Psycho­lo­gie de l’inné-6-le trésor

Dernier truc avant de partir, le trésor.

J’ex­plique­rai plus tard la genèse et certaines des consé­quences de cette construc­tion. Donc on va partir d’un objet tout fait, sans trop savoir d’où il vient exac­te­ment. Si je peux me permettre cela, c’est que c’est un trésor, juste­ment, il trans­cende les choses et peut deve­nir compré­hen­sible tout seul si on sait le mettre en scène, ce que j’ex­plique ensuite.

Les quatre traits me sont appa­rus petit à petit, et à la fin s’est offert à moi ce jeu-là qui consiste à prendre de grands verbes de l’on­to­lo­gie qui sont communs à l’an­tiquité et au contem­po­rain, pour les clas­ser selon les traits d’abord. Je l’ai fait sans ambi­tion, comme un archéo­logue, ces traits sont appa­rus lente­ment et pour le moment je ne vois rien à chan­ger, avec quand même plutôt moins d’as­su­rance pour le trait delta que pour les trois autres, mais beau­coup d’émer­veille­ment pour ce qu’il apporte : une clôture d’une élégance folle.

  • alpha [sentir/calcu­ler] ;
  • bêta [être/penser] ;
  • gamma [vouloir/agir] ;
  • delta [créer/comprendre].

Quand on a les quatre traits on, peut auto­ma­tique­ment faire la repré­sen­ta­tion des seize caté­go­ries avec leur arbo­res­cence :

C’est autant une théo­rie géné­rale onto­lo­gique­ment formelle de la forme onto­lo­gique, qu’une typo­lo­gie des styles CC. Forcé­ment, une théo­rie du tout est suppo­sée marcher avec tout. Par exemple, comme je suis un irra­tion­nel, intel­lec­tuel, réac­tif et sérieux, je suis donc [sentir + penser + vouloir + comprendre] selon cette approche géné­ra­liste.

Mais la théo­rie du trait par la rota­tion « veut » litté­ra­le­ment autre chose. Elle présente l’on­to­lo­gie formelle vue pour l’heure selon l’as­pect caté­go­rique, la même donc, mais sous un autre jour. J’ai fait ce qu’elle me disait à petites touches, à force d’ex­tir­per des bribes de compré­hen­sion. Pour commen­cer, les traits veulent renver­ser ce qui était ma logique unique selon l’apho­risme chinois duquel je n’ai pris arbi­trai­re­ment et consciem­ment qu’un seul sens : « le tao va du yin au yang » que mes équa­tions repré­sentent ainsi : [tao][yin/yang] et qui se dit que le tao est consti­tué de ses deux parties, la divi­sion étant théo­rique, idéelle, ce qui est une affir­ma­tion pleine d’étran­geté que l’on a déjà rencon­trée, mais c’est plus tard qu’elle pour­rait s’avé­rer à sa place, quand on aura avancé sur une des consé­quences des plus trou­blantes, mais pour­tant évidentes de cette histoire de traits. Ce dernier mystère est inti­me­ment lié à la frac­ta­lité de l’on­to­lo­gie formelle, le fait qu’une règle unique, celle de l’apho­risme, soit partout la même.

Il faut prendre en compte le fait que l’apho­risme, même s’il est employé le plus souvent selon ce sens premier, ne peut s’y réduire, il doit pouvoir être lu aussi « le tao va du yang au yin » à cause du retour, à cause du fait que l’on parle bien d’un cycle. Mais voilà, mon choix de lecture est correct pour le retour du yang au yin, puisque mon choix est fait en fonc­tion de la repré­sen­ta­tion qui contient le retour et même plus, l’en­chai­ne­ment des allers et retours pour les formes supé­rieures à la triade.

En fait, si le retour est clair dans une struc­ture dyadique, c’est plus compliqué pour des formes supé­rieures, il y a des enchaî­ne­ments qui se produisent au sein de l’ar­bo­res­cence. L’es­sence du trait est dans l’en­chai­ne­ment des concepts formels. Ainsi, les traits « veulent » être repré­sen­tés comme cela, avec le tao qui découle du trait, les deux « fabriquent » le un. Peut-être qu’un jour j’au­rais les moyens d’ex­pliquer mieux comment tout cela se passe, mais pour le moment ce n’est pas le cas. Bref, tran­chons, le tableau que vous voyez ensuite est ce qui m’a été dicté :

En suivant ce que j’ai dit au-préa­lable, le tableau se lit de bas en haut et de gauche à droite. Il y a huit verbes, le neuvième n’étant que la répé­ti­tion du premier, ce qui indique le bouclage de la boucle. Voici cette lecture :

Tout commence à sentir et calcu­ler. Sentir c’est en venir à calcu­ler ; sentir et calcu­ler c’est être ; être c’est en venir à penser ; être et penser c’est vouloir ; vouloir c’est en venir à agir ; vouloir et agir c’est créer ; créer c’est en venir à comprendre ; créer et comprendre c’est sentir.

La ligne de sépa­ra­tion physique dans le tableau est la repré­sen­ta­tion du trait onto­lo­gique : il est la triade qui est repré­sen­tée de chaque côté du trait. Le yin du trait est aussi le tao du précé­dent. Le yang est « appa­ri­tion » natu­relle du yin (« yin c’est en venir à yang ») qui est aussi le tao précé­dent. La maîtrise du yin, qui est le tao précé­dent, et du yang nais­sant abou­tit au nouveau tao. C’est une échelle onto­lo­gique à quatre niveaux.

Ce tableau est stric­te­ment construit selon la règle de la rota­tion. La rota­tion, je le rappelle est l’ori­gine du trait, c’est cette affir­ma­tion onto­lo­gique qui m’est appa­rue presque par désœu­vre­ment et sur laquelle j’ai construit tout cela. La rota­tion part du fait que dans l’équa­tion [tao][yin/yang], le membre [tao] est [yin] et que donc le membre [yin/yang] et [yang], que l’on repré­sente ainsi : [tao/[yin/yang]] dans le sens qui veut dire [monade/dyade].

Avant, la rota­tion était pour moi une carac­té­ris­tique amusante, main­te­nant c’est la façon dont naissent les traits et avec eux, le discer­ne­ment onto­lo­gique ou natu­rel du sens que ne contient pas encore l’apho­risme chinois. Géné­ra­li­ser la rota­tion en traits a impliqué une syntaxe, une règle d’écri­ture que j’ai respec­tée dans le trésor. Je la reporte dans cette seconde façon plus complète de lister les traits qui se contente d’ajou­ter un [tao] après le [yin/yang], tao qui est de façon logique le yin suivant :

  • alpha [sentir/calcu­ler][être] ;
  • bêta [être/penser][vouloir] ;
  • gamma [être/penser][créer] ;
  • delta [être/penser][sentir] ;

Un jour j’ai compris que tout commençait au fait de sentir et que tout finis­sait au sens. La poly­sé­mie du mot français « sens » permet ce qui pour­rait bien ressem­bler essen­tiel­le­ment à de la langue des oiseaux, ce qui reste mon déter­mi­nant par défaut, puisque je n’ai pas encore poussé la recherche dans les retran­che­ments des autres langues du monde. Ce n’est pas suffi­sant d’un point de vue rigou­reux, mais c’est quand même extrê­me­ment satis­fai­sant d’un point de vue empi­rique.

Quand on a correc­te­ment bouclé une boucle quel­conque par la compré­hen­sion, qui est le sommet de la séman­tique, alors se fabrique un élément sensible de plus en nous, quelque chose qui, tenant certes de la compré­hen­sion, devient un élément réflexe, c’est-à-dire une source nouvelle pour l’in­tui­ti­vité du sentir. Là, le séman­tique devient le sensible.

Je vis avec cette repré­sen­ta­tion depuis plusieurs mois. Je ne cesse d’y reve­nir et elle tient sacré­ment bien la route. Elle a eu la magie d’opé­rer instan­ta­né­ment pour deux personnes de mes grands proches qui sont abso­lu­ment réfrac­taires à tous mes discours psycho-onto­lo­giques : chacun d’eux a juste effleuré le tableau des yeux et a dit « oui » plusieurs fois, et « oui » à la fin, ce qui, vu les personnes, vaut autant pour moi que l’aval de grands penseurs.

Penser hors de la boîte

L’ex­pres­sion « penser hors de la boîte » s’est impo­sée par la publi­cité, il me semble, d’un fabri­cant hi-tech exces­si­ve­ment connu, dont les marchan­dises avaient connu un réel saut imagi­na­tif, quali­ta­tif et marke­ting, une certaine audace de concep­tion rare à ces niveaux-là du renta­bi­lisme pur.

Bien évidem­ment ni la révo­lu­tion ni l’évo­lu­tion ne sont au bout de ce chemin-là : l’idée de vendre plus que tous les autres réunis et d’en­clen­cher le cercle de l’aug­men­ta­tion des profits pécu­niaires c’est ça penser à l’in­té­rieur de la boîte, même si la campagne de publi­cité dit le contraire sans être tota­le­ment menson­gère. Visi­ble­ment ici, penser hors de la boîte se fait depuis la boîte et pour la boîte.

En atten­dant, j’aime bien l’ex­pres­sion, je la trouve utile. En deve­nant un argu­ment relui­sant du merchan­di­sing elle s’est certes montrée sous une face très dimi­nuée, mais elle n’en est pas moins là, dans l’es­prit des gens, cris­tal­li­sant de manière précise et imagée une certaine idée de ce que devrait être l’évo­lu­tion des pensées humaines en géné­ral.

C’est le plus aisé­ment en rela­tion avec la rupture tech­no­lo­gie et l’in­ves­tis­se­ment lourd que l’on peut imagi­ner sortir de la boîte et être bien vu. Et la sanc­tion qui est aussi la mesure, c’est toujours celle de l’argent, la quan­tité d’argent, deux mots parmi les plus sublimes de notre réper­toire idéo­lo­gique contem­po­rain. Quand on parle de science c’est diffé­rent, on ne sort pas de la boîte, il n’y a rien d’autre que la boîte. Il se produit chaque jour et partout dans les sciences une acti­vité fréné­tique pour défi­nir que ce qui est hors de la boîte n’existe pas. C’est para­doxal, mais l’ac­ti­vité scien­ti­fique actuelle n’en est pas à un para­doxe près. Nous verrons comme c’est facile de déli­mi­ter la boîte par la grâce de ces vertueux efforts quoti­diens de toutes ces petites mains, cette somme poin­tilliste de luttes contre l’ad­ver­sité où se détache la Science de la science en même temps que l’af­fec­ti­vité passe de percep­tible à enva­his­sante, voire meur­trière.

Je réflé­chis constam­ment pour moi-même à des problé­ma­tiques qui inté­ressent l’hu­main depuis des éter­ni­tés, c’est comme ça, c’est arrivé dans ma vie. J’aime cette réflexion, elle m’émer­veille, elle m’a choisi plus que je ne l’ai choi­sie. Par elle je me sens profon­dé­ment connecté à des amis que je ne rencon­tre­rai jamais, qui ont pensé avant moi et qui ont tout fait pour trans­for­mer ces pensées en mots, puis à les mettre sur un support physique, pour trans­mis­sion, pour plus tard.

La science n’est pas une chose que l’on acquiert spéci­fique­ment dans les écoles, c’est une acti­vité du vivant. Je fais de la science dans les pas de grands penseurs avant moi. Savoir si j’ai le droit de dire cela au début du XXIème siècle, « je fais de la science », revient à me deman­der si j’ai les diplômes suffi­sants pour penser dans la disci­pline qui est la mienne. Sinon, je suis un préten­tieux, un idiot ou un char­la­tan ou encore tout ce que vous voudrez. C’est archi-faux. « Char­la­ta­nisme », « complo­tisme », et autres appel­la­tions mépri­santes appo­sées à des êtres perçus unila­té­ra­le­ment comme incultes et sans intel­li­gence, ne sont que des garde-fous affec­tifs desti­nés à proté­ger le cœur appa­rem­ment fragile et vacillant de la Science, sinon pourquoi tant de murailles et de violence érigées face à ce qui n’est que l’al­té­rité : le fait qu’autre chose existe que soi ?

Préci­sons que la majus­cule ici employée symbo­lise la boîte, c’est parfait comme ça. Si la « science » est une acti­vité du vivant – comme l’est la science du nid chez l’oi­seau – et donc intem­po­relle en tant que telle, la « Science », elle, est l’es­prit de corps contem­po­rain de ceux qui se sont arro­gés cette acti­vité depuis quelques siècles, haute­ment tempo­relle et tempo­raire, sujette à renver­se­ments, et c’est tant mieux.

Je suis pour l’ins­tant obligé de sché­ma­ti­ser, ne mettez pas trop vite dans mes mots de l’ex­tré­misme ou du simplisme. Je ne suis pas dispensé par miracle de ce que je décris chez les autres, l’af­fec­ti­visme. La diffé­rence est que je ne le nie pas, je le vis, j’es­saye. Je suis un être vivant depuis toujours et pour toujours dans la boîte, par la boîte et pour la boîte. Je suis « pour » la boîte quand je la critique, préci­sé­ment quand je la critique. Elle doit gran­dir et gran­dir c’est d’abord recon­naître ses erre­ments. Il y a du boulot.

Notre Science commence aux philo­sophes grecs, s’ancre puis­sam­ment avec la période Descartes/Lumières et devient folle avec le Posi­ti­visme/Scien­tisme. Elle s’en rend compte ensuite et se contente de bannir l’ap­pel­la­tion reli­gieuse (Scien­tiste), mais sans le moins du monde en renier la signi­fi­ca­tion profonde : la Science seule peut tout. Dans les faits, la majo­rité des Scien­ti­fiques est factuel­le­ment posi­ti­viste ; ils seront vexés si on le leur dit, mais toute leur pensée onto­lo­gique le crie dès qu’ils ont l’oc­ca­sion de l’ex­pri­mer. La philo­so­phie propose à cela un remède plutôt discret, mais quand même, qui se nomme l’épis­té­mo­lo­gie, à défaut de méta­phy­sique. C’est déjà pas mal, mais c’est très tech­nique et assez facile à esqui­ver quand on est étudiant de première année, seul moment du cursus où elle est ensei­gnée. Et c’est fort dommage, parce que l’épis­té­mo­lo­gie permet d’évi­ter des posi­tion­ne­ments assez stupides, comme de penser prou­ver l’inexis­tence d’une chose avec une seule expé­rience néga­tive. C’est une science en pleine évolu­tion qui a déjà débou­lonné de hautes certi­tudes quant à l’in­failli­bi­lité de la Science, le dommage étant qu’elle ne s’en est pas encore rendue compte. On ne contourne pas Kuhn, mais il reste à la marge « ce n’est pas ma disci­pline ».

De toute façon la Science ne se rend pas compte de grand-chose hors ses murs. La révo­lu­tion de la physique quan­tique n’a appa­rem­ment pas encore effleuré, cent ans après, ni la méde­cine ni la biolo­gie. On peut en dire autant de certain de ses propres déve­lop­pe­ments plus ou moins récents qui semblent tous tomber soit dans une zone aveugle, soit dans une zone scan­da­leuse, là où des cher­cheurs parfois honnêtes vont souf­frir.

Encore une fois je sché­ma­tise, il y a dans la Science des tas de gens qui pensent hors de la boîte, des tas de gens qui ont une forme de conscience ou une autre de ce que je dis ici et que je suis loin d’être le seul à penser, des gens qui rusent pour ne pas se faire ostra­ci­ser, qui font semblant de croire dans les dogmes de la Science et qui poussent la boîte à s’agran­dir malgré elle, malgré la grande force d’uni­for­mi­sa­tion régres­sive présente qui la carac­té­rise de mieux en mieux, jusqu’à la cari­ca­ture. La quan­tité d’argent là aussi est devenu l’unique repère, il n’y plus la moindre expli­ca­tion du monde, juste la quête du contrôle que recouvre ce mot renversé « objec­ti­vité ». Et si la Science avance encore malgré tout, c’est par la grâce de ses dissi­dents secrets, tant qu’il en reste, car c’est ceux-là même qu’elle s’amé­liore à chas­ser et à détruire chaque jour de mieux en mieux. La maxime qui dit le mieux, même indi­rec­te­ment, ce que fait ici la Science est celui-ci : « le diplôme n’est pas une preuve d’in­tel­li­gence, c’est une preuve de doci­lité ». La doci­lité est le contraire de ce qui permet la décou­verte, il faut de l’au­dace pour cela et aussi une certaine fantai­sie.

