Cita­tion – Martin Heideg­ger – La fin de la philo­so­phie et la tâche de la pensée

Martin Heideg­ger – La fin de la philo­so­phie et la tâche de la pensée
Une telle pensée demeure néces­sai­re­ment bien en deçà de la gran­deur des philo­sophes. Elle est bien moindre que la philo­so­phie. Moindre aussi parce qu’à cette pensée, encore plus réso­lu­ment que jusqu’ici à la philo­so­phie, aussi bien l’ac­tion immé­diate, que l’ac­tion médiate sur le domaine public qui porte l’em­preinte de la science tech­ni­ci­sée de notre époque indus­trielle, ne peut qu’être refu­sée.

Mais avant tout cette pensée, fut elle seule­ment possible, demeure bien peu, car sa tâche n’a que le carac­tère d’une prépa­ra­tion et nulle­ment d’une fonda­tion. Il lui suffit de provoquer l’éveil d’une dispo­ni­bi­lité de l’homme pour un possible dont le contour demeure obscur et l’avè­ne­ment incer­tain. Ce qui demeure pour la pensée gardée en réserve, savoir s’y enga­ger, voilà ce que la pensée doit d’abord apprendre. En tel appren­tis­sage elle prépare sa propre trans­for­ma­tion.

Il est ici pensé à la possi­bi­lité que la civi­li­sa­tion mondiale telle qu’elle ne fait main­te­nant que commen­cer, surmonte un jour la confi­gu­ra­tion dont elle porte la marque tech­nique, scien­ti­fique et indus­trielle comme l’unique mesure d’un séjour de l’homme dans le monde. Qu’elle la surmonte non pas bien sur à partir d’elle même et par ses propre forces, mais à partir de la dispo­ni­bi­lité des hommes pour une desti­na­tion pour laquelle en tout temps un appel, qu’il soit ou non entendu, ne cesse de venir jusqu’à nous hommes, au cœur d’un partage non encore arrêté.

Non moins incer­tain demeure ceci : la civi­li­sa­tion mondiale sera t’elle d’ici peu soudai­ne­ment détruite ou bien va t’elle se conso­li­der pour une longue durée sans aucun repos dans ce qui demeure, mais bien plutôt vouée à s’or­ga­ni­ser en un chan­ge­ment conti­nuel ou le nouveau fait place à toujours plus nouveau.

La pensée qui n’est que prépa­ra­tion ne veut, ni ne peut prédire aucun avenir. Elle tente seule­ment, face au présent, de faire entendre en un prélude quelque chose qui du fond des ages, juste au début de la philo­so­phie a déjà été dit pour celle ci sans qu’elle l’ait propre­ment pensé.