La synchronicité est une appellation de Carl Gustav Jung. Elle évoque les événements à la fois hautement improbables et chargés de sens, qui surgissent le plus souvent dans la vie des gens aux moments de forte implication dans le quotidien.
Une personne chère me laisse un livre à elle en insistant lourdement pour que je le lise, ceci pourtant malgré mon refus motivé du thème. Des mois plus tard, je lui rend le livre que je n’ai pas même ouvert, le lui disant. Peu de temps après, une occasion se présente à elle de me faire un petit cadeau. Je déballe et je trouve encore une fois ce livre, neuf, puisqu’elle l’a racheté pour l’occasion. Mon regard se fait critique devant le peu de considération dont elle fait preuve à cet égard. C’est comme un acte manqué. Machinalement, j’ouvre le livre et je suis surpris. Je le feuillette avec incrédulité et mon visage désormais affiche une franche hilarité : toutes les pages du livre sont entièrement blanches ! en dehors de la couverture, rien n’est imprimé !
« Je t’avais bien dit que je ne voulais pas le lire ! Tu vois, il est d’accord ! »
La notion de synchronicité recouvre aussi ce que l’on appelle parfois « transmission de pensées ».
Je me réveille brutalement en pleine nuit sans raison. Je m’assois, regarde le téléphone. J’attends quelques secondes. Sonnerie, je décroche, c’est elle, elle est très en colère. Je me suis réveillé au moment précis ou elle a décidé de m’appeler. Cette histoire est arrivée deux fois en peu de temps.
Tout le monde connait des moments étranges de ce genre. Il est plus que probable que la croyance la plus ancienne en des êtres supérieurs découle directement d’observations récurrentes de ce type de phénomène, qui donnent fortement l’impression qu’une intelligence extérieure et nous dépassant est à l’œuvre. En réalité, il faudrait parler non d’une intelligence extérieure à l’observateur de la synchronicité, mais d’une certaine intelligence intérieure. La synchronicité vécue n’est pas causale, même selon le mysticisme : elle n’indique pas une destinée ou quelque chose d’immuable ; elle indique que l’on est en train de vivre intensément quelque chose avec le monde qui nous entoure, dont elle nous révèle l’importance par une espèce d’éclair de génie toujours renouvelé. Spéculer sur ce génie est l’occupation des religions. On peut se définir Sans-Dieu, on peut même réfuter tous les dieux, mais on ne peut évacuer le phénomène qui a présidé à leur naissance dans l’esprit de l’homme. Les religions sont des doigts qui désignent une lune, la synchronicité jungienne aussi ; elles sont critiquables, mais la lune, étrange et mystérieuse, existe bel et bien.
Même si elle semble logiquement être la mère de tous les mysticisme, la synchronicité n’est pas miraculeuse ni magique ; elle est le réel en acte. Elle ne peut ni être prouvée, ni être provoquée, mais elle ne peut non plus être réfutée sans être aveuglé par son impossibilité théorique causaliste. Ses caractéristiques nous font immanquablement penser à la simultanéité prévue par Einstein et démontrée par A. Aspect, de l’intrication quantique (quand deux particules intriquées sont séparées, elles restent corrélées : si l’on change le spin de l’une, le spin de l’autre est modifié en même temps, peu importe la distance les séparant).
Le terme de synchronicité désigne un ordre immanent incompréhensible par la raison, mais qu’il est pourtant possible de percevoir. Certains peuvent même imaginer influer sur cet ordre en se mettant dans certaines dispositions d’esprit de réceptivité. Il est des plus intéressant d’envisager que le Yi-King chinois, vu comme instrument de divination, est en quelque sorte un parfait mode d’accès à cet ordre. Mais encore une fois, cette synchronicité provoquée du Yi-King, quand elle est réussie, n’est pas la divination de ce qui doit advenir, c’est une indication de ce qui se passe présentement pour qu’éventuellement le récepteur puisse influer sur le futur. En quelque sorte, le tirage du Yi-King nous apprend ce que nous savons déjà, mais en isolant le plus important de tout ce que nous savions déjà. L’approche du Yi-King, sous l’angle oraculaire, est un éclairage satisfaisant de la synchronicité.
De nombreuses personnes vivent, le plus souvent qu’il leur est possible, sous le signe de la synchronicité, sans même connaître ce terme. Ce type d’attitude est une foi qui ne se dit pas nécessairement dans une religion, même si, visiblement, toute religion commence par là. Ce que Jung nomme « synchronicité », ce que les chrétiens nomment « Providence » et les bouddhistes « karma », sont des manifestations rigoureusement inexplicables par la science, mais indubitables parce que le plus souvent analogiquement limpides pour tout observateur, malgré une probabilité absolument infime qu’elles se produisent par la loi du chaos. C’est tout simplement un phénomène naturel et même presque banal pour certains, habitués à ce mode de penser. Dans l’exemple cité plus haut, finalement le livre n’est pas imprimé, ce qui correspond sans équivoque pour quiconque à mon refus de le lire ; la probabilité de rencontrer à notre époque ultra-technicisée un livre non imprimé par erreur est déjà extrêmement faible en soi ; cette probabilité rapportée au sens de l’histoire que j’ai vécue devient techniquement nulle.
Jung fait une proposition des plus intéressante : il met en relation la causalité scientifique et la synchronicité, comme étant opposées et complémentaires.
La désintégration radioactive est apparue comme un effet sans cause, donnant à penser que la causalité n’est pas la loi ultime de la nature
La résonance analogique est parfaite pour nous, avec de grands thèmes classiques.
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