Cette surpuis­sance du milieu Scien­ti­fique à s’auto-détruire incons­ciem­ment (et notre monde par la même occa­sion) est juste l’état actuel des choses. Les para­digmes changent, les axes nouveaux de pensée jaillissent de partout, mais une pensée domi­nante, puis­sante et pétri­fiée vient inlas­sa­ble­ment assé­ner ses juge­ments de valeurs mépri­sants comme fin de non-rece­voir.

C’est assez triste à voir comme à vivre. Nous y revien­drons évidem­ment, puisque c’est le cœur du problème de notre dange­reuse époque. Le Poli­tique est amarré à la Science, la gestion des états de même, les mêmes erreurs premières sont érigées en véri­tés incon­tes­tables. La spiri­tua­lité est dégom­mée de partout pour se retrou­ver basse­ment exploi­tée à faire la pub ou des films de bas de gamme, suppo­sés influen­cer les gens à faire les bons choix selon le fameux acro­nyme : TINA, « there is no alter­na­tive », il n’y a pas d’al­ter­na­tive que ce que nous disons, voilà pour le choix, le choix contem­po­rain de croi­re…

***

Je situe le commen­ce­ment symbo­lique de toute cette aven­ture extra­or­di­naire à Parmé­nide, géant de la pensée grecque, maître avant Socrate, lui-même maître avant Platon, qui fut maître avant Aris­tote. L’aven­ture se nomme « la conquête de la ratio­na­lité », elle est prodi­gieuse et épique, boule­ver­sante et magni­fique. Elle conti­nue et perpé­tue l’aven­ture humaine, qui connut avant elle la posi­tion debout, la parole, l’écri­ture, etc. Nous sommes témoins de l’une de ses inflexions majeures : deve­nue trop puis­sante elle dépasse sa créa­ture : nous devons chan­ger quelque chose. La para­bole de l’ap­prenti sorcier à toute sa perti­nence ici, à l’ex­cep­tion du fait qu’à la fin de l’his­toire le maître revient et remet tout en place… Dans le monde réel il n’y a pas de maître magique qui revien­dra tout corri­ger, il n’y a que nous, qui devons, en tant que civi­li­sa­tion plané­taire, deve­nir ce maître. C’est un fait souvent cité que la tech­no­lo­gie et la science ont dépassé nos capa­ci­tés à les gérer, que ce sont elles qui nous instru­mentent. Je pense que c’est vrai. L’aven­ture ratio­na­liste s’est bâtie depuis Parmé­nide sur un déni.

Non, la ratio­na­lité n’est pas un sommet qu’il faudrait atteindre après avoir jeté tout le reste. C’est un mode de pensée parmi d’autres, qui a ses spéci­fi­ci­tés, ses forces et ses faiblesses. Si vous refu­sez cette affir­ma­tion (un mode de pensée parmi d’autres), et que votre cœur se met à battre plus vite et que votre cerveau s’em­balle, alors vous êtes proba­ble­ment noyé dans le piège cogni­tif qu’a mani­gancé un penseur de génie (Parmé­nide) pour se débar­ras­ser d’un adver­saire redou­table (Héra­clite). Le piège que j’évoque n’est histo­rique­ment pas sépa­rable de ce qui a fait et fait encore toute la gran­deur de la ratio­na­lité. Je le résume sans doute au lance-pierre, mais sans rien trahir.

L’émer­gence de la Ratio­na­lité en tant que mouve­ment coïn­cide avec la prise de conscience de son exis­tence en tant que fait : ratio­na­lité avec une minus­cule, donc. L’ac­ti­vité natu­relle qui l’a vue naître et fait vivre ensuite pour long­temps, se nomme sagesse, vrai­ment. La ratio­na­lité exis­tait avant, de toute évidence, puisqu’il s’agit d’un mode d’être du vivant, le calcul, mais elle s’est vue extir­pée par la pensée de la gangue alors indif­fé­ren­ciée des diffé­rents modes de penser. Sa force a ébloui, éblouit encore et c’est là que s’est glissé un problème d’abord mineur, mais consti­tu­tif, ce que les grecs appe­laient un proton-pseu­dos, soit une très mince erreur initiale, qui prend avec le temps des propor­tions gigan­tesques. L’er­reur je vais l’écrire juste main­te­nant. Elle est d’une portée incal­cu­lable qui donne litté­ra­le­ment l’in­vi­sible (appa­rem­ment) solu­tion.

La pensée ration­nelle a commencé par extraire certains des fonc­tion­ne­ments de la pensée qui l’in­té­res­saient et à s’y concen­trer. Parfaite démarche de type scien­ti­fique élevé qui consiste à concen­trer son atten­tion sur un sujet donné, donc en refu­sant tout net d’abor­der d’autres sujets. Jusque là tout va bien, mais bien sûr il y a un mais et tout est là : petit à petit, ça avait commencé avec le sophisme, tout ce qui n’était pas ration­nel est devenu mépri­sable. Tout un voca­bu­laire de sens, très ancien et profond, témoigne par en dessous de cette tendance.

Un certain Posi­ti­visme a par la suite non seule­ment ancré ce mépris au niveau insti­tu­tion­nel, mais il a aussi permis à ses suivants de carré­ment nier des portions entières de savoir non ration­nels, jusqu’à trans­for­mer le contraire de la ratio­na­lité en folie (dérai­son). Ici est la donnée essen­tielle : on commence par isoler et ensuite on nie ce qui n’est pas de notre inté­rêt. Ici encore une méta­phore clas­sique nous vient à l’es­prit « Jeter le bébé avec l’eau du bain ». Soyons clair, selon les critères de la psycho­lo­gie contem­po­raine nous nageons en pleine patho­lo­gie, sauf qu’il ne s’agit pas ici d’une patho­lo­gie indi­vi­duelle, mais collec­tive et profon­dé­ment histo­rique. Toute la démar­ca­tion de la boîte Ratio­na­liste est dessi­née sur le déni de ce qui n’est pas elle, c’est extrê­me­ment lisible, du moins quand on dispose d’ou­tils de pensée. Cet immense travail de déni est un effort perma­nent tous azimuts et qui semble tout natu­rel à notre époque, pour lutter paraît-il contre « l’obs­cu­ran­tisme ». Des gens dévouent leur vie entière à cette tâche haute­ment « éduca­tive » qui consiste assez bête­ment, à nier tout ce qui n’est pas dans les publi­ca­tions de la Science. La problé­ma­tique majeure de ces héros étant alors de résis­ter à leurs propres affects, sans jamais se rendre compte qu’en subis­sant ou répri­mant ces affects, ils sont eux même hors de la boîte dont ils prétendent que la péri­phé­rie corres­pond au tout.

Cette histoire je ne l’in­vente pas. Je la raconte parce que d’autres l’ont dite avant moi et pas des moindres. Ce que Nietzsche appelle le nihi­lisme est exac­te­ment la même chose. Et pour Max Weber c’est le Ratio­na­lisme hégé­mo­nique, c’est moi qui mets une majus­cule.

La simpli­cité du problème indique la simpli­cité de la solu­tion : il y a un remède indi­vi­duel et collec­tif à ce problème, un seul suffit. Quand un Scien­ti­fique travaille son domaine pointu, il dit de choses comme « Je sais » ou « Je crois savoir ceci parce que ceci, parce que cela », « je déduis ceci, et j’at­tends la confir­ma­tion de mes pairs », etc. Ça c’est de la science, c’est parfait, il y a énor­mé­ment à en dire, mais ce n’est pas le sujet, je parle de ce qui cloche, pas de ce qui va bien. Quand un scien­ti­fique dit « c’est n’im­porte quoi, c’est ridi­cule » et Dieu sait que c’est courant dès qu’on aborde certains sujets, il devrait juste rempla­cer sa stupide sali­va­tion pavlo­vienne par « Je ne sais pas » bien assumé. C’est tout. C’est pour­tant simple, mais non, quand ils ne savent pas ils se mettent en colè­re…

Quand un Scien­ti­fique vient affir­mer l’inexis­tence de quelque chose, même avec des affects, il a le droit. Il a le droit parce qu’il s’agit d’une opinion et que tout le monde peut avoir une opinion. Mais atten­tion : lorsque ce Scien­ti­fique a une opinion ce ne peut pas être en tant que Scien­ti­fique, c’est un humain comme les autres. C’est un autre aspect de la solu­tion au problème de l’hé­gé­mo­nie Ratio­na­liste. La tendance à asso­cier systé­ma­tique­ment le sérieux des études diplô­mantes au sérieux de la personne est un travers insti­tu­tion­nel qui dévoie la science et qui dévoie la société dans sa tota­lité. On appelle cela d’un point de vue légal un « abus d’au­to­rité ». Quand un Docteur de haute lignée vient affir­mer sans aucune étude à l’ap­pui que le fait de jeûner est dange­reux pour la santé, il donne son opinion, il doit le préci­ser, c’est un devoir ration­nel, mais il ne le fait pas. Et pour­tant la publi­ca­tion, du coup tout à fait partiale et menson­gère, commence par donner ses titres de noblesse dans des domaine qui sont entiè­re­ment distincts du jeûne. Il faut dire les mots : c’est de l’es­croque­rie pure et simple, le pire étant que ça passe comme une lettre à la poste et que tout Scien­ti­fique ne trou­vera rien à y redire. Le Docteur de l’exemple, membre éminent de l’Ordre des Méde­cins, apte à montrer l’exemple, peut donner l’ap­pa­rence d’être tout-à-fait sincère, ce qu’il n’est pas dans cet exemple, et même est-il plutôt retors, puisqu’il a la présence d’es­prit de se pronon­cer en tant qu’ex­pert et non en tant que Docteur en méde­cine, ce qui le protège d’une attaque pour abus d’au­to­rité, mais le trahit en même temps. De toute façon dès lors qu’il n’a pas d’étude à citer il ne fait pas de la science. Il fait de la reli­gion.

Et voilà un des points fonda­men­taux où je voulais en venir et qu’il faut bien abor­der avec beau­coup de déta­che­ment. La Science est une Reli­gion de fait. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Elle n’est pas qu’une reli­gion, nous ne parlons pas ici de ce qui va bien. C’est le fait qu’elle soit une reli­gion que je veux montrer, car quand on s’en rend compte on voit plus clair, on voit plus loin, on voit comment faire pour la suite, pour qu’il y ait une suite. Connaître les défauts de l’autre, c’est aussi la seule façon de l’ap­pré­cier. Connaître ses propres défauts est aussi la seule manière d’évo­luer. La Science est face à son histoire, qui est aussi l’his­toire du monde, ses lende­mains.

La boîte se rigi­di­fie et se resserre. Une consé­quence désas­treuse du Posi­ti­visme est le déni­gre­ment par d’in­nom­brables nombreux esprits affai­blis, autant du fait de la croyance que de celui de la reli­gion. Il n’est pas rare quand on aborde le domaine des sciences de rencon­trer des gens abso­lu­ment persua­dés que croire en quelque chose est indigne, qu’il s’agit d’une régres­sion ou d’une honte, d’une insulte à l’in­tel­li­gence. Pour­tant l’épis­té­mo­lo­gie nous rappelle que sans croyance il n’y a pas de science, ni même de Science. Pour aller droit au but, car cette réalité est facile à noyer dans de l’ar­gu­men­taire bas de plafond, nous savons que toute science repose d’abord sur ce que l’on appelle des axiomes. Je ne résiste jamais à citer Wiki­pé­dia, média rigou­reu­se­ment gouverné par la pensée de la boîte, quand il vient appor­ter la confir­ma­tion de pensées qui mènent hors la boîte. Voici donc ce que vous trou­ve­rez en moins de deux secondes :

Un axiome (en grec ancien : ἀξίωμα /axioma, « prin­cipe servant de base à une démons­tra­tion, prin­cipe évident en soi » – lui-même dérivé de άξιόω (axioô), « juger conve­nable, croire juste ») est une propo­si­tion non démon­trée, utili­sée comme fonde­ment d’un raison­ne­ment ou d’une théo­rie mathé­ma­tique.

Je tends à cher­cher le sens des mots dans leur étymo­lo­gie la plus ancienne. C’est très inté­res­sant, parce que les hommes qui ont forgé ces sons pour commu­niquer un sens allaient forcé­ment à l’es­sen­tiel, sans préju­ger de tas de choses comme nous le faisons aujourd’­hui avec tout l’équi­pe­ment concep­tuel dont nous dispo­sons à foison. L’éty­mo­lo­gie gratte la surface jusqu’à retrou­ver le génie d’hommes, de penseurs à jamais dispa­rus de nos mémoires, incon­nus de l’his­toire puisque ces mots sont venus avant l’écri­ture elle-même.  L’éty­mo­lo­gie nous dit ici « juger conve­nable, croire juste », elle dit juger et croire, elle dit croire et juger, il s’agit de justesse et non pas de vérité, apanage de la ratio­na­lité, pas des sens. Dans le langage scien­ti­fique l’axiome est un énoncé répon­dant à trois critères fonda­men­taux : être évident, non démon­trable et univer­sel. En clair, l’axiome fonc­tionne sans qu’on sache pourquoi, mais on s’en sert. On fonde des cathé­drales de pensée grâce à lui.

L’ex­pres­sion propo­si­tion non-démon­trée signi­fie stric­te­ment qu’une telle propo­si­tion est non ration­nelle. Point. La ratio­na­lité n’est pas le système suspendu dans le vide dont rêvent quelques spécia­listes et autres experts à penser à votre place, elle trouve tout son ancrage ailleurs qu’en elle-même dans des choses qui sont tout natu­rel­le­ment inex­pli­cables. J’ai lu des philo­sophes qui ignorent cela, se permet­tant l’opi­nion, comme convenu sous couvert de leur sérieux diplômes, que l’ir­ra­tio­na­lité n’existe pas. Je trouve ça presque flam­boyant de bêtise, à moins que ce soit de mauvaise foi. Le plus choquant c’est que personne ne trouve rien à y redire.

Je vais encore une fois faire un raccourci essen­tiel et élémen­taire : « croire ne pas croire est le fonde­ment de la Reli­gion Scien­ti­fique ». Et un second, son inévi­table corol­laire : « la Reli­gion Scien­ti­fique est la seule reli­gion mondiale à ne pas se recon­naître comme telle ». C’est une reli­gion furtive, elle se cache depuis au moins cent ans, soit depuis que les mots Posi­ti­visme et Scien­tisme sont deve­nus des gros mots. Elle est pour­tant la reli­gion qui domine le monde entier illus­trant à merveille l’ex­pres­sion bien connue qui dit « pour vivre heureux, vivons cachés ».

Il n’y a rien après la mort, pas de vie, pas de conti­nuité, c’est le retour au néant. L’es­prit est loca­lisé dans la chimie du cerveau, et nulle part ailleurs. La muta­tion géné­tique est pure­ment aléa­toire, à aucun moment le désir ou la volonté n’in­ter­viennent dans ses proces­sus. L’in­néité n’existe pas, tout est acquis. Voici quelques lignes du volu­mi­neux bestiaire Scien­tiste qui n’a pas le moindre commen­ce­ment de justi­fi­ca­tion scien­ti­fique rigou­reuse ; ce ne sont des affir­ma­tions légi­times que tant qu’elles sont données pour ce qu’elles sont : des opinions et rien de plus. Que ces opinions soient agré­gées en une reli­gion, c’est très bien, mais encore une fois, à condi­tion que ce soit offi­ciel­le­ment reconnu par les zéla­teurs. Ce n’est évidem­ment pas le cas. Un nombre prodi­gieux de sujets tourne toujours au vinaigre quand les Scien­ti­fiques y parti­cipent avec des gens normaux. La tenta­tive initiale de prosé­ly­tisme laisse géné­ra­le­ment vite place à l’éner­ve­ment et aux procé­dés de langage plus ou moins honnêtes, plus ou moins maîtri­sés.

Du coup, des sujets parfai­te­ment bancals, comme la fameuse théo­rie de la terre plate, sont mis en exergue comme repré­sen­ta­tifs d’un état d’es­prit anti-scien­ti­fique qu’il faudrait éradiquer et deviennent des emblèmes d’une grande guerre stric­te­ment inutile. Dans le même ordre d’idée, il suffit de rappe­ler ce que les darwi­nistes se sont eux-mêmes élus leurs enne­mis avec le créa­tion­nisme, rappor­tant toute oppo­si­tion au darwi­nisme à un fina­lisme aussi étroit et buté qu’eux-mêmes sur le sujet, gommant tout à fait oppor­tu­né­ment le « peut-être fortuite » d’un de leur plus grand héros et défen­deur, Konrad Lorenz, dans son ouvrage le plus célèbre :

« Si grâce à une légère varia­tion héré­di­taire, peut-être fortuite, un organe s’amé­liore ne serait-ce qu’à peine… » (Konrad Lorenz « L’agres­sion » chapitre 2).

