ti­tuent à partir de nouvelles décou­vertes empi­riques. Il y a complé­men­ta­rité conflic­tuelle entre la véri­fi­ca­tion et l’ima­gi­na­tion.

Edgar Morin, Le défi de la complexité page 14La science elle-même obéit à la dialo­gique. Pourquoi ? Parce que la science n’a cessé de marcher sur quatre pattes diffé­rentes. Elle marche sur la patte de l’em­pi­risme et sur la patte de la ratio­na­lité, sur celle de l’ima­gi­na­tion et sur celle de la véri­fi­ca­tion. Or, il y a toujours dualité et conflit entre les visions empi­riques, qui, à la limite, deviennent ratio­na­li­sa­trices et rejettent hors de la réalité ce qui échappe à leur systé­ma­ti­sa­tion. Ainsi, ratio­na­lité et empi­risme main­tiennent une dialo­gique féconde entre la volonté de la raison de saisir tout le réel et la résis­tance du réel à la raison. En même temps, il y a complé­men­ta­rité et anta­go­nisme entre l’ima­gi­na­tion qui fait les hypo­thèses, et la véri­fi­ca­tion, qui les sélec­tionne. Autre­ment dit, la science se fonde sur la dialo­gique entre imagi­na­tion et véri­fi­ca­tion, empi­risme et ratio­na­lisme.

Quater­ni­tés clas­siques

Clai­rière

Causes
Finale
Effi­ciente
Formelle
Maté­rielle
Pensées
Déduc­tion
Induc­tion
Discur­si­vité
Intui­tion
Op.
%
*
+
Éléments
Feu
Air
Eau
Terre
Corps
Tête
Poitrine
Cœur
Sexe
Âmes
Raison
Courage
Sagesse
Désir
Philo­so­phies
Logique
Morale
Méta­phy­sique
Psycho­lo­gie
Saisons
Automne
Été
Prin­temps
Hiver
Science
Ratio­na­lisme Théo­ries
Empi­risme Expé­riences
Véri­fi­ca­tion Sélec­tion
Imagi­na­tion Hypo­thèses

Les 4 opéra­tions

Cette signa­ture ne fait pas partie de celles qui coulent de source. Elle paraî­tra contra­dic­toire à de nombreuses personnes, néan­moins est elle cohé­rente et « parlante » avec toute la recherche.

4 opéra­tions
Divi­sion
Multi­pli­ca­tion
Sous­trac­tion
Addi­tion
4 pensées
Déduc­tion
Induc­tion
Discur­si­vité
Intui­tion
4 âmes
Raison
Volonté
Sagesse
Désir

C’est pour moi une signa­ture de réfé­rence.

L’âme selon Aris­tote

L’âme selon Aris­toteAris­tote, dans son traité De l’âme écrit vers 330 av. J.-C., fait l’éco­no­mie du concept des Idées, l’âme et le corps ne sont plus deux réali­tés distinctes, mais une seule et même substance qui a pour matière le corps (ce qui est en puis­sance) et pour forme l’âme (ce qui est en acte). Sa défi­ni­tion la plus commune de l’âme (c’est-à-dire celle qui convient à toutes les âmes) est la suivante : « L’âme est l’acte premier d’un corps orga­nisé. »

Clai­rière

L’âme selon Aris­tote
Âme Forme En acte
Subs­tance
Corps Matière En puis­sance

L’âme selon Aris­toteIl distingue trois ou quatre grandes fonc­tions ou facul­tés (dyna­meis) ou formes de l’âme (psyché), qui marquent les étapes d’un déve­lop­pe­ment de l’âme :

