Les couples à problèmes

Les quatre éléments ont donné deux couples célèbres qui n’ap­pa­raissent jamais ici, sauj quand il s’agit de recti­fier une erreur. Ce sont les couples ciel/terre et eau/feu.

Feu
Yang
Air
Tao
Eau
Yin
Terre

La tradi­tion méta­phy­sique s’est ferme­ment appuyée sur la dualité terre/ciel, aussi bien en Chine qu’en Europe, de l’an­tiquité à nos jours. La terre est ce qui est le plus bas, le ciel est le plus haut, donc cette oppo­si­tion semblait correcte et justi­fiée. La dualité eau/feu suivait logique­ment pour verrouiller la concep­tion. Seule­ment, la place du feu, au dessus encore du ciel n’était pas perçue comme telle.

L’in­ver­sion du Yi-King chinois donne cette repré­sen­ta­tion où l’on voit effec­ti­ve­ment les deux couples exis­ter aux extrêmes, justi­fiant ce choix :

 Air
Yang
 Feu
Tao
Eau
Yin
Terre

Les quatre éléments ne peuvent être clas­sés ainsi, leur ordre natu­rel est perdu.

Ces deux couples peuvent aussi être produits par l’in­ver­sion de l’ordre des traits alpha et bêta, ce qui implique cette repré­sen­ta­tion aussi aber­rante que la précé­dente :

Feu
Yang
 Eau
Tao
 Air
Yin
Terre

Il n’est tech­nique­ment pas inter­dit de poser ces deux couples dans des équa­tions duales. Je ne le ferai pas. Elles sont de même niveau que les deux autres oppo­si­tions terre/eau et air/feu, mais rendent impli­cite en l’ex­po­sant l’in­ver­sion des traits alpha et bêta, et j’es­saye à chaque fois que j’en suis conscient de refu­ser ce style de dérive sauf cas parti­cu­lier où l’ex­pli­ca­tion doit être produite au niveau dual pour simpli­fier le discours, comme c’est le cas par exemple avec l’équa­tion sagesse/raison.

Les vrais oppo­sés extrêmes sont terre/feu et eau/air, les oppo­sés médians étant, selon l’ordre des traits, terre/eau et air/feu.

Yi-King – Octades

Tout ceci est déclaré lisi­ble­ment dans le Yi-King, sans être montré aussi expli­ci­te­ment et dans cet ordre. C’est la limite à partir de laquelle les penseurs chinois ont commencé à privi­lé­gier l’as­si­gna­tion poétique libre à l’ana­lo­gique rigou­reuse, qui sera tout à fait claire lors du passage de l’oc­tade de types (le trigramme) à la typo­lo­gie à 64 types (l’hexa­gramme).

Dans cette repré­sen­ta­tion, l’ordre de fabri­ca­tion des trigrammes est correct, et même booléen, si l’on se réfère au fait que selon la norme chinoise du Yi-King, le trigramme et l’hexa­gramme se lisent du bas en haut.

Par contre l’as­so­cia­tion des trigrammes aux éléments éten­dus pose problème si l’on pense pouvoir les réfé­rer à l’ordre natu­rel des quatre éléments. Voici ce qui se passe si l’on affiche à côté du trigramme, l’élé­ment et son ordre que je consi­dére comme correct :

le ciel 6
le lac 4
le feu 8
le tonnerre 2
le vent 5
l’eau 3
la montagne 7
la terre 1

Ce que nous voyons ici, c’est une harmo­nie dans les termes qui n’ap­pa­raît pas dans notre repré­sen­ta­tion. Les oppo­sés sont compo­sés entre eux de façon méta­pho­rique selon de grands couples clas­siques : ciel et terre ; lac et montagne ; feu et eau et enfin tonnerre et vent. Seule­ment, cette poétique n’est pas perti­nente, elle est rappor­tée et a influencé l’en­semble d’une manière inco­hé­rente, alors même que l’in­ver­sion entre feu et eau avait déjà corrompu la recherche. Ces diffi­cul­tés qu’ont rencon­tré les penseurs chinois expliquent sans doute le choix de voca­bu­laire parfois étrange que sont par exemple « le tonnerre » et « la montagne », qu’ils ont adopté pour étendre à huit les quatre éléments.

Cet écart a commandé le saut dans le poétique. La repré­sen­ta­tion dite du ba-gua est suppo­sée être bien plus tardive que le Yi-King. Je suppose dans ce cas qu’elle ne fait que répe­ter un choix d’as­so­cia­tions effec­tué bien avant.