Là d’ac­cord, ça c’est un modèle de science pour la Science. Tout tient dans ce « peut-être » qui chez la majo­rité des géné­ti­ciens est remplacé par une certi­tude rigou­reu­se­ment indé­bou­lon­nable : « c’est comme ça et si vous pensez le contraire c’est que vous-êtes arrié­rés ». Pour bien mettre les pendules à l’heure je redis les choses comme je les pense : j’ad­mire les progrès de la géné­tique, j’ad­mire cette science comme j’en admire tant d’autres. Mais je refuse d’ava­ler des couleuvres avec le paquet cadeau, c’est into­lé­rable. La Science est ici pseudo-scien­ti­fique et là encore l’épis­té­mo­lo­gie saigne. J’at­tends à ce propos le mea-culpa propor­tionné des géné­ti­ciens, qui doit en plus indis­cu­ta­ble­ment venir de l’évo­lu­tion actuelle de la géné­tique vers l’épi­gé­né­tique, elle qui réduit à néant les affir­ma­tions Reli­gieuses des Scien­ti­fiques à propos du seul hasard carno­tien comme facteur de l’évo­lu­tion du vivant. Si cela devait arri­ver, alors je pense­rais que le monde change dans le bon sens. Mais évidem­ment je n’y crois pas, il n’y a pas un atome d’au­to­cri­tique Scien­ti­fique. Quand l’idée de l’épi­gé­né­tique sera univer­selle, quand les vieux manda­rins seront morts ou à la retraite, cela devien­dra le nouveau dogme et on enter­rera discrè­te­ment l’an­cien, sans céré­mo­nie, dans la fosse commune des Véri­tés Scien­ti­fiques qui n’en étaient pas. En atten­dant, les igno­rants conti­nue­ront à dire que l’épi­gé­né­tique c’est du char­la­ta­nisme (malgré un Nobel reten­tis­sant) et que le hasard (qui est pour­tant destruc­teur à priori) régit toute évolu­tion (qui est pour­tant une construc­tion à priori).

Pour reve­nir là-dessus, vous voyez, même si j’ai moi aussi essayé comme tout le monde d’en (dé)conver­tir certains, en fait j’aime bien les terre­pla­tistes, je trouve qu’ils ont quelque chose d’ex­trê­me­ment perti­nent, ils sont à leur place, ils sont drôles et rafrai­chis­sants. Pour moi ils sont tout simple­ment le symp­tôme gros comme le nez au milieu de la figure de tout ce que je veux décrire ici, parce qu’ils font avec jubi­la­tion exac­te­ment ce que font les Scien­ti­fiques, affir­mant avec sérieux des croyances non ouvertes à la discus­sion, au doute, sous couvert de vérité abso­lue. Plutôt que de perce­voir cette mise en abime qu’ils proposent, volon­tai­re­ment ou pas, on préfère les bannir des réseaux sociaux. Si ton œil te montre tes défauts, crève ton œil.

Parlons de reli­gion, donc. La pensée globale de l’époque est que la reli­gion est néfaste. La plupart des gens pensent que croire à quelque chose revient à être en reli­gion, donc dans l’er­reur la plus grave. Je la croise souvent dans les discus­sions, Inter­net ou pas. Ce n’est pas une opinion qui est donnée calme­ment ou qui soit ouverte au doute ; c’est fait avec beau­coup d’agres­si­vité, j’y ressens autant de peur que de haine. Il faut dire que la Reli­gion Scien­ti­fique est d’une puis­sance folle, dans tous les sens du terme. Quand elle excom­mu­nie, c’est du sérieux. Mais avant cela, elle blesse les gens au plus profond d’eux-mêmes, depuis une posi­tion de domi­na­tion vécue comme juste et natu­relle et avec une cruauté sans fond qui s’au­to­rise, pour la bonne cause, à néan­ti­ser la personne à laquelle elle s’adresse. Oui, c’est du vécu ; ce n’est pas pour rien que je commence par montrer ce qu’est la sortie de la boîte et la souf­france qu’elle repré­sente. Et je dois ajou­ter que c’est du vécu dans les deux sens. Si je connais si bien ces méca­nismes c’est aussi parce que je les ai utili­sés moi-même parfois de façon aussi peu relui­sante que je le décris ici. Bien sûr que je parle de moi ici, comme je parle de mon monde : je suis né là-dedans, je vis là-dedans, je « suis » le monde, je « suis » la Science, le proton pseu­dos autant que le génie, croire et comprendre, voir et savoir m’ont changé et je sais ce que peu savent : cela me chan­gera à chaque fois. Le méca­nisme est le même pour tous, c’est de comprendre ses actes qui permet de se juger soi-même, non pour se punir d’avoir fauté, mais de se chan­ger pour cesser de fauter, du moins de cette façon-là, pour cette fois-là.

Le monde chan­gera de tas de façons, mais une chose est sûre, quand la Science recon­naî­tra sa part reli­gieuse ça sera un boule­ver­se­ment énorme et pour toujours. Elle rega­gnera ce qu’elle perd lamen­ta­ble­ment chaque jour qui passe en s’iden­ti­fiant de plus en plus avec la quan­tité d’argent qu’elle génère. Elle gagnera bien plus, elle se compren­dra elle-même comme une partie d’un tout avec lequel inter­agir en intel­li­gence n’est pas une option. Ses champs d’in­ves­ti­ga­tion déjà très nombreux béné­fi­cie­ront de l’ac­cès à des endroits aujourd’­hui désaf­fec­tés par le renta­bi­lisme. Ce sont ces endroits qui nous manquent aujourd’­hui le plus grave­ment pour passer le cap évolu­tif incroyable devant lequel nous sommes placés en tant qu’es­pèce, trop grosse en l’état pour son habi­tat, trop intel­li­gente et trop impré­voyante, appren­tie en sorcel­le­rie remplis d’un hubris déme­suré gonflé par quelques succès, il est vrai reten­tis­sants. On pour­rait ici, avec plusieurs grands penseurs, adop­ter une analo­gie clas­sique pour essayer de situer ces empla­ce­ments désaf­fec­tés, celle du royaume de la quan­tité et de celui de la qualité, selon laquelle, obnu­bi­lés que nous sommes par la quan­tité, nous avons oublié de nous concen­trer aussi sur la qualité. Que l’on pense à l’ob­so­les­cence program­mée, à la dégra­da­tion du soin hospi­ta­lier, à la guerre d’éra­di­ca­tion du puis­sant contre le faible qui a lieu à travers le monde loin de nos lunettes média­tiques, etc. Bon je n’en rajoute pas trop ici, parce que toute ma théma­tique repose sur les lieux de cette désaf­fec­tion. En fait quand j’au­rais commencé, je ne parle­rais pour ainsi dire de rien d’autre que de ces contrées magni­fiques ou de pres­ti­gieux anciens ont fait leurs premiers pas, même Parmé­nide.

Mention­nons que la divi­nité argent qui accom­pagne la Science n’a pas toujours connu cette domi­na­tion, car la renta­bi­lité a d’abord ses fonde­ments dans l’ef­fi­ca­cité de la pensée et de la tech­no­lo­gie. C’est l’ap­pau­vris­se­ment intel­lec­tuel prononcé par des décen­nies, des siècles même, de pouvoir aveugle et en partie invi­sible de la Reli­gion Scien­ti­fique qui a permis indi­rec­te­ment la domi­na­tion exclu­sive du Dieu des marchands, si pauvre en idées, tout juste consti­tué de bouts de ferraille et de papier quand il n’est pas juste une confi­gu­ra­tion d’élec­trons dans des machines omni­pré­sentes. J’ai 60 ans et je ne croyais pas en arri­ver là dans mon jeune temps… Toute l’idéo­lo­gie stan­dard de mon époque tient dans une seule et unique pensée telle­ment primi­tive et ridi­cule que tout le monde est persuadé de croire son contraire : « l’argent fait le bonheur ». Cette pensée n’est jamais dite, mais elle est pour­tant désor­mais sans concur­rence. C’est l’état des lieux onto­lo­gique, si vous avez de l’argent, vous ache­tez des objets futiles et très couteux, juste pour montrer que vous avez de l’argent. Si vous n’avez pas d’argent, vous jouez au Loto pour pouvoir au moins rêver que vous pour­rez vous aussi ache­ter des objets futiles, etc.

Je ne comprends pas, je n’ai jamais compris le Christ quand il a jeté les marchands hors du temple. J’ai la sensa­tion que c’est la grosse bourde par excel­lence qu’il a commise là et que l’on paye très cher aujourd’­hui : ils sont reve­nus et ils ont tout acheté, même l’église. Détes­ter et chas­ser hors de notre vue ce qui ne nous convient pas n’est pas la bonne solu­tion, la Bible a souvent été plus perti­nente et même brillante dans ses réponses aux diffi­cul­tés onto­lo­giques, comme par exemple quand Jésus répond à un bon gros piège séman­tique par « Rendez à César ce qui lui appar­tient », son argent juste­ment. Comment faut-il trai­ter avec l’argent ? Comme avec un outil : il n’est rien en soi, il est ce que l’on en fait, exac­te­ment comme un couteau qui sert à tailler du bois ou à beur­rer la tartine, à moins qu’on ne se décide à tuer quelqu’un avec pour le voler ou se venger. Les marchands sont-ils tous des sales types ? Faudrait-il les détruire et recons­truire à neuf, sans eux ? Ques­tions idiotes, n’est-ce-pas ? Ils sont une clé de l’évo­lu­tion, un rouage plutôt et ils le savent, les insul­ter est une injus­tice et une bêtise. C’est l’argent qu’ils échangent contre marchan­dises et services qui fait toute notre crois­sance actuelle, même si elle est aussi outrée que précaire, elle est. C’est un profond vecteur d’évo­lu­tion qui doit encore, comme le reste, s’in­ven­ter. A nous de trou­ver et d’ap­pliquer, comme l’es­saye joli­ment Muham­mad Yunus avec le Social Busi­ness, des méthodes qui marchent aussi bien que la maxi­mi­sa­tion exclu­si­viste du profit pécu­niaire, qui ne répond sans doute profon­dé­ment pas à grand-chose d’autre qu’à des peurs anciennes gravées dans le roc de manquer de l’es­sen­tiel pour pouvoir conti­nuer à vivre. Tout est ici encore ques­tion de para­digme, de boîte et de rela­tion entre le dedans et le dehors de ladite boîte.

Je reviens à la Reli­gion Scien­ti­fique. Ce devrait être une reven­di­ca­tion portée haut et fort par des mouve­ments poli­tiques ou d’autre type, que la Science contem­po­raine expose sa Reli­gion. Comme je l’ai dit, tout son contenu est actuel­le­ment impli­cite et non ouvert à la discus­sion parce qu’il est asso­cié par abus de posi­tion domi­nante à de la vraie science. Par vraie science, j’en­tends diffé­rents ensembles cohé­rents de déduc­tions basées sur des croyances répu­tées univer­selles, même par les non-scien­ti­fiques. Il s’agit, et nous verrons que c’est là un maître mot, de disso­cia­tion. La Science doit disso­cier son savoir de ses opinions, elle se le doit autant qu’elle nous le doit. Je suis inté­ressé par les croyances des autres, elles seront peut-être les miennes demain. Et quand elles sont répan­dues vrai­ment partout, alors elles peuvent se penser comme des sciences. Le premier effet de ce passage sera de désa­mor­cer un nombre incal­cu­lable de conflits à son propos. La Science doit se choi­sir un nom reli­gieux dont elle soit fière. Posi­ti­visme et Scien­tisme sont abso­lu­ment cohé­rents pour ce rôle, mais ils ont pris une telle teinte péjo­ra­tive, au point de deve­nir des insultes graves pour des scien­ti­fiques (essayez, vous verrez…), que leur usage paraît nette­ment compro­mis. Donc, à moins d’oser reve­nir à la vraie Source Reli­gieuse de la Science en se nommant Scien­tisme, il faudra inven­ter. Elle doit aussi établir les textes de sa foi pour cesser de nous mentir sur le fonda­men­tal, sans trop avoir l’air d’y toucher : le progrès infini n’existe pas ; la Science de ne résou­dra pas tout ; l’ir­ra­tion­nel existe, regar­dez l’Amour. Des textes de cet ordre sont passion­nants pour qui cherche ce qui relie les choses au réel. Ils sont indis­pen­sables, ils rendraient les Scien­ti­fiques bien plus sympa­thiques, bien plus normaux… La reli­gion, avec une minus­cule, au sens géné­rique du terme, c’est le doute. Quand on décide de croire à quelque chose on prend des risques, il ne faut jamais l’ou­blier, une reli­gion qui n’est pas accom­pa­gnée de doute n’est déjà plus une reli­gion, c’est une idéo­lo­gie. Idéo­lo­gie n’est pas ici un gros mot, elle sert, elle a du sens, mais ailleurs, après la reli­gion.

Par défaut chacun est enrôlé en science sans jamais rien signer et pour­tant d’in­nom­brables compor­te­ments et pensées person­nels seront irré­duc­ti­ble­ment bali­sés jusqu’à la retraite, la mort, ou le bannis­se­ment. Cela commence à la petite école et ça passe ou ça casse en première année des études supé­rieures où une certaine patience est parfois de mise à une ou deux reprises. Les textes qui expliquent tout cela ne sont écrits nulle part, mais pour­tant tout leur sens le plus affiné est trans­planté année après année par les compor­te­ments et réflexions des anciens et des maîtres. L’im­pli­cite est énorme, il doit donc y avoir une charte parfai­te­ment expli­cite qui dise exac­te­ment ce que l’on attend d’un étudiant en science, et pourquoi, afin que peut-être certaines écoles puissent pour leur propre compte avoir une charte plus souple, plus irra­tion­nelle. Où donc dans l’uni­vers scien­ti­fico-tech­nique peut-on étudier la notion intra­dui­sible de Care, de soin et d’at­ten­tion à l’autre ? Nulle part, car c’est irra­tion­nel de perdre son temps à écou­ter des gens, évidem­ment puisque tout n’est que perfor­mance, indi­vi­dua­lisme au sens de Weber, compé­ti­tion.  Encore des sujets en enfi­lade que j’ouvre et referme aussi vite.

Allez, on conti­nue. Ma propo­si­tion de décla­rer offi­ciel­le­ment la Reli­gion Scien­ti­fique est bonne, mais elle n’est pas action­nable en soi, il ne suffit pas de le dire pour que cela arrive. On n’en est pas là. Pour le moment j’ai donné certaines clés élémen­taires profondes et simples pour éclai­rer la situa­tion et je voudrais en ajou­ter une qui est inti­me­ment liée aux autres. Il s’agit d’un compor­te­ment stan­dard face à l’al­té­rité.

Dans la majo­rité des cas, quand deux personnes sont en désac­cord profond, avec jaillis­se­ment d’af­fects, d’un point de vue logique (je ne fais pas ici de psycho­lo­gie de la colère), les deux se trompent et les deux ont raison simul­ta­né­ment. J’ai écrit « dans la majo­rité des cas » parce que je propose un raison­ne­ment sur tous les raison­ne­ments, quelque chose d’uni­ver­sel pour expliquer tout un groupe de conflits inutiles, que j’es­time extrê­me­ment répandu. Comment sais-je donc que deux personnes se trompent et ont raison alors que je ne connais pas le sujet de leur brouille ? Et bien déjà parce que comme tout un chacun j’en ai vu et vécu des centaines de fois dans ma vie et ensuite parce que je connais l’exis­tence de diffé­rents modes de pensée innés chez l’homme.