  • La faculté nutri­tive (threp­tikê) est la capa­cité d’as­si­mi­ler les éléments exté­rieurs, elle appar­tient à tous les vivants, plantes et animaux, qui croissent ; elle est grou­pée avec la faculté géné­ra­tive (gennê­tikê), fonc­tion de procréa­tion. Ensemble, on a la fonc­tion végé­ta­tive.
  • La faculté sensi­tive (aïsthé­ti­kon) et discri­mi­na­tive appa­raît chez les seuls animaux, avec les sens (du plus bas au plus haut : le toucher, le goût, l’odo­rat, l’ouïe, la vue), la percep­tion du plai­sir et de la douleur, le désir, puis – pour l’homme – l’ima­gi­na­tion et le bon sens (khoï­non aïsthé­ti­kon : l’homme sent qu’il sent et discri­mine les diverses sensa­tions)
  • la faculté motrice, inter­mé­diaire entre le désir et l’in­tel­lect, qui fait que les animaux les plus parfaits peuvent se mouvoir pour satis­faire leurs besoins.
  • La faculté pensante, la raison, l’in­tel­lect (noûs) n’ap­par­tient qu’à des êtres « comme l’homme et tout être de cette sorte ou supé­rieur, s’il en existe ».

Clai­rière

Fonc­tion, faculté,
forme de l’âme
Dyna­meis, psyché
Pensante Noûs
Motrice Inter­mé­diaire
Sensi­tive, discri­mi­na­tive Aïsthé­ti­kon, khoï­non aïsthé­ti­kon
Végé­ta­tive Threp­tikê, gennê­tikê

Les trois parties de l’âme chez PLATON

Les trois parties de l’âme chez PLATON (La Répu­blique, livre IV)

Les trois parties de l’âmeL’âme comporte trois niveaux, facul­tés : 1) Epithu­mia (ἐπιθυμία), « l’ap­pé­tit », la partie concu­pis­cible, le niveau dési­rant, les envies infé­rieures (faim, soif, , etc.) 2) Thumos (θυμός), « la colère », la partie iras­cible, le niveau agres­sif, les passions, et 3) Logis­ti­kon (λογιστικόν), « le raison­nable », la partie ration­nelle, le niveau divin, la pensée, qui seule est immor­telle (mythe de l’at­te­lage et du cocher dans le Phèdre). La pensée de Platon a évolué. Dans le Phédon, Platon admet une âme ; dans La Répu­blique, il admet trois parties de l’âme ; dans le Phèdre il fait une présen­ta­tion imagée de l’âme sous la figure d’un atte­lage avec un cheval noir qui repré­sente la partie dési­rante, un cheval blanc qui repré­sente la partie iras­cible, et le cocher qui repré­sente l’es­prit ; Platon, dans le Timée, à la fin de sa vie, admet trois âmes. Ce tripar­tisme remonte à Pytha­gore.

Je ne peux pas me résoudre à repré­sen­ter cette tripar­ti­tion en équa­tion. La méta­phore des chevaux nous mettrait bien sur la voie de l’âme (logis­ti­kon) subdi­vi­sée en une partie sombre (épithu­mia) et une claire (thumos), ce qui n’a rien d’ex­tra­or­di­naire selon nos critères, mais la partie thumos me paraît trop ambigüe pour étayer cette tripar­ti­tion où, de plus, la raison serait le tout.

Dans la tripar­ti­tion plato­ni­cienne, il y a la raison, la volonté et le désir, mais il manque quelque chose, l’amour ou la sagesse, qui sont visi­ble­ment inclus pour Platon dans le thumos. Il parait justi­fié de penser que cette méta­phore soit déduite de l’ana­to­mie du corps humain où le cœur est loca­lisé au même endroit que la poitrine, au dessus du diaphragme. En tous cas la quadri­par­ti­tion à laquelle on abou­tit en discer­nant la sagesse de la volonté est bien plus compa­tible avec tout ce que nous connais­sons.

Logis­ti­kon
Thumos
Sophia
Epithu­mia
Raison
Volonté
Sagesse
Désir

Ici Platon chemi­nait, ailleurs il avait déjà résolu ce type de problème : les 4 degrés de la connais­sance

Diánoia
Eikasía
Nóêsis
Pistis
Pensée
Conjec­ture
Intel­lect
Foi
Raison
Volonté
Sagesse
Désir

Ce mouve­ment que je procure à la tripar­ti­tion plato­ni­cienne est étayé sur le corps humain et se voit approuvé indi­rec­te­ment par platon lui même. Ce géant chemi­nait, il s’est trompé souvent parce qu’il inno­vait souvent.