Le feu
Feu
La montagne
Yang
Le ciel
Air
Le vent
Tao
Le lac
Eau
L’eau
Yin
Le tonnerre
Terre
La terre
☲ Li
☶ Gen
☰ Qian
☴ Xun
☱ Dui
☵ Kan
☳ Zhen
☷ Kun
Lumi­neux
En repos
Fort
Péné­trant
Joyeux
Dange­reux
En mouve­ment
Soumis, aban­donné
Le feu
La montagne
Le ciel
Le vent
Le lac
L’eau
Le tonnerre
La terre
Ce qui adhère, ce qui s’at­tache
L’im­mo­bi­li­sa­tion
Le créa­teur
Le doux
Le joyeux, le serein
L’in­son­dable, l’abîme
L’éveilleur
Le récep­tif
Le feu
La montagne
Le ciel
Le vent
Le lac
L’eau
Le tonnerre
La terre

Propo­si­tion hollan­daise, le trait gamma

L’école hollan­daise de carac­té­ro­lo­gie est la seule selon mes recherches à propo­ser un trait gamma utili­sable.

Trait gamma
Actif
Passif

La mise en ordre des traits ne se fait que selon le critère du prag­ma­tisme : ça marche ou pas. Ici nous avons au moins un fais­ceau d’ap­proche, c’est le passage du corps humain – Quater­nité au
corps humain – Octade à l’aide de ce trait gamma :

Trait gamma
Muscle
Organe
Trait gamma
Actif
Passif

Plus l’octade du Yi-King.

Carac­té­ro­lo­gie, corps, Yi-King

Fleg­ma­tiques
Apathiques
Sanguins
Amorphes
Passion­nés
Senti­men­taux
Colé­riques
Nerveux
Visage
Cerveau
Bras
Poitrine
Coeur
Tripes
Jambes
Sexe
Lumi­neux
En repos
Fort
Péné­trant
Joyeux
Dange­reux
En mouve­ment
Soumis, aban­donné

Ce qui est très inté­res­sant dans ces rappro­che­ments, c’est que les trois équa­tions sont de concep­tion abso­lu­ment indé­pen­dantes l’une de l’autre. Tout n’est pas clair dans chacune de ces trois équa­tions. C’est le maté­riel dont nous dispo­sons pour creu­ser l’hy­po­thèse hollan­daise. Il nous reste à rêver devant les corres­pon­dances fulgu­rantes qui jailisse ici ou là entre une équa­tion méta­phy­sique multi-millé­naire, une autre carac­té­ro­lo­gique à peine sécu­laire et une dernière physio­lo­gique, sans âge.

Yi-King et oracle

On peut abor­der le Yi-King de diffé­rentes façons. Fonda­tion de toute la culture chinoise, profond et origi­nal livre de la sagesse des jours, exposé d’on­to­lo­gie fonda­men­tale, oracle, et sans doute encore d’autres approches.

Oracle signi­fie quelque chose comme dispo­si­tif de contact avec la synchro­ni­cité. L’oracle n’est pas de la prédic­tion, il n’est un outil de déci­sion qu’in­di­rec­te­ment, par la compré­hen­sion du moment qu’il apporte. Fonda­men­ta­le­ment l’oracle nous dit ce que nous savions déjà, mais en isolant l’im­por­tant de tout ce que nous savions sans doute déjà au sein de la multi­pli­cité des hypo­thèses, avec leurs poten­tielles erreurs de juge­ments. Il donne du recul et change notre manière de consta­ter le réel, le moment que nous vivons.

Le Yi-King a un mode d’em­ploi subtil. Il étonne toujours celui qui sait s’y prêter. En tout cas c’est mon cas. Il m’a souvent servi de clari­fi­ca­teur (aide à la déci­sion, anti­dé­pres­seur) et même parfois tiré de situa­tions compliquées avec des gens pas clairs. Je ne suis pas un prosé­lyte de ce livre, je suis un esprit exigeant et ration­nel, capable d’ex­pé­riences de pensée et d’es­prit critique aussi bien sur elles que sur mes propres juge­ments. Et juste­ment : igno­rer l’ac­cu­mu­la­tion de constats surpre­nants, leur récur­rence même, ce ne serait pas très rigou­reux.