Quand deux modes de pensée se rencontrent, s’ils ignorent l’exis­tence et le fonc­tion­ne­ment de leur propre de pensée, comment feront-ils pour comprendre celui de l’autre ? Rien dans la culture ne nous prépare à cela. L’école nous forme pour un seul mode tout en stig­ma­ti­sant les autres ; si vous avez de la chance, vous nais­sez avec le bon mode, sinon c’est que vous êtes au choix « un fainéant », « un trublion », « un âne ». Oui, je sais « ça n’existe pas cette histoire de modes de pensée innés indi­vi­duels, on nait égaux et pareils, même entre femme et homme tout ça c’est des fadaises ». On en repar­lera. En atten­dant, quand deux personnes avec une approche diffé­rente d’un même problème se rencontrent elles ne se comprennent pas. Jusque là tout va bien, je serais tenté de dire, mais ça se corse quand les deux ont la même réac­tion consis­tant à nier les argu­ments de l’autre : ils se trompent tous les deux, alors même qu’ils ont raison tous les deux puisqu’ils voient la même chose qu’ils décrivent de façon diffé­rente.

Pour le moment, je défriche un terrain pour y posi­tion­ner mon vrai sujet. Il n’y a pas d’autre solu­tion pour moi que d’en découdre respec­tueu­se­ment avec toutes les reli­gions, même celles qui nient l’être. Les reli­gions ne sont pas toutes égales. J’aime l’Hin­dou qui ôtes ses chaus­sures dans une mosquée, s’age­nouille et prie avec les autres comme eux ; qui fait le signe de la croix avec de l’eau bénie dans une église, s’as­soit et prie avec les autres comme eux. C’est ça l’œcu­mé­nisme : sa reli­gion est à lui, mais celle des autres est respec­table, il sait qu’il « parle » avec la même divi­nité, quelle que soit la forme de son langage. À l’autre bout du spectre, diverses Reli­gions sont bien plus exclu­si­vistes, je n’ap­prends rien à personne.

Il semble­rait, et cela se véri­fiera, que l’Oc­ci­dent ait une tour­nure d’es­prit géné­rique bien plus tran­chée que l’es­prit disons Orien­tal. Nous, les ration­nels, aimons qu’une porte soit ouverte ou fermée. Qu’elle puisse être contre, mal fermée, verrouillée ou pas, à peine ouverte ou béante, tout ça ne semble pas rete­nir notre atten­tion dans la construc­tion d’un système. Ce n’est pas un juge­ment de valeur où les Orien­taux seraient des gentils et nous des brutes. C’est juste factuel, ça marche comme ça et c’est bien mieux de le savoir, de l’ob­ser­ver, de nous obser­ver. On ne vas pas le redire ? Si on va le redire, la première œuvre de l’in­di­vidu tient à « connais-toi toi-même ».

C’est pareil pour un monde, non ?

Psycho­lo­gie de l’inné – styles – 5

Les philo­sophes (les méde­cins aussi) ont oublié les tempé­ra­ments d’Hip­po­crate. Rien que pour cette raison, penser comme Platon est impos­sible, on en est rendu à penser pour Platon, à penser à sa place, parce qu’on s’est obli­gés à l’am­pu­ter en même temps que toute la pensée antique. Même Pierre Hadot dont les idées et les livres magni­fiques veulent nous rappro­cher de la pensée vécue est passé à côté de ça telle­ment les styles sont invi­si­bi­li­sés. C’est un pur massacre. Ce n’est pas le bébé jeté avec l’eau du bain, comme par inad­ver­tance, c’est le bébé jeté tout court, volon­tai­re­ment, méti­cu­leu­se­ment, comme on jette­rait un bébé « qui a l’air » malformé de nais­sance. C’est un avor­te­ment de la pensée qui a créé la pensée avor­tonne de notre époque.

Socrate, Platon et Aris­tote, pour ne citer « qu’eux », savaient tout natu­rel­le­ment leur propre type psycho­lo­gique inné et savaient de même les types des gens qui les entou­raient, ça faisait partie de leur culture, de leur manière d’être et de penser l’uni­vers. Ils savaient que tout le monde ne réagit pas de la même manière, et ils savaient iden­ti­fier en chaque personne sa caté­go­rie, sa façon d’être au monde et ils en tenaient compte dans chaque rencontre entre personnes.

Faire de la psycho­lo­gie des types innés c’est être révo­lu­tion­naire, c’est igno­rer des choses si bien brico­lées et étouf­fées, c’est aller fouiller les poubelles de la philo­so­phie et de la science, et il y a large­ment de quoi faire. Pour l’in­di­vidu, c’est une révé­la­tion lente, c’est une pratique (la fameuse praxis) qui éclaire les autres de norma­lité, de descrip­tion neutre et non de pres­crip­tion idéo­lo­gique. Je n’ai rien contre la pres­crip­tion, je sais juste qu’elle est impos­sible, faus­saire, folle, etc., sans une bonne et véri­table descrip­tion anté­rieure. Or ce monde gomme certaines descrip­tions, les ignore volon­tai­re­ment et pres­crit selon des critères déta­chés du réel : renta­bi­lisme, domi­na­tion, victoire du fort, éradi­ca­tion du faible, crois­sance infi­nie, rétri­bu­tion par la corrup­tion et autres sornettes « qui marchent » paraît-il, en tout cas qui font notre époque d’ap­pren­tis sorciers.

La praxis de la psycho­lo­gie de l’inné, je l’ai appe­lée « l’exer­cice extra­or­di­naire », c’est ce que c’est, rien à ajou­ter. C’est une petite Maro­caine, une zonarde d’Aga­dir qui me l’a sortie celle-là. Une femme paria qui me valait des regards de haine en djel­laba pour appré­cier sa compa­gnie. Elle était fine et vive, soli­taire, abimée et quand même joyeuse et illu­mi­née de l’in­té­rieur, elle savait sa vie sur le bout des doigts : femme de rien du tout en terre d’Is­lam, utile/utili­sée la nuit, réprou­vée le jour. Elle disait tout le temps « c’est l’exer­cice extra­or­di­naire », je crois qu’elle vivait par ça, sa psycho­lo­gie à elle, son onto­lo­gie : vivre quand même, vivre au-delà de soi malgré tout. J’ai repris son antienne à mon usage, c’est cohé­rent, même si ce n’était pas le même thème pour elle, c’était une façon gran­diose d’exis­ter, voilà le point commun, pratiquer les styles CC au quoti­dien, c’est un exer­cice extra­or­di­naire. Regar­der les autres avec ce point de vue neutre, néces­sai­re­ment neutre, non les dévi­sa­ger, mais les envi­sa­ger, c’est juste magni­fique.

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J’ai plus ou moins pris une déci­sion, je vais adop­ter la dési­gna­tion de « styles » pour les types psycho­lo­giques innés. Chaque penseur à sa dési­gna­tion, il m’en faut une pour dési­gner cet objet qui a un bien trop grand nombre de termes. Les styles cogni­tifs sont une branche de la science de l’édu­ca­tion qui noie plus ou moins le pois­son, puisqu’une partie seule­ment traite exac­te­ment de nos types à partir de la neuro­lo­gie. Je choi­sis d’igno­rer les autres recherches sous le même nom, à moins qu’elles ne ramènent subrep­ti­ce­ment sous masque nihi­liste à notre objet, ce genre de chose est large­ment possible dans ce monde où le faus­saire côtoie malgré tout le même réel que tout le monde, comme c’est le cas de la carac­té­ro­lo­gie de Klagès, qui semble se réap­pro­prier le mot pour lui donner un sens telle­ment diffé­rent de la carac­té­ro­lo­gie lese­nienne, semblant même s’échap­per de toute innéité, qu’il l’an­nule. Mais pour­tant, à la fin de son « Les prin­cipes de la carac­té­ro­lo­gie », il retombe discrè­te­ment sur l’on­to­lo­gie quater­naire avec traits, compa­tible avec l’en­semble des styles. Il faut bien dire que ce n’est pas facile tous les jours de faire de la science furtive sur un objet inter­dit, quand en plus discré­di­ter les autres fait se sentir plus grand.

Je ne comprends pas pourquoi les styles des sciences de l’édu­ca­tion sont donnés pour seule­ment cogni­tifs, ils sont aussi compor­te­men­taux. En réalité leur science n’ou­blie jamais le compor­te­ment, c’est juste qu’il n’est pas inscrit en titre. Tant mieux pour moi, car ma propre science de la même chose est diffé­rente et doit être disso­ciée, je vais donc m’ap­pro­prier cette liberté d’as­so­cier expli­ci­te­ment le compor­te­ment à mon propre titre. Donc pour mes textes, quand j’écri­rai « styles » cela voudra dire « styles cogni­tifs et compor­te­men­taux » ou bien « styles CC ». Cela fait que j’ai une appel­la­tion origi­nale sur laquelle dépo­ser non pas rien que mon petit bout de la lorgnette comme le fait chaque appel­la­tion, mais tous les petits bouts de la lorgnette en plus du mien, qui lui, n’a du coup pas de nom. Ceci dit, je consi­dère ma propre percep­tion des styles, en tout cas pour mes textes, comme un réfé­ren­tiel de compa­rai­son. J’ai mis au point une nomen­cla­ture sur le long cours en plusieurs décen­nies qui est extrê­me­ment bien entre­la­cée avec l’on­to­lo­gie formelle, puisque les deux ont grandi en moi simul­ta­né­ment. Cette nomen­cla­ture sera la nomen­cla­ture des styles CC, c’est possible puisque cette appel­la­tion n’existe pas avant moi.

Je mentionne quand même qu’en réalité il y a deux appel­la­tions bonnes candi­dates pour nommer cette science. Primo l’évi­dente, la reine, légi­time d’entre toutes puisqu’elle est la mère antique, du moins de ma civi­li­sa­tion (n’ou­blions pas les Doshas ayur­vé­diques en Inde), c’est les tempé­ra­ments. C’est fonda­men­ta­le­ment la même science dont je parle ici, le même réel et les mêmes outils onto­lo­giques pour en rendre compte. Pourquoi les Hollan­dais et le Senne ensuite ont-ils fondé le nom de carac­té­ro­lo­gie pour conti­nuer l’œuvre des tempé­ra­ments sans reprendre l’évi­dence du nom ? C’est clair. Furti­vité n’était pas encore de mise, mais chan­ge­ment de sujet, oh que si. Les « Lumières » ont, à la lance, éteint les tempé­ra­ments qui avaient été au cœur de la méde­cine pendant quand même deux mille ans. Impos­sible de les réveiller sans faire bâiller d’en­nui et de dégoût les pontes, il fallait du neuf. La carac­té­ro­lo­gie a été une Science, avec une majus­cule, qui avait chaire et publiait aux PUF, jusque les années 1950–1960 où elle est dispa­rue sous le tapis, sans faire de vague. Gaston Berger est le dernier Scien­ti­fique Carac­té­ro­logue, après lui les gens ont œuvré dans l’ombre. Il est parti en lais­sant un trésor inaperçu : la cause finale des types psycho­lo­giques innés. Mon quatrième trait lui doit énor­mé­ment.

En atten­dant, pour nommer « ma » science, je suis devant ce problème : réveiller la science antique des tempé­ra­ments ou bien réveiller la Science moderne des carac­tères ? Les deux me vont, les deux sont perti­nents, mais voilà, les deux sont salis : j’ha­bite une époque, je dois compo­ser avec elle et du coup, comme des contem­po­rains à moi se sont posé la ques­tion, comme ils ont des argu­ments véri­fiables (neuro­lo­gie), comme ils n’ont pas encore été iden­ti­fiés et donc salis par la Science, alors je peux adop­ter leur réponse des styles. Ils ont bien fait, ce mot-là commence vierge en psycho­lo­gie, il a juste ce qu’il faut de poly­sé­mique en psycho­lo­gie pour noyer le pois­son des coupeurs de têtes, c’est parfait.

Dans tous les cas demeure une appel­la­tion univer­selle, mon univer­sel, qui n’est pas pratique et nomi­nale, mais lourde et descrip­tive et que vous avez croi­sée déjà cent fois sous ma plume, c’est les types psycho­lo­giques innés. Jung s’est posé lui aussi la même ques­tion du nom. Pour des raisons person­nelles non dénuées d’af­fects, il lui fallait abso­lu­ment se distin­guer des carac­té­ro­logues et d’Hip­po­crate. Penser sans les maîtres est une chose qu’à su faire Jung dans les nombreuses disci­plines qu’il a appro­chées, c’est l’un de ses traits de génie, mais penser contre les maîtres, c’est une erreur qu’il n’a pas évitée dans le domaine des types psycho­lo­giques. En atten­dant, sa dési­gna­tion est excel­lente, c’est pour cela que je me la suis appro­priée comme réfé­rent initial, en y ajou­tant évidem­ment mon axiome de départ, dont nous allons voir bien­tôt l’im­mense utilité, qu’est l’in­néité. La raison pour laquelle je n’ai pas décidé d’adop­ter comme emblème les « types psycho­lo­giques innés », mais les styles, c’est d’abord que le mot « type » est bien trop poly­sé­mique, c’est un incom­pa­rable fourre-tout, dont on se sert en écri­vant des textes un peu tech­niques aussi faci­le­ment qu’on sale un plat, et donc on est obligé de mettre aussi­tôt psycho­lo­gique et comme il peut y avoir des types psycho­lo­giques acquis, il faut mettre aussi­tôt innés. C’est trop long, c’est redé­fi­nir à chaque fois l’objet disci­pli­naire. Même s’il est lui aussi poly­sé­mique, « style » est un mot plus rare, voilà sa qualité. Les « styles cogni­tifs » sont la troi­sième itéra­tion histo­rique de la science des types psycho­lo­giques innés, merci les sciences de l’édu­ca­tion, je m’y réfère et puis c’est tout. Enfin pour le moment… En fait rien ne m’in­dique que je ne vais pas chan­ger d’avis un jour devant une belle « offre finale », une quatrième qui chapeaute le tout, disons que je pense depuis si long­temps à mettre « style » en emblème, que ça doit être bon. On verra bien.

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Les styles CC ont quatre traits que je nomme de manière géné­rique, comme en onto­lo­gie, selon les quatre lettres grecques : alpha, bêta, gamma et delta. Le trait est une carac­té­ris­tique onto­lo­gique, c’est-à-dire une caté­go­rie dyadique du type [yin/yang] parfai­te­ment usuel pour nous. Chaque personne dispose à la nais­sance d’une « posi­tion de repos » d’un côté ou de l’autre de la dyade. La posi­tion de repos indique bien ce qu’elle veut dire : si vous êtes [yin] en alpha, cela ne veut pas dire que vous êtes inca­pable de connaître ou de vous compor­ter selon le [yang] alpha. Vous savoir [ration­nel] en alpha ne veut pas dire que vous êtes inca­pables de connaître ou de vous compor­ter en [irra­tion­nel], par exemple en reve­nant du boulot de dire « je t’aime » à votre conjoint, votre maman ou à vos gosses. C’est souvent la première confu­sion que font les gens, parce que nous sommes habi­tués à raison­ner de façon binaire. Nous sommes capables des deux postures du trait, mais il y en a une où nous reve­nons par défaut et c’est cette dernière que les styles CC déter­minent avec des mots qui dési­gnent une tendance et non une propriété mono­li­thique. Je rappelle que ces caté­go­ries en tant qu’elles sont onto­lo­giques ne sont pas des caté­go­ries ration­nelles, elles forment un tout. Un être théo­rique qui serait exclu­si­ve­ment [ration­nel] en alpha n’existe pas, ou bien n’est pas viable, pas envi­sa­geable.

Quand on en vient à leur déter­mi­na­tion, pas mal de gens objectent « je suis les deux ». Ce n’est pas vrai, ce n’est pas faux, c’est hors de propos. Être ceci ou cela en style CC veut dire « je suis né ceci ou cela comme posi­tion de repos », rien d’autre. On ne peut pas avoir les deux posi­tions de repos selon un trait, on ne peut pas ne pas en avoir non plus. Ne me deman­dez pas pourquoi, c’est axio­ma­tique depuis l’ori­gine, je l’ai véri­fié dans tous les cas et je n’ai jamais vu d’au­teur contre­dire ce modèle. Il y a un quand même champ de réflexion qui demeure ouvert ici, qui est au-delà de ma propre expé­rience et de celle des auteurs que j’ai pu lire. La déter­mi­na­tion du style a donc ici toute l’ap­pa­rence de la bina­rité : on est [yin] ou [yang] au repos selon le trait. Mais quand on pense à l’on­to­lo­gie du sexe, il y a un trouble qui appa­raît, d’où l’ou­ver­ture du champ de réflexion. Quand on étudie le sexe, on se rend compte que la bina­rité des cartes d’iden­tité ne coule pas de source. Un certain fémi­nisme parle de cinq sexes, une autre approche montre une conti­nuité physio­lo­gique entre l’im­plan­ta­tion des sexes fémi­nin et mascu­lin, où par exemple un clito­ris déme­suré ressemble à une verge, en un seul mot l’her­ma­phro­disme fait partie de la déter­mi­na­tion du sexe. En s’éclai­rant de ce fait physio­lo­gico-onto­lo­gique, on peut se poser la ques­tion d’un herma­phro­disme limite du style qui vien­drait contre­dire l’axiome. Ce n’est qu’une paren­thèse dans mon discours, mais il faut que ce soit clair, je ne prends pas posi­tion, je fais un choix. Je n’ai pas de réponse à la ques­tion de l’exis­tence d’une neutra­lité dans un style et je consi­dère par défaut que la réponse est binaire, puisque je n’ai jamais rencon­tré de contra­dic­tion à cette règle. Cette ques­tion est bien plus diffi­cile à réflé­chir que la physio­lo­gie du sexe, pour la bonne et simple raison de ce qui va suivre, qui vient expliquer les sensa­tions des gens quand ils pensent « être les deux ».

Les styles ne parlent que de l’inné. Je le redis tout le temps, mais c’est un exer­cice extrê­me­ment diffi­cile pour des personnes habi­tuées à ne pas avoir de psycho­lo­gie innée. La monade est maté­riel­le­ment insé­cable, mais elle est intel­lec­tuel­le­ment discer­nable : on peut étudier sépa­ré­ment le yin ou le yang de tout ce que l’on veut. Ici notre yin est l’inné, cela veut dire que tout le temps qu’on parle des styles on ne parle pas d’ac­quis.

Mais cela ne veut pas dire qu’un être n’est défi­nis­sable que par son inné. Rappe­lons-nous bien que c’est bel et bien ce qu’af­firment des cohortes de combat­tants de l’inu­tile depuis que le débat inné/acquis fait rage : ils ne veulent pas simple­ment étudier sépa­ré­ment l’un des deux pôles, ils prétendent que l’être n’existe que selon un seul pôle, en géné­ral l’ac­quis selon l’ac­cord tacite de l’idéa­lisme plato­ni­cien. Discer­ner ce que l’on peut discer­ner de ce que l’on ne peut pas, c’est l’élé­men­taire.

Ceci pour dire ce qui est constam­ment à l’es­prit des styles CC : la personne est un mélange intime et intriqué des deux, l’inné plus l’ac­quis. L’ac­quis n’est pas notre problème, mais nous en tenons compte quand néces­saire. Vous pouvez vous sentir ou même vous croire [ration­nel] en étant dans les faits du style [irra­tion­nel] ; tout dépend de votre éduca­tion, de vos déci­sions, de votre conjoint, etc. Mais moi, quand je vous envi­sa­ge­rai, je ne me lais­se­rai pas prendre au piège et je vous dirai soit comment et pourquoi vous êtes comme ça, soit je vous dirai là où ça cloche et quelles sont vos possi­bi­li­tés : un ration­nel qui se prend pour un irra­tion­nel ou bien le contraire ? C’est une possi­bi­lité du style qui fait un aspect de la richesse des gens : l’inné est à jamais pour vous et l’ac­quis vous tombe dessus vous offrant ou non le libre arbitre d’être ce que vous voulez ou devez par mimé­tisme : contraire à vous-même, c’est la richesse et la diffi­culté que vous recher­chez en tout cas que vous rencon­trez ; semblable à vous-même, l’aug­men­ta­tion et la puis­sance sont votre chemin. J’ap­pelle ça la contra­riété ; ici je montre son extrême, quand une personne va imper­tur­ba­ble­ment vers son contraire, mais rappe­lons-nous bien que la contra­riété de son propre trait demeure une présence constante, même si l’on est bien dans son style. Regar­dez un [irra­tion­nel] assumé, non contra­rié, de faire ses comptes : c’est pénible, mais il n’a pas le choix, il le fait et se trans­forme pour un moment en [ration­nel].

Je tente de vous montrer la complexité des traits sépa­ré­ment, mais rappe­lez-vous que les traits sont au nombre de quatre. Ils sont tous distincts et indé­pen­dants. Le premier trait ne peut pas être confondu avec le second ou le troi­sième ; ils ont chacun un support séman­tique net et cohé­rent avec toute l’on­to­lo­gie formelle qui les rend discer­nables sans équi­voque. Il n’y a pas de diffé­rence entre la notion de trait du style CC et traits de l’on­to­lo­gie formelle. Là où les mots n’existent pas, on en met quand même, et tous ces mots visent la même cible, c’est de la science.

Les traits se cumulent pour former une caté­go­rie parmi un nombre fini. Les caté­go­ries sont la résul­tante des traits. Un trait c’est deux caté­go­ries, deux traits c’est quatre caté­go­ries. Donc avec quatre traits nous avons seize caté­go­ries, seize styles CC. Quand vous avez déter­miné que vous êtes [irra­tion­nel] et que vous êtes [intel­lec­tuel], vous avez déter­miné que vous êtes de la caté­go­rie qui se situe au croi­se­ment de ces deux déter­mi­na­tions.

Pour faire ma propre descrip­tion des traits, j’ai mis au point deux séries de diades : l’une est celle des emblèmes, l’autre est celle des déter­mi­na­tions. L’em­blème est central, c’est le repère prin­ci­pal qui est supposé parler clai­re­ment aux gens. Nous verrons que j’ai fait des choix oppor­tu­nistes de nomen­cla­ture liés à mon époque, je pense propé­deu­tique et pas unique­ment tech­nique. Ces quatre diades emblèmes sont de nature onto­lo­gique et forment tout le « moteur » des styles CC. Les déter­mi­na­tions par contre sont bien plus terre à terre, elles servent à discer­ner rapi­de­ment et avec une bonne assu­rance son propre style dans le trait consi­déré. Dans les quatre descrip­tions qui suivent, je commence par mettre le rang du trait, l’em­blème et la déter­mi­na­tion.

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Alpha : [irra­tion­nel/ration­nel] [tenue][négligé/strict]

Le trait alpha du style CC est ma révé­la­tion initia­tique. Quand j’étais en théra­pie dans les années 1995, j’ai vécu cet instant prodi­gieux : j’al­lais me lever pour partir de ce qui allait deve­nir mon avant-dernière séance, et là je reste figé sur une phrase qui sort de moi, limpide, évidente : « mais, je suis Anima… ». Avant cela, j’avais réveillé pour moi le couple latin ([anima/animus]) grâce à Jung, je l’avais fait miroi­ter sur divers plans et soudain, il dési­gnait d’une manière qui allait s’avé­rer inal­té­rable ce que j’ap­pelle aujourd’­hui les styles CC. Cet instant a changé ma vie complè­te­ment, elle avait désor­mais une direc­tion d’une incroyable dimen­sion et qui me fasci­nait à un point que je n’avais jamais imaginé. Je ne savais pas ce que je faisais, une certaine quête onto­lo­gique régio­nale qui me guide­rait à l’on­to­lo­gie géné­rale, à l’on­to­lo­gie de l’on­to­lo­gie, mais j’étais en route, alors que la minute d’avant je cher­chais encore à naitre. Quand je suis retourné à la séance d’après, j’ai dit « c’est bon, j’ai fini ma théra­pie, ça fait main­te­nant deux ans, c’est la bonne distance et j’ai de quoi faire, main­te­nant ». J’étais trem­blant, excité, je n’ai pas su m’as­seoir, j’étais déjà autre part. Il m’a dit d’un air bizarre « tu es sûr ? » ! « Oui ! Tout va bien, je suis là, je me vois être » ! Oh ! ça n’a pas été aussi simple, j’y suis retourné plus tard pour m’y retrou­ver, mais ça n’a plus jamais repris comme avant, c’était vrai­ment une page qui s’était tour­née.

Par la suite j’ai litté­ra­le­ment « inventé » cette science du style, qui allait m’en­trai­ner vers ma pente natu­relle en tant qu’ir­ra­tion­nel + intel­lec­tuel, celle de l’on­to­lo­gie. Bien sûr par la suite j’ai compris que j’étais tombé sur une filière oubliée et que peut-être je ne l’avais pas autant inventé que ça, peut-être que simple­ment je ne me rappe­lais pas bien de mes influences, c’est sans impor­tance tant que je ne cherche pas à m’at­tri­buer ces choses. Le trésor des traits indique que la compré­hen­sion, le moment où savoir émerge de la créa­tion, trans­cende cette union, par le retour, en un nouveau sens comme chose sensible. Ainsi, quand on apprend quelque chose, on peut oublier comment on l’a appris puisque c’est devenu un sens nouveau qui en tant que tel se mobi­lise intui­ti­ve­ment, c’est-à-dire sans qu’on le veuille, comme une évidence, un réflexe venant de notre centre mysté­rieux que d’au­cuns appellent le divin. Évidem­ment, il faut vivre la boucle pour que ça marche, lire un savoir dans un bon livre ne suffit pas à en faire un sens pour soi, d’où l’avan­tage d’avoir à se battre avec le texte pour lire des choses impor­tantes.

Je ne sais même plus comment j’ai commencé à parler de ce trait en termes de ratio­na­lité. Le mot est incon­tour­nable dès qu’on se penche sur la Science. Ça coulait de source, je n’avais pas idée du trait ni qu’il y en eut d’autres : le style était unique­ment ce trait pour moi. J’ai quand même fini par perce­voir qu’il y avait autre chose. Assez vite et tant que je n’ai pas rencon­tré la problé­ma­tique dans un livre (Jung), ma nomen­cla­ture était deve­nue triple : les anima, les animus et les « bi ». Ces derniers vous l’au­rez compris étaient pour moi compo­sés des deux. Je crois que je ne voyais que les alphas intel­lec­tuels et que je mettais les physiques en « bi » ou quelque chose comme ça. Après la lecture de « Les Types psycho­lo­giques », j’ai adopté deux traits.

Une ques­tion s’est posée de façon récur­rente et la réponse est demeu­rée, jusqu’à ce jour, iden­tique. La dyade est de type oppo­si­tion, c’est-à-dire qu’un pôle est dési­gné par la néga­tion de l’autre : irra­tion­nel et la néga­tion de ration­nel, le même mot sert aux deux défi­ni­tions. Quand j’ai rencon­tré les carac­té­ro­logues, j’ai vu que la signa­ture de ce trait était séman­tique­ment iden­tique, mais que ses conte­nus idéo­lo­giques étaient inver­sés. Le trait alpha hollan­dais est [sensible/insen­sible], il ressemble à la réponse du berger à la bergère face à une Ratio­na­lité enva­his­sante. D’un côté le [yin] alpha est dépré­cié, de l’autre il est posi­tivé, et réci­proque­ment. C’était un constat déjà assez joyeux pour moi, qui éclai­rait bien l’a priori carac­té­ro­lo­gique et me donnait l’im­pres­sion d’avoir rencon­tré des collègues. Mais bon, nous faisons de l’on­to­lo­gie et nous visons donc la neutra­lité ; régler ses comptes à travers des comptes rendus scien­ti­fiques, ce n’est pas neutre et ne pas être neutre dans une matière aussi diffi­cile à mettre au jour, ce n’est pas produc­tif du tout.

Voilà, taxer quelqu’un d’in­sen­sible est péjo­ra­tif, mora­liste, donc ce n’est pas correct. J’ai évidem­ment pensé à faire une dyade avec les deux dyades, en prenant ce qui n’est pas l’in­ver­sion, ce qui donne le satis­fai­sant [sensible/ration­nel], que je vous conseille d’adop­ter pour votre usage, mais que je n’adopte pas moi-même dans mes comptes rendus, pour la raison propé­deu­tique que j’ai dite ulté­rieu­re­ment : je vis dans un monde cinglé, je vais m’adres­ser à des gens vivant dans ce monde-là et je dois leur ensei­gner quelque chose sur la non-neutra­lité des termes de la première distinc­tion univer­selle onto­lo­gique qu’est [sentir/calcu­ler].

Quand je dis « Êtes-vous ration­nel ou bien irra­tion­nel », je dis impli­ci­te­ment, et si ce n’est pas clair je précise que les deux sont normaux. La portée psycho­lo­gique du fait que l’ir­ra­tio­na­lité soit présen­tée comme normale est bien plus grande que ne l’est l’in­con­vé­nient de ne pas utili­ser une dyade complé­men­taire dans ce contexte. C’est une erreur volon­taire qui veut faire grin­cer des dents, non pas comme les carac­té­ro­logues qui dépré­cient par leur « insen­si­bi­lité » ceux qui dépré­cient les autres de manière systé­mique, mais qui appré­cie ceux qui ne sont pas « comme il faut » selon l’air du temps. La posture pour­rait sembler réci­proque et iden­tique à celle des carac­té­ro­logues, mais elle en réalité est dras­tique­ment diffé­rente, car elle est construc­tive, onto­lo­gique, conforme à l’ordre des choses : je ne suis pas contre quelque chose, je suis pour son contraire. N’ou­bliez jamais cette maxime, être pour le contraire de quelque chose demande de la réflexion, mais c’est bien plus effi­cace devant l’ex­cès : on ne le combat pas de face, on le dégonfle.

Comment se recon­naître selon ce trait ? C’est là que la deuxième dyade entre en scène. On parle de la tenue dans divers sens du terme. Quand j’in­ter­roge les gens, je me limite toujours au vesti­men­taire d’abord et à l’ha­bi­ta­tion ensuite. La diffi­culté, je l’ai déjà sous enten­due, c’est de mélan­ger l’inné et l’ac­quis : vous êtes bien ration­nel de nais­sance, mais vos parents vous ont élevé comme un irra­tion­nel. À moins que ce ne soit le contraire. D’après mon expé­rience il y a une personne sur deux (ce n’est pas statis­tique, c’est l’un ou l’autre) pour qui c’est très clair tout de suite : je leur dis le couple de mots et ils rigolent, ils savent sans équi­voque, ils sont « croqués » par elle et d’ailleurs, je l’ai su tout de suite moi-même en les envi­sa­geant. Si vous me rencon­trez, même sur certaines photos, vous saurez instan­ta­né­ment que je suis irra­tion­nel parce que je me vous de mes habits, qui peuvent être troués, décou­sus ou tâchés, ou encore de mes cheveux qui sont le plus souvent en bataille. Je n’ai pas été contra­rié par mes parents sur l’al­pha, du moins sur les aspects de la tenue de mon habi­ta­tion et de mes vête­ments. Quand on a de l’ex­pé­rience, il y a d’autres choses qui sautent aux yeux, c’est un ensemble de ces critères sensibles qui assoient la signa­ture du trait d’une personne, le mieux, c’est quand elle comprend et qu’elle le dit elle-même.

Quand la personne on est une contra­riée ou bien qu’elle n’a pas trop réflé­chi au problème, alors je raconte des petites mises en scène et je demande ce qu’ils font dans ce cas. La première de ces petites mises en scène, la plus ancienne n’est pas la meilleure : « tu es au restau­rant, tu fais une tâche sur ton panta­lon, ta robe. Que fais-tu : tu changes l’ha­bit dès que possible, quitte à retour­ner chez toi rien que pour ça, ou bien tu oublies l’af­faire et tu remets la même chose le lende­main, de toute façon c’est du gras, ça s’étale on n’y verra plus rien demain ? ». J’ai utilisé ça un temps, mais j’ai trouvé mieux. « tu rentres chez toi après le taf, tu retires tes chaus­sures, que fais-tu : tu mets tes chaus­sures à la place des chaus­sures, ou bien tu laisses tomber une chaus­sure là où tu l’en­lèves et l’autre de même et tu passes à autre chose ; quand le lende­main matin tu voudras remettre tes chaus­sures, elles seront là où elles sont tombées, à moins que tu ne les aies balayées du pied parce qu’elles te gênaient à un moment donné ? ».

La condi­tion sine qua none de ce ques­tion­ne­ment, c’est que les gens parviennent à s’ima­gi­ner une scène où ils sont abso­lu­ment seuls et chez eux seuls. Ce n’est pas toujours possible, du moins sans remon­ter peut-être à l’en­fance, pour des gens qui ont toujours habité avec d’autres, quit­tant sa famille pour créer une famille. Si un irra­tion­nel contra­rié a choisi un conjoint qui le contra­rie de la même façon, il peut manquer de repère inné. J’ai l’œil pour ce genre de choses, il y a des petits signes, à peine des indices qui ne trompent pas.