Ce que je dis ici est ce qui s’est imposé à moi, et qui conti­nue année après année, de ma pratique oracu­laire du Yi-King. Quasi­ment chaque tirage du Yi-King que j’ai effec­tué depuis peut-être 10 ou 15 ans à été un ensei­gne­ment lumi­neux du présent, de mon présent. Je n’y peux rien, c’est comme ça : quand je pratique un tirage selon mon rite, à chaque fois je reçois de la compré­hen­sion de mes problèmes du moment et du coup je ressors trans­formé. Je passe d’un « lieu » de pensée à un autre, c’est flagrant. C’est un dépay­se­ment qui ne fait pas quit­ter « le pays », mais le rend nouveau, plus vaste et plus riche de possi­bi­li­tés qu’il ne semblait au départ. J’in­siste sur l’adé­qua­tion subtile des tirages avec la situa­tion présente. Tout est là, c’est quand le message reçu est parfai­te­ment clair et adéquat qu’il procure le chan­ge­ment d’état d’es­prit.

L’œuvre des chinois est consi­dé­rable. Ils ont atteint, avec la sagesse des jours, l’ordre du monde.

Dans le Yi-King le passage du 4 (éléments) au 8 (dédou­ble­ment des 4 éléments donnant le trigramme) est basé sur le prin­cipe. Il faut noter que la posi­tion du Feu et de l’Air sont inver­sés, c’est une erreur. Ensuite, les chinois ont ré-appliqué le 8 au 8 en fondant l’hexa­gramme, qui est la somme de deux trigrammes. Ceci permet­tait de repré­sen­ter les 64 situa­tions qui se déga­geaient des études anté­rieures. Mais il est impor­tant de comprendre que le passage du 8 au 64 n’a pas été exac­te­ment réalisé selon la règle onto­lo­gique ou prin­ci­pielle, il a été réalisé analo­gique­ment selon l’ap­pa­rence de la repré­sen­ta­tion choi­sie arbi­trai­re­ment pour les trigrammes et hexa­grammes.

L’hexa­gramme se consti­tue de deux trigrammes, ce qui permet en théo­rie de faire une inter­pré­ta­tion tech­nique guidée unique­ment par l’on­to­lo­gie, mais ce n’est pas ce qui est arrivé, les chinois ont utilisé l’as­pect de la repré­sen­ta­tion, aspect méta­pho­rique, pour donner le sens de l’hexa­gramme. Vu aujourd’­hui c’est une dérive, une perte d’exi­gence sans doute justi­fiée par la diffi­culté tâche à réali­ser, qui était d’in­cor­po­rer les résul­tats tangibles (cara­paces de tortues) d’une pratique multi­mil­lé­naire en un système. Le flam­boyant succès de cette tâche permet d’en­vi­sa­ger l’on­to­lo­gie fonda­men­tale à un niveau bien supé­rieur à tout ce qui s’est fait depuis dans ce domaine.

La tâche ne pouvait alors être réali­sée qu’a­vec l’aide de la poésie et, c’est l’unique objet de cet article, ils sont parve­nus à un résul­tat abso­lu­ment prodi­gieux qui fait de ce livre l’unique ouvrage vrai­ment opéra­tion­nel de magie, accordé en toute confiance à l’har­mo­nie du monde.

On voit ici l’illus­tra­tion parfaite de la conduite de la recherche onto­lo­gique fonda­men­tale. Le résul­tat d’un travail dans ce domaine peut être enri­chis­sant même si la recherche comporte des erreurs ou des approxi­ma­tions fonda­men­tales. La condi­tion est l’hu­mi­lité et la capa­cité toujours nouvelle au doute.

On peut, on doit même, imagi­ner faire un jour la réécri­ture des 64 situa­tions selon la pure règle onto­lo­gique. Mais les athlètes de ce mode de pensée n’existent plus, cette science-racine est à réin­ven­ter sur le temps long. Rappe­lons nous que notre civi­li­sa­tion plafonne dans cette recherche à la quater­nité, et que dans sa néga­tion de l’ordre fonda­men­tal onto­lo­gique elle ne se rend même pas compte de la richesse fulgu­rante de ce palier qu’à défi­ni­ti­ve­ment fondé Aris­tote. Comment dans ce cas dépas­ser la sublime approxi­ma­tion de la sagesse chinoise à 64 situa­tions deve­nant qui plus est 4096 avec les traits chan­geants ?