Je suis avec un ami en terrasse sur la Grand-Place, c’est le matin. Un couple flam­boyant vient s’as­seoir à quelque table de nous, ils sont jeunes, joyeux, intel­li­gents, amou­reux ; ça se titille, c’est passionné, c’est festif : ils sont beaux et de bon matin, c’est rare, je ne gâche pas mon plai­sir. Je regarde elle, c’est mon contraire [ration­nelle + physique], c’est mon type, du coup elle me plait, c’est comme ça que je suis sûr : le désir est un bon repère pour le style CC. C’est là que ça devient inté­res­sant, je le regarde lui : super coupe de cheveux, bien coif­fés, beau costume, impec­cable, bonne tenue : il a tout du ration­nel, mais je ne suis pas convaincu. Déjà, ils sont trop amou­reux pour être semblables. Je le regarde bien du coin de l’œil, sans non plus faire mon voyeur, mais ça cloche, je pense qu’il est comme moi de style, forcé­ment. Et à un moment ça se confirme. Je vois qu’un ourlet de son panta­lon est décousu, il pendouille lamen­ta­ble­ment. C’est là que c’est drôle. Il me voit le voir, alors qu’on n’avait pas échangé un seul regard jusque-là, il est gêné et se penche vers le bug qu’il replace subrep­ti­ce­ment sans qu’elle l’aperçoive. Un vrai [ration­nel + physique] n’au­rait pas fait ça, ça l’au­rait énervé. C’est elle qui l’ha­bille, c’est elle qui l’en­voie se faire coif­fer, il est sa poupée (pour les vête­ments, le reste c’est leur histoire), elle le déguise et il adore ça, parce que du coup il est, contre son natu­rel, dans les critères du mondain et de l’élé­gance où ils adorent évoluer comme à bord d’un lumi­neux vais­seau fait d’eux deux, peut-être le temps d’une danse. Peut-être que demain elle le jettera, pas parce qu’il a cet ourlet décousu, mais parce que c’est tout le temps ; peut-être qu’il en aura marre de se faire rabrouer ou encore qu’il la trouve futile parce qu’elle n’a pas son intel­lect ? C’est autre chose.

La contra­riété acquise du trait n’est ni un handi­cap ni une qualité, c’est un fait du vivant. Pour un trait donné, la contra­riété peut être à diffé­rents niveaux, et peut se perce­voir diffé­rem­ment selon diffé­rentes personnes, elle fait partie du sel de la vie et de sa variété infi­nie. Une fois j’ai rencon­tré un gars accoudé au bar dans un bistrot, je ne l’avais jamais rencon­tré. Je l’ai d’abord envi­sagé et puis je lui adressé la parole direc­te­ment : je lui ai « tu as une nana vrai­ment super ». C’était là encore un irra­tion­nel, et là aussi habillé et présenté avec beau­coup de soin et il prenait cela avec beau­coup de sérieux. Ça m’a dit la même chose, elle l’ha­bille, mais en plus elle le laisse aller seul au bistrot, elle est son contraire et elle n’est pas mala­di­ve­ment jalouse, c’est une super nana. Du coup on a discuté et il m’a parlé d’elle évidem­ment, j’avais raison, super nana pour un super gars. J’étais tech­nique­ment jaloux, je n’en vivais pas l’af­fect, mais le manque. C’est diffi­cile d’al­ler vers son contraire, des fois ça se trans­forme une guerre totale entre grands amou­reux, très diffi­cile.

***

Bêta [physique/intel­lec­tuel] [rapport à la douleur][dur/douillet]

Je vais être de moins en moins disert sur les traits qui suivent. D’abord, j’ai conti­nué à donner beau­coup de géné­ra­li­tés tout en parlant de l’al­pha et ensuite les traits sont appa­rus à la suite l’un de l’autre, et même très récem­ment pour le quatrième, ce qui fait que j’y ai forcé­ment moins réflé­chi parce que je les ai moins vécus.

Le bêta est quand même assez ancien pour moi, mais il s’est déposé beau­coup plus lente­ment pour former les deux dyades. Je ne sais plus exac­te­ment comment j’ai abouti à [physique/intel­lec­tuel], mais je revois le jour et le lieu où j’ai dit « c’est bon », et je n’ai plus changé depuis. Il y a dans cette signa­ture une volonté propé­deu­tique équi­va­lente à l’al­pha, avec un méca­nisme iden­tique de majo­ra­tion plutôt que de péjo­ra­tion, sauf que là je n’ai pas besoin d’y mettre mon grain de sel en forçant la dyade. C’est impli­cite, mais je le confirme quand même un tant soit peu en parole. Quand je dis à quelqu’un pour la première fois qu’il est [physique], je sais qu’il y a une bonne chance pour qu’il tique, et un physique qui tique, ça peut envoyer des pains. Donc je crache ma Valda et je me tais, je regarde atten­ti­ve­ment sa pensée se former : « Houla ! Il me dit un truc que je pour­rais bien prendre pour une insulte, mais il là n’est pas insul­tant du tout, il est là à me regar­der d’un air neutre, il est vrai­ment sérieux et il est bien­veillant ; du coup je suis en train de me rendre compte que si je ne prends pas le mot pour péjo­ra­tif, mais normal, ça pour­rait bien expliquer ma façon d’être, et aussi cette espèce de malaise que je ressens à être simple­ment moi-même depuis la petite école ». À l’op­posé quand je dis à un [intel­lec­tuel] qui l’est, souvent c’est les yeux qui se baissent, ils ne se sentent pas le mérite de l’être. En fait, le mot semble flat­teur parce qu’on le confond à tort avec « être cultivé » et certains ne semblent pas « y avoir droit ». Or on peut être [physique] et être extrê­me­ment cultivé et bien sûr on peut être un [intel­lec­tuel] inculte. Ma posture est à peu près la même, j’at­tends que le chemin se fasse, bien qu’il soit diffé­rent puisque l’in­tel­lec­tua­lité se dégonfle un peu dans l’es­prit des gens alors que la physi­ca­lité y retrouve une meilleure place.

Dans tous les cas je parle un peu en clari­fiant les malen­ten­dus et la propé­deu­tique se fait toute seule pour une simple raison, c’est que les dyades sont onto­lo­gique­ment fondées et que l’on­to­lo­gie étant ce qu’elle est, une descrip­tion du réel, chacun a les moyens de s’y retrou­ver puisque le réel est le même pour tout le monde.

Il est à noter que chacun pense d’abord son pôle et pas l’autre, c’est tout natu­rel. Tout l’at­trait de la typo­lo­gie des styles CC tient dans le second temps, c’est là que l’exer­cice devient extra­or­di­naire, c’est quand, après avoir compris par exemple « je suis intel­lec­tuel, c’est quoi être intel­lec­tuel ? », on se dit « mais c’est quoi être physique ? » : du coup on se met à cher­cher là où on trouve du physique, c’est-à-dire le plus logique­ment possible, chez les gens autour de soi. Se connaître soi-même, certes, mais pas sans connaître ce qui est semblable et autre chez les autres. La pratique qu’im­plique cette notion d’exer­cice commence par un regard autour de soi, cette pratique est onto­lo­gique, elle fait faire de l’on­to­lo­gie formelle la plus pure, la mieux dessi­née, à partir d’une réalité omni­pré­sente et fina­le­ment très lisible quand on connaît l’ou­til.

Si ma dyade emblème [physique/intel­lec­tuel] a pas loin de vingt ans d’âge, je n’ai trouvé la dyade de déter­mi­na­tion pour le trait bêta qu’as­sez récem­ment, c’est-à-dire il y a moins de cinq ans. Autant dire que ç’avait été une très grande joie et un vrai accom­plis­se­ment. Avant cela je n’avais qu’une chose pas trop mal tirée du fonds onto­lo­gique juif à propos du regard : [regard][en flèche/en coupe]. C’est une dyade vrai­ment d’une grande justesse, mais qui ne parle pas univer­sel­le­ment. Il y a un élément cultu­rel trop impor­tant, je veux dire que ça marche mieux pour les intel­lec­tuels, qui peuvent faci­le­ment gérer l’abs­trac­tion inhé­rente à ces deux mots, et qui de plus ont déjà rencon­tré cette expres­sion qui doit encore se faire sens une fois appro­priée. Ce n’est pas univer­sel et je devais expliquer la méta­phore sans avoir de vraie solu­tion limpide. Je me souviens d’un moment assez bête de cette histoire, c’est que j’ai un jour trouvé une dyade de rempla­ce­ment plus satis­fai­sante, mais voilà, je l’ai oubliée, perdue.

C’est un jour où je suis allé voir un ami à l’hô­pi­tal, un physique irra­tion­nel de la plus belle eau. Il avait reçu des coups assez violents qui m’au­raient boule­versé, cham­boulé et il prenait ça comme des égra­ti­gnures. Une personne avec moi lui a dit, impres­sion­née, « tu es un dur ». Et voilà. J’ai dû cher­cher le contraire, ça n’a pas pris long­temps et main­te­nant, j’ai [rapport à la douleur][dur/douillet] qui marche du feu de Dieu depuis, sans que j’aie grand-chose à expliquer. Oh ! je connais par exemple des intel­lec­tuels qui ont dérouillé dans leur enfance et qui sont deve­nus très durs à la douleur, mais quand je leur dis ce que vous avez compris ici, ils acquiescent en silence : oui ils sont douillets, oui ils ont été durcis par les circons­tances.

J’ai vu ma sœur descendre de sa voiture avec son gros chat super nerveux qui lui a « glissé des mains » comme peut le faire un chat effrayé, c’est-à-dire de toutes ses griffes. Elle a eu les bras lacé­rés d’en­tailles géné­reuses et très profondes et elle n’a pas eu une émotion sur le visage autre que le la tris­tesse pour son pauvre chat. Elle a récu­péré le bestiau, elle est allée se soigner et on n’a plus jamais reparlé de l’his­toire. J’étais scot­ché, oui, c’est une [physique]. Moi, pauvre de moi ! J’au­rais hurlé et on en aurait parlé pendant tout le séjour et encore des années après. Oui, je suis [intel­lec­tuel] et non, je ne fuis pas spécia­le­ment la douleur.

Je n’ai pas été suffi­sam­ment clair concer­nant ma propre genèse du trait bêta. Les carac­té­ro­logues m’ont donné leur piste avant que je n’éta­blisse ma forme. Chez eux il s’agit d’une carac­té­ris­tique que je trou­vais alors un poil ésoté­rique, mais qui désigne clai­re­ment son objet de manière rigou­reuse : [reten­tis­se­ment][primaire/secon­daire]. Le physique est primaire, oui ça colle, l’in­tel­lec­tuel est secon­daire, parfait. Seule­ment je refu­sais et refuse, encore une fois, l’im­pli­cite péjo­ra­tif de cette dési­gna­tion. Ils auraient dit [premier/second], ç’au­rait été diffé­rent, mais là, le [primaire] désigne rigou­reu­se­ment tout ce qu’on méprise chez le physique : la poubel­li­sa­tion est toute proche. Autant les carac­té­ro­logues ont restauré le bien et le mal (cf. ontoar­chéo­lo­gie) de l’époque hyper­ra­tio­na­liste avec l’al­pha, autant ils ont avec ce choix enté­riné le bien et le mal en bêta, à la fois des catho­liques et des philo­sophes et qui marche si bien dans l’idéa­lisme plato­ni­cien. Le corps, c’est sale, l’idée est plus réelle que le réel. Rebelles ici, juges mouton­niers là. C’est le problème du mora­lisme impli­cite rampant là où la morale n’a rien à faire. Ce ménage-là sera fort utile en tous lieux.

Bref, le bêta des carac­té­ro­logues est cent pour cent compa­tible avec nos visées, dont leurs textes sont perti­nents à ce propos, mais leur nomen­cla­ture est tein­tée en plus d’être trop tech­nique. Ceci étant dit, sans elle, je n’au­rais pas décou­vert ce trait, ma grande œuvre c’est juste d’avoir trouvé les bons mots pour désa­mor­cer une péjo­ra­tion auto­ma­tique de plus, en la mettant à nu. C’est essen­tiel.

***

Gamma [réac­tif/actif][/]

Je ne l’ai pas non plus trouvé tout seul. C’est là encore la Carac­té­ro­lo­gie qui me l’a dési­gné : le Senne. Chez lui, comme chez Berger le trait se nomme [passif/actif] et curieu­se­ment ils l’ont placé en second en mettant le bêta en troi­sième. Je ne comprends pas bien, mais c’est ainsi. J’ai pour le moment relevé des « fautes de goût » dans la Carac­té­ro­lo­gie, mais là c’est une erreur onto­lo­gique. Dans les faits c’est une erreur qui a extrê­me­ment peu d’in­ci­dence, bien moins fina­le­ment que le mora­lisme impli­cite contenu dans les traits qui sont par contre onto­lo­gique­ment corrects. On voit dans ce cas que l’er­reur n’est pas néces­sai­re­ment la chose la plus grave en onto­lo­gie.

J’ai là aussi modi­fié les appel­la­tions polaires. Décla­rer quelqu’un de passif est encore une fois une forme de péjo­ra­tion, encore une « faute de goût » que j’ai essayé de désa­mor­cer.

J’avais adopté ce trait par défaut, parce que je le sentais juste et aussi parce que ces maîtres-là, les carac­té­ro­logues, avaient large­ment fait leurs preuves à mes yeux et que rien d’autre ne venait se mettre là ni dans ma percep­tion ni dans l’on­to­lo­gie formelle en géné­ral. Il y avait bien ce mysté­rieux couple intro­ver­sion et extra­ver­sion chez Jung, son premier et unique trait, puisque les autres sont cachés dans un quater­naire érudit et quand même pour le moins embrouillé. J’ai même cru qu’a­vec ces deux-là, plus les deux premiers, on avait une possible quater­nité de traits. Je n’ai pas vu grand-chose à ce trait jungien qui fait tout pour se distin­guer des autres traits bêta, mais j’ai bien vu que les commen­ta­teurs estiment d’un commun accord que ce trait jungien est la même chose que le reten­tis­se­ment, soit mon trait bêta. Ça colle bien pour moi qu’un [intel­lec­tuel] soit [intro­verti], pourquoi pas ? De plus je fais confiance à ce juge­ment, donc exit ce trait comme candi­dat au gamma ou au delta, c’est du bêta et basta.

J’ai eu énor­mé­ment de diffi­culté à signer la diade [passif/actif]. Même si cette signa­ture est un truisme pour le [yin/yang] chinois, j’ai besoin de plusieurs recou­pe­ments pour me sentir sûr de moi. Et là c’était tantôt l’une, tantôt l’autre signa­ture qui l’em­por­tait. Elle m’a échappé pendant de nombreuses années.

Pour ce trait, je n’ai pas de dyade de déter­mi­na­tion, je n’ai jamais ressenti le besoin d’en avoir une telle­ment c’est facile à discer­ner chez les gens. Il y a ceux qui ont toujours besoin de faire quelque chose et d’autres qui restent en place et attendent. Attendent quoi ? C’est d’abord avec Nietzsche que j’ai mieux compris le trait, ma dyade est la sienne, elle est bien meilleure, puisque le [yin] gamma n’est plus péjoré d’em­blée (même si Nietzsche lui en fait voir de toutes les couleurs) et que le [passif] a quand même une façon de s’agi­ter et non pas de rester indé­fi­ni­ment sur son rocher comme la moule qu’é­voque son sens. J’étais passif, je deve­nais réac­tif, et je comprends bien mieux ma manière d’être comme ça, parce que c’est exact : si on m’ap­pelle pour faire des choses, j’y vais, mais ce n’est jamais moi qui appelle ; j’ai la chance d’avoir des amis actifs qui me font bouger.

Ce trait est le troi­sième pour les styles et il est évidem­ment aussi le troi­sième pour l’on­to­lo­gie formelle. En tant que troi­sième il est moins étudié que les deux premiers par la tradi­tion et par les sciences, c’est factuel. C’est quand j’ai enfin pu comprendre la surface de Husserl que j’ai vu bien plus clair sur ce trait. Dans les termes de mon trésor, il se dit [vouloir/agir][créer]. Oui [vouloir] est la même chose qu’être [réac­tif] et même [passif] pour le trait gamma. Cela ouvre des portes de percep­tion que je n’ai pas encore explo­rées à fond, qui n’ont pas encore assez dormi en moi, mais qui ne comportent pas de trouble, juste de nouveaux points d’en­trées de grand inté­rêt.

***

Delta [champ de conscience][large/étroit][enjoué/sérieux]

Le petit dernier, tout frais, tout neuf, mais pas des moindres puisqu’il s’agit d’une « cause finale ». L’im­mense chef-d’œuvre onto­lo­gique formel d’Aris­tote c’est d’avoir clôturé un millé­naire de sagesse antique d’un quatrième terme, la cause finale. Tous ses maîtres avant lui avaient creusé un sillon sécu­laire et il l’a terminé. La complé­tude onto­lo­gique est tout sauf anec­do­tique, elle dépasse la somme de ce qui est rappro­ché, elle ouvre la porte à « une suite » que l’on ne pouvait pas imagi­ner avant, ce n’est pas juste « oh encore un pois­son ! », c’est plus « la fin de cette pêche-là et du coup l’au­rore d’une toute nouvelle beau­coup plus vaste ». Le quater­naire est actuel­le­ment le sommet onto­lo­gique des humains. Or le Senne et Berger ont produit la boucle quater­naire des types psycho­lo­giques de l’inné.

L’on­to­lo­gie formelle des philo­sophes n’est pas parve­nue aux quatre traits, elle n’a pas envi­sagé les traits, ils sont quasi­ment indis­tincts pour elle : ils ont très peu existé à l’an­tiquité et main­te­nant ils sont perdus. Aris­tote est le maître sans égal des caté­go­ries quater­naire, mais pas des traits, il a quand même systé­ma­tisé un premier et deuxième trait, mais c’était très approxi­ma­tif et je n’ai pas vu de critique ulté­rieure de ces traits par des commen­ta­teurs, du réem­ploi en typo­lo­gie innée à l’iden­tique (Keir­sey) ou de la correc­tion furtive (Heymans). Nombreux sont les penseurs à ce jour qui ont situé des caté­go­ries quater­naires avec deux traits d’on­to­lo­gies régio­nales. Par contre au niveau géné­ral, on peut penser qu’A­bel­lio est parvenu au trait gamma, mais ses alpha et bêta ne sont pas limpides, en tout cas pour moi. Je n’ai pas tout lu tout vu. Bien sûr, mais c’est la mise en évidence de la préémi­nence du trait dans les caté­go­ries qui fait réel­le­ment partie de mon avan­cée dans l’on­to­lo­gie en me rappe­lant bien que je dois jusqu’au bout cette notion aux types innés. C’est le côté rela­ti­ve­ment anodin de ce geste qui me choque, comment personne ne l’a-t-il théo­risé en philo­so­phie depuis deux millé­naires ou trois millé­naires, même les Chinois ? J’ai ma petite idée : tout commence à la repré­sen­ta­tion. Si vous repré­sen­tez quelque chose, vous créez un système dont les proprié­tés émer­gentes peuvent coller au réel, la condi­tion étant que la repré­sen­ta­tion soit correcte. Or tout le monde s’est four­voyé là-dessus, toutes les repré­sen­ta­tions onto­lo­giques (colonnes, carré, croix, etc.) ont des proprié­tés émer­gentes limi­tées, insuf­fi­santes et bancales. Il aurait fallu non seule­ment qu’on tienne bien mieux compte de l’an­tiquité chinoise, mais aussi d’une percée onto­lo­gique datée du moyen-âge chinois. J’y revien­drai, c’est tout un chapitre de l’on­to­lo­gie géné­rale.

Je suis donc parvenu aux quatre traits parce que les carac­té­ro­logues ont fait un travail fonda­men­tal et parce que j’ai utilisé une repré­sen­ta­tion frac­tale qui m’a fait l’ines­ti­mable cadeau de la rota­tion avec laquelle j’ai pu expliquer les traits. C’est clair que j’ai énor­mé­ment réflé­chi, mais j’ai eu cette chance, je le répète, aussi parce qu’il y a eu tous ces géants avant moi et parce que j’ai la plus grande biblio­thèque que le monde n’a jamais envi­sa­gée avant, acces­sible depuis ma chaise.

Quand j’ai eu cette quater­nité du trait, je suis retourné voir les carac­té­ro­logues et j’ai vu leur gran­deur. Berger et d’autres ont proposé un candi­dat selon deux approches qui forment mes deux dyades sans modi­fi­ca­tion cette fois-là, que j’avais balayées alors assez bête­ment je dois dire comme étant « encore un trait alpha », mais là j’ai rabaissé mon caquet. On touche au chef-d’œuvre, la carac­té­ro­lo­gie s’est bouclée… puis elle est morte.

Je n’ai pas encore assez creusé ces deux pistes du trait delta chez les carac­té­ro­logues, qui viennent se mettre ici comme si elles étaient parfai­te­ment chez elles. Je n’ai donc pas encore atteint le niveau d’as­su­rance que j’ai pour les autres traits, et que j’exige. Mais je sais une chose : cette signa­ture du trait delta me remplit de bonheur, elle illu­mine mon espace, et, quand je m’en sers autour de moi, elle parle telle­ment.

Je suis un [sérieux] non contra­rié, donc acharné. Je suis certes apte à l’enjoue­ment, le mien comme celui des autres, mais je le rejette souvent en vrac comme une perte de temps. C’est un problème de rela­tion au monde d’ordre psy que j’ai là, on dirait, du moins tant que je ne m’en rendais pas compte. Du coup je travaille là-dessus : je peux être ainsi, pourquoi pas, mais pas juger les gens sur ce trait, et c’est un peu ce que je faisais. Je retourne à la petite école, c’est génial, je réen­vi­sage tout le monde autour de moi, c’est parfait.

Je pense par ailleurs que l’agapé a tout à voir avec le [yin] delta. Selon ma percep­tion, ce moment pour­rait bien surve­nir quand on a fini une chose et que l’on constate ce qui est fait. C’est le bonheur que l’on ressent d’une jour­née bien remplie quand on regarde le chan­tier nettoyé après une jour­née de travail : on se congra­tule et on se féli­cite. Géné­ra­le­ment, j’ai l’im­pres­sion que plus on monte dans le yin, plus les choses deviennent austères et là c’est tout le contraire, une chose très belle, qui a remué les anciens, fait irrup­tion en son site. J’ap­pré­cie beau­coup.

Les carac­té­ro­logues n’ont pas pu s’em­pê­cher de mora­li­ser ce trait avec [large/étroit]. Pour eux on est Large ou non-Large. Allons-y pour le genre de cita­tions qui tuent l’am­bi­tion carac­té­ro­lo­gique : « En résumé, un champ de conscience large corres­pond à un esprit souple, nuancé, cultivé, ouvert à toutes les percep­tions ; un champ de conscience étroit, à un esprit étriqué, rigide, à œillères, fermé à tout ce qui sort du cadre étroit de ses inté­rêts immé­diats ». C’est la première chose qui appa­raît sur le Net… Quel dommage. Comme avec leur trait alpha, c’est le [yang], l’[étroit] qui est mal vu, c’est encore la vengeance de l’ir­ra­tion­nel ; on n’a pas besoin de cela. J’aime bien mieux le couple [enjoué/sérieux], j’aime bien mieux quand les deux sont utiles, pas vous ? La carac­té­ro­lo­gie nous offre encore une dyade pour accom­pa­gner ce trait [souplesse/raideur], avec ce même a priori.

Le mora­lisme en onto­lo­gie est pure perte de temps, aber­ra­tion, parce que c’est seule­ment à partir d’une onto­lo­gie cohé­rente que l’on peut seule­ment commen­cer à penser une morale fonc­tion­nelle, de la même façon que le formel conduit à l’ef­fi­cient chez Aris­tote.

Je vis avec ce quatrième trait depuis pas plus de trois mois, c’est vrai­ment très peu. Je n’ai même pas l’as­su­rance qu’il est bien le quatrième trait. J’en ai d’au­tant plus pour des années avec cette décou­verte qu’en dehors des carac­té­ro­logues je ne connais aucun auteur, de toute disci­pline ou de toute non-disci­pline confon­dues, qui l’ait perçue en dyade, même isolée en dehors d’une struc­ture de traits. J’ai pu passer à côté, mais ce ne sera plus le cas puisque c’est devenu un sens chez moi.

Ce sens est encore incer­tain dans la mesure où c’est delta[créer/comprendre] qui boucle la boucle de mon trésor, quand ils donnent le retour au [sentir] du trait alpha : [créer/comprendre][sentir].

Ceci dit que [créer], c’est [enjoué] et [comprendre] c’est [sérieux]. Et le mystère du retour, c’est que l’enjoué plus le sérieux nous ramène à l’ir­ra­tion­nel du commen­ce­ment. Faire vivre dans la pensée les analo­gies, les enchaî­ner et voir ce qui nait par-là, c’est ça faire de l’ana­lo­gie formelle.

***

Je suis loin d’avoir fini. Il y a l’at­ti­rance sexuelle ou pas, il y a encore le rapport au QI, à la race. Il y a les consé­quences du choix radi­cal de l’in­néité qui implique le rejet théo­rique de tout acquis dans le style CC, ce qui conduit à reje­ter pour cette recherche d’autres choses en même temps que la morale : de base ce sont les tests et les portraits, qui sont bien sympa­thiques, mais qui se montrent tota­le­ment contre-produc­tifs quand il s’agit d’en­cou­ra­ger l’étude de cette science.

Psycho­lo­gie de l’inné – 4

Je voudrais reve­nir sur le commen­ce­ment de ce sujet où je parle avec assu­rance de quatre domaines de la psycho­lo­gie de l’inné, que je classe onto­lo­gique­ment ainsi [sexe/style/race/QI] en rete­nant mon geste quand même, parce que je ne suis pas tota­le­ment assuré de cet ensemble onto­lo­gique.

D’abord je reviens sur la race pour redire que je ne frime pas là-dessus. Ça m’a l’air cohé­rent de la mettre ici, mais je n’ai pas de maté­riel onto­lo­gique autour d’une telle déter­mi­na­tion. C’est au moins aussi embrouillé d’af­fects millé­naires que le sexe et c’est sans doute encore moins étudié, du moins sans une chappe d’a priori terri­fiants liés à des critères locaux, donc à l’ab­sence de recul. Ajou­tons à cela cette manie de l’époque qui consiste à penser que ce qui n’est pas ration­nel n’existe pas et nous avons un état des lieux sur un sujet pour­tant onto­lo­gique, donc pure­ment descrip­tif et forcé­ment neutre. L’on­to­lo­gie n’est pas la morale, la morale est pres­crip­tive, elle ne peut qu’être fondée sur du descrip­tif. La race existe, les diffé­rences entre hommes de diverses ethnies existent, nier ces faits c’est faire l’au­truche et c’est empê­cher les autres de penser le réel : c’est rétro­grade et dange­reux. Ce ne sont que des jeux de pouvoir aveugles, le pouvoir sans onto­lo­gie est impuis­sant et destruc­teur, juste­ment.

Soit les races se mélangent, soit elles se dressent l’une contre l’autre. Les diades utiles à ce débat sont [altruisme/égoïsme] et [indi­vi­duel/collec­tif]. La consan­gui­nité est un puis­sant vecteur acquis de mélange, du moins jusqu’à un certain point. Ce point, le métis­sage, est lié sans doute en premier lieu à une certaine masse de popu­la­tion conte­nue au sein de fron­tières natu­relles, tels les fleuves, les montagnes, etc. Les modu­la­tions clima­tiques, les avan­cées tech­no­lo­giques, la surpo­pu­la­tion, l’au­dace, etc., font bouger les gens et tendent à anéan­tir les fron­tières natu­relles. Les groupes qui se rencontrent alors ont évolué sépa­ré­ment et les diffé­rences sont flagrantes. De manière descrip­tive [sentir], ce sont des êtres vivants, des humains comme nous. Ils savent des choses que l’on ignore et réci­proque­ment nous aussi savons des choses qu’ils ignorent. De manière pres­crip­tive [calcu­ler] il se peut qu’il y ait danger d’agres­sion, il se peut aussi qu’ils disposent de ce que nous cher­chons et qu’on puisse les spolier, et que nous soyons les agres­seurs. On se renifle, on montre les dents, on se fait des cadeaux, on se déchire. Deux camps, c’est un clas­sique : 4 situa­tions. Une fois on s’aime, trois fois on se déteste, puisqu’il suffit qu’un des groupes soit agres­sif pour que l’autre le devienne. Le Christ a dit « tend l’autre joue » ou encore « aime ton ennemi », c’était pour renver­ser la situa­tion : trois fois on s’aime, une fois on se déteste. Mais bon, on n’a pas trop utilisé ce truc en dehors des sermons ; on en est plutôt à la norme « si je ne le fais pas (agres­ser), c’est eux qui le feront », au moins c’est clair : quatre fois on se déteste. Le Christ a aussi dit que ceux qui croyaient en lui seraient sauvés, et pas les autres. Si l’on aime son ennemi en bon chré­tien, c’est pour le conver­tir, c’est une ruse pour l’ame­ner dans la « Vraie Foi ». La race est un inné qui s’en­tre­lace d’ac­quis. Évidem­ment. La reli­gion peut dépas­ser la race en dépas­sant sa voca­tion litté­rale pour deve­nir pres­crip­tive, mais elle s’y ancre néces­sai­re­ment.

Ainsi, du point de vue de la stricte survi­vance du groupe, l’étran­ger est soit l’en­nemi, soit l’es­clave et on juge de sa nais­sance comme d’un outrage person­nel : ils ont la veule­rie d’être des esclaves donc ils ne valent rien ou bien ils ont la veule­rie de nous réduire en escla­vage, donc ils ne valent rien. S’ils ne valent rien, c’est qu’ils sont infé­rieurs à nous qui sommes ainsi auto­ri­sés à les toiser de notre évidente supé­rio­rité. Cher­cher à les domi­ner n’est même pas un devoir, c’est « dans l’ordre des choses, c’est la vérité, la preuve en est que c’est écrit dans Le Grand Livre sacré : « Les autres c’est des infé­rieurs, il nous faut les remettre à leur place, c’est notre destin ! » ». Amen. Notre époque se roule dans cette fange avec délices : l’ex­cep­tion­na­lisme améri­cain domine le monde pour un instant, les Blancs, les Arabes, les Asia­tiques, les Noirs, etc., se dressent tout seuls les uns contre les autres et, quand ils oublient de le faire, il y a toujours un mani­pu­la­teur pervers de haute géos­tra­té­gie, un comman­di­taire de « haute » poli­tique, qui vient remettre des tombe­reaux d’huile systé­mique sur le feu. C’est telle­ment banal.

Là je ne fais que décrire ce monde, je ne vais pas faire de la morale, je ne fais que de l’on­to­lo­gie, et dans l’on­to­lo­gie il n’y a pas de juge­ment de valeur : tout ce qui existe est réel, perti­nent, utile comme étant une partie d’un tout qui n’est pas direc­te­ment lisible, qui est caché, obscur. Pas de nuisibles par défi­ni­tion, pas d’inu­tiles, pas de déchets de l’hu­ma­nité, etc., dans l’on­to­lo­gie, les caté­go­ries ration­nelles (de la race ou de quoi que ce soit) ne sont pas forcé­ment perti­nentes. C’est assez clair ? L’on­to­lo­gie permet d’étu­dier serei­ne­ment la race, si nous en avons telle­ment peur c’est que nous sommes psycho­lo­gique­ment malades. Et si je mets « nous », c’est que je m’in­clue dans la patho­lo­gie, seule­ment moi, je me soigne, j’es­saye. Je connais en moi ce qu’un puri­ta­nisme taré empêche de distin­guer à la verti­gi­neuse majo­rité de mes contem­po­rains : le racisme. Quelle horreur ! Je suis raciste ! Me voici cramé à vie ! Je suis détes­table, qu’on me conspue et qu’on me crache au visage dès qu’on m’aperçoit ! C’est du grand-guignol : ça serait comique si ça n’était pas aussi mons­trueux.

Je vais vous dire une chose de ma vie. J’aime rencon­trer des gens, je vais au contact, je suis aimable et atten­tif. Tout le contraire d’un misan­thrope, j’ai des tas d’amis, au sens second du terme, c’est-à-dire « des gens que j’aime et qui m’aiment ». Ce sont des gens tous très diffé­rents avec qui je partage une inti­mité stable, que je ne vois pas sur une base régu­lière comme des amis du sens premier qui sont néces­sai­re­ment beau­coup moins nombreux, eux qui sont ceux que « je connais et que j’aime quand même ». Pourquoi je vous raconte ça ? Ces gens, quand on se croise, on se sourit de tout cœur et on s’em­brasse joyeu­se­ment ; on se demande des nouvelles, on se balade, on se rencarde, on fait un restau, etc. Parmi eux il y a 20 % de magh­ré­bins, 10 % de blacks, 3 % d’asia­tiques, encore d’autres sans doute, et le reste des blancs avec un peu d’Al­le­mands et d’An­glais ou que sais-je encore et puis des nés en France, c’est-à-dire des Flamands, des Bretons, des Polo­nais, des Berbères, etc. Bon tout ça c’est super mignon, super love, mais il y a une ques­tion quand même choquante : qu’est-ce qui justi­fie ces pour­cen­tages ? Pourquoi une mino­rité de Rebeux, pourquoi si peu de blacks et d’asia­tiques ? N’au­rais-je pas un scan­da­leux problème de racisme avec ceux-là ? Mais oui ! C’est ça, ça-y est, c’est l’hor­rible Vérité qui me tombe dessus « Raciste ! », pendez-moi vite à cette branche, sans procès, pas la peine pour un sale raciste, un facho pendant qu’on y est.

Ce qui justi­fie ces pour­cen­tages est très simple, c’est le pour­cen­tage de races que je rencontre dans ma vie, dans ma ville. Pas mal de Rebeux, quelques Séné­ga­lais de mon village et autres Maliens, pas mal de jaunes en fait, mais ils sont si timides que c’est rare de pouvoir échan­ger avec eux, je le déplore. Par contre des Pollacks… pourquoi ai-je tant d’ami­tiés avec ceux-là ? Pour­tant ils sont nés français ! C’est louche ça doit être du racisme à l’en­vers.

Dans cette petite diatribe des pour­cen­tages, ce n’est pas du racisme dont je parle, c’est de son contraire, et c’est parti­cu­liè­re­ment choquant que ce ne soit jamais asso­cié au sujet du racisme. Je ne comprends pas que quand quelqu’un de bien français de souche et même du genre bien à droite dit « j’ai des amis arabes », on se moque de son argu­ment et on essaye de lui faire honte de l’avoir tenu, de le ridi­cu­li­ser. Pour­tant c’est un fait radi­cal que la diffé­rence raciale n’a pour ainsi dire aucune inci­dence d’un point de vue indi­vi­duel. Sans poser cette partie de la ques­tion, comment oser abor­der l’autre ?

Le racisme dans les diction­naires est une idéo­lo­gie malfai­sante, mais voilà, cette défi­ni­tion masque le fait qu’il existe une réac­tion natu­relle à la diffé­rence entre les êtres que nous serions avisés d’ad­mettre. Les rapports entre les êtres peuvent être telle­ment divers, de la symbiose, au fait d’être de la nour­ri­ture, à l’in­dif­fé­rence, etc. Le racisme est juste l’un de ces rapports que l’on ne peut pas éluder sous une étiquette qui n’abrite en réalité que de l’opi­nion. Il faut chan­ger le plan de réflexion.

Ques­tion, quel est le contraire du racisme, comment signer [/racisme] ? Comment étudier le racisme si on ne connaît pas son contraire ? Voilà, nous sommes factuel­le­ment tous plus ou moins secs devant cette ques­tion parce que le problème est mal posé, il serait plus juste de dire qu’il est résolu d’avance, c’est un mal à éradiquer, enfin juste dans les discours parce que dans les faits… L’« anti­ra­cisme » est un mot bien­pen­sant, inutile et mal foutu, le « racisme à l’en­vers » est encore pire, c’est un renver­se­ment, une perver­sion, une auto­pu­ni­tion qui favo­rise tout ce qui n’est pas nous-mêmes, sous des odeurs de vertu faus­saire.

Deux anto­nymes sont propo­sés dans les diction­naires, le cosmo­po­li­tisme qui est une réponse idéo­lo­gique à une ques­tion idéo­lo­gique. Pas trop mal dans ce cadre un peu bancal (les anto­nymes du cosmo­po­li­tisme ne comprennent pas le racisme, allez comprendre), mais pas dans l’on­to­lo­gique. Le second est la frater­nité, ce qui est loin d’être onto­lo­gique­ment parfait, mais en atten­dant je n’ai jamais trouvé mieux. La frater­nité nous ramène plei­ne­ment à notre sujet puisqu’il s’agit en premier lieu d’un lien de parenté au sein d’une lignée. Mais ceci pose un très gros problème à notre signa­ture : l’éty­mo­lo­gie de « race » comme celle de « frater­nité » remonte à la lignée. Au sens premier, être frater­nel c’est être raciste et réci­proque­ment… On aime ceux de sa lignée et on déteste ceux des autres lignées.

Par défi­ni­tion la frater­nité est aussi un lien étroit d’ami­tié, ce qui fait que dans ce second cas, on peut être frater­nel sans être raciste. C’est d’ailleurs cette accep­tion qui est sous-enten­due partout, en contra­dic­tion avec la première, selon laquelle soit on est frater­nel, soit on est raciste, mais pas les deux.

Mais alors, que veut dire être raciste, onto­lo­gique­ment ? Je n’ai pas les compé­tences linguis­tiques et séman­tiques pour répondre à cette ques­tion, je peux juste réflé­chir. Si le peuple voisin à l’ha­bi­tude de faire des razzias chez moi depuis des éter­ni­tés, je remarque tout de suite la forme de l’œil, la couleur des cheveux, du gars que je croise dans mon pâtu­rage et du coup, je prends mon bâton avant de m’en appro­cher pour lui deman­der ce qu’il veut, sur un ton osten­si­ble­ment méfiant. Je suis une gazelle, quand je vois une criniè­re… Le racisme a une fonc­tion, c’est un outil de survie de type [sentir/calcu­ler], en faire un inter­dit ou une péjo­ra­tion est désas­treux.

Nous avons donc un fort bancal [cosmo­po­li­tisme/racisme] et un autre qui l’est un peu moins [frater­nité/racisme] qui semblent rimer plus ou moins natu­rel­le­ment avec [indi­vi­duel/collec­tif] et [altruiste/égoïste]. Il me semble que nous sommes en plein trait alpha sur toute la problé­ma­tique et que le problème est posé par notre époque comme s’il n’avait rien à voir avec l’être, mais tout de l’idée selon le trait bêta. Je suis peut-être passé à côté d’un autre mot, d’une autre dualité pour parler de la race, mais c’est ce qui m’est donné. Là encore il semble que les diction­naires soient à prendre avec des pincettes et que l’éty­mo­lo­gie reste notre ultime valeur de réfé­rence. Il y a un travail à produire que je ne fais que pres­sen­tir à travers le lien onto­lo­gique. C’est d’au­tant plus impor­tant de le faire que ce mot est piégé sous un groupe-réflexe pavlo­vien incons­cient, ultra­sen­sible et hyper­dan­ge­reux.

Tout ce que je sais là-dessus, je le sais de ma propre obser­va­tion : j’ai des amis de toutes les couleurs et je me méfie parfois de certains groupes d’êtres. C’est diffi­cile d’étu­dier cette défiance, elle semble plutôt acquise par l’ex­pé­rience s’ac­co­lant à des critères innés. Une chose me paraît sûre : les traits distinc­tifs d’un groupe d’êtres sont innés, ils déter­minent la race. Le fait d’as­so­cier des méfaits à une race donnée et donc de la juger malfai­sante ou infé­rieure ou tout ce qu’on voudra se nomme le racisme. Il y a un net glis­se­ment de sens entre race et racisme, mais les deux dési­gnent des concepts du réel, des éléments défi­ni­tion­nels de l’en­vi­ron­ne­ment. Ni l’un ni l’autre ne sont mauvais en eux-mêmes, ce sont des outils du vivant. Je ne vois vrai­ment pas pourquoi il faudrait en faire un élément de stig­ma­ti­sa­tion des bons contre les méchants. Aux lacunes des diction­naires s’ajoute de l’ins­tru­men­ta­tion rhéto­rique. Corri­gez les unes et les autres s’ef­fon­dre­ront pour ce qu’elles sont, des escroque­ries.

Vous remarquez que ce n’est pas mon sujet, le racisme et que pour­tant j’en parle. Je suis obligé comme souvent d’al­ler recher­cher le sens juste des mots pour empê­cher les clau­di­ca­tions rituelles désas­treuses de mon époque. Tout ça, c’est de la précau­tion oratoire, du bris de caco­pho­nie. Mon sujet, ma ques­tion plutôt, c’est : existe-t-il des diffé­rences innées entre les races d’hommes (ou d’autres espèces d’ailleurs) que l’on pour­rait saisir à travers quelques caté­go­ries onto­lo­giques formant un tout ? Je ne sais pas en fait. Je peux y réflé­chir tranquille­ment, après tout je croise des humains de tous styles et origines. Mais c’est diffi­cile, car on ne parle plus d’in­di­vi­dus, on parle de groupes, ce qui veut dire aussi une culture. Distin­guer la culture de l’inné chez un peuple diffé­rent, c’est impos­sible sans aller ailleurs.

Je ne vais plus dire ce que je ne sais pas, je vais dire ce que je sais. Envi­sa­ger les gens, pour moi, c’est cher­cher le type psycho­lo­gique inné, c’est un jeu de mots avec dévi­sa­ger. Le fait est qu’il m’est bien plus aisé de déter­mi­ner le style pour un Français blanc que pour toute autre personne d’ori­gine diffé­rente. Je pour­rais presque étendre cette caté­go­rie aux Occi­den­taux blancs, mais il y a des limites à la chose. Pourquoi cette aisance ? Parce que je connais quelque chose d’eux que je ne connais pas aussi bien pour les autres peuples du monde. Quelle est cette chose ? La réponse à cette ques­tion vient propo­ser une certaine hypo­thèse de travail : chaque peuple a sa typo­lo­gie psycho­lo­gique onto­lo­gique. Là, remarquez que je ne mets pas « innée », car c’est ça le problème avec cette hypo­thèse, elle pour­rait bien se réfé­rer à de l’ac­quis, c’est bien ce qu’il semble parfois, mais pas toujours.

Soyons clairs, le style psy des peuples est une hypo­thèse que j’em­ploie dans ce cadre pour caté­go­ri­ser les races, mais c’est d’abord une réalité pour moi, qu’elle ait ou non une compo­sante innée ou encore raciale. Cette ques­tion, toute l’on­to­lo­gie me dit que « oui, bien sûr que ça colle : il y a un carac­tère inné chez les peuples », mais rappe­lez-vous, je suis un tâche­ron : sans penseurs je ne puis rien affir­mer. Pas de penseur pour l’heure, donc je me borne à affir­mer ce carac­tère sans affir­mer son innéité, tout en étant persuadé qu’il est à la fois inné et acquis. Non, ce n’est pas compliqué ; oui, c’est rigou­reux. Partant de ce prin­cipe je n’ai pas de diffi­culté à expliquer pourquoi c’est plus déli­cat d’en­vi­sa­ger une personne d’un autre peuple : sa typo­lo­gie est brouillée, car elle est enco­dée avec celle de son pays que je ne connais pas aussi bien que celle du mien. J’ai appris à partir de mon peuple, évidem­ment ! Si je vivais dix années en Chine à laquelle j’at­tri­bue le style [poète] ou [irra­tion­nel/intel­lec­tuel], je fini­rais par distin­guer aussi vite qu’en France un [roi] d’un [poète], mais en atten­dant je dois bien mieux connaître la personne et l’ob­ser­ver très fine­ment, parce que je dois réflé­chir, là préci­sé­ment, au style de son peuple, de sa race pour pouvoir seule­ment comprendre le style de qui est face à moi.

Voilà, cette piste pour décan­ter l’in­néité de la race, avec ou sans racisme, est juste passion­nante, j’y revien­drai, mais rappe­lez-vous à son abord, de faire gaffe à ne pas entrer les pieds crot­tés dans un espace onto­lo­gique sacré en gueu­lant que c’est crade.

Encore une chose sur le sexe. La quête de l’idéal fémi­nin est bien seule sans son double, l’idéal mascu­lin. Tout se passe comme si le second étant réalisé, il n’est plus besoin d’en parler. C’est le contraire, si on en trouve un, forcé­ment on trouve l’autre. Point final. Des ouver­tures fameuses existent là-dessus, bien plus que sur la race. Mais il faut encore affron­ter les mots dévoyés sur la route. Ici, je passe par celui de para­doxe, cette futi­lité du Scien­ti­fique à qui il arrache un sourire de conten­te­ment, comme s’il s’agis­sait d’une gour­man­dise, alors qu’il devrait le rendre modeste puisqu’il indique la certi­tude qu’on n’a rien compris à un certain moment. De base, le para­doxe indique très souvent la poly­sé­mie d’un terme que l’on emploie dans une phrase ayant toute l’ap­pa­rence de la ratio­na­lité déduc­tive et menant à une contra­dic­tion flagrante, alors que le même mot n’a tout bête­ment pas le même sens dans les deux propo­si­tions. C’est au pire du niveau BAC (de mon époque) et ça désa­morce les trois quarts des para­doxes. Les para­doxes scien­ti­fiques indiquent au cher­cheur qu’il peut amélio­rer sa théo­rie, et cette histoire de poly­sé­mie devrait être son premier réflexe, peut-être a-t-il confondu deux contextes parce qu’ils sont dési­gnés par un seul mot non encore discerné.

Sur le sexe on a affaire souvent au premier genre de para­doxe : on va trou­ver de bonnes idées de l’idéal fémi­nin chez Nietzsche par exemple, alors qu’il a des phrases d’un machiste viru­lent dans tel ou tel passage. Il n’y a aucun blocage pour réflé­chir là-dedans, et pour­tant on va entendre hurler que Nietzsche déteste les femmes et qu’il faut le brûler. Une réflexion super­fi­cielle de quelques-uns va empê­cher tout le monde de penser un sujet aussi impor­tant que celui-là. La place de Marie et d’Ève dans l’Église Catho­lique est de cet ordre aussi peu para­doxal et tout aussi abru­tis­sant.

La solu­tion à cet atroce, cet inso­luble dilemme, comme d’ha­bi­tude, est dans l’on­to­lo­gie formelle. Nietzche a rencon­tré un certain nombre de femmes qu’il a méju­gées en vrac. Même si ses mots semblent peut-être dire le contraire, ce n’est pas les femmes qu’il juge, c’est les femmes de son époque, donc de sa culture, donc de l’ac­quis.

« On devrait mieux respec­ter la pudeur avec laquelle la nature s’est cachée derrière les énigmes et de multi­co­lores incer­ti­tudes. Peut-être la vérité est-elle une femme, qui est fondée à ne pas lais­ser voir son fonde­ment ?… ». C’est bourré de jeu de mots, mais c’est bourré de sagesse antique, car il fait réfé­rence à Isis, ce qui pour moi revient inéluc­ta­ble­ment à la dyade alpha [ordre/désordre], le fémi­nin est de cet ordre premier et obscur, secret et jaillis­sant. Atten­tions, soyez bien sûr de me suivre, c’est de l’on­to­lo­gie, ce n’est pas du décor­ti­cage, l’im­por­tant c’est d’« avoir une idée ».

Ce passage à la toute fin du Nietzsche contre Wagner de chez Flam­ma­rion ouvre à des commen­taires parfai­te­ment géniaux pour moi d’Éric Blon­del dans sa note 111. Cela va bien plus loin que le simple éter­nel fémi­nin, c’est la sagesse du monde qui se trans­forme à une époque en philo­so­phie, mais les deux débats sont intriqués, la sagesse est analo­gique­ment la fémi­nité et réci­proque­ment.

« Déva­lo­ri­ser le sensible, les appa­rences, donc aussi l’art, au profit d’une raison qui se croit habi­li­tée à aller voir l’en-soi, la vérité cachée des choses, l’Être. Invoquant donc les Grecs préso­cra­tiques, ceux d’avant la déca­dence de l’hel­lé­nisme, c’est-à-dire les « Sages », les philo­sophes de la nature, Héra­clite Anaxi­mandre, mais surtout les Grecs de l’époque tragique (celle d’Eschyle et de Sophocle — Euri­pide est un socra­tique, ration­nel, déca­dent !), Nietzsche prétend « renver­ser le plato­nisme en déva­lo­ri­sant le logos, la conscience, le savoir, l’en-soi, le Vrai, tout ce qui se tient, […] »

« Si la Vie est femme, il est méta­phy­sique de croire à une Vérité sous les voiles et les amours (« l’éter­nel fémi­nin ») alors que la Vie n’est en fait rien d’autre que le deve­nir inces­sant des appa­rences : la vie-femme n’est pas appa­rence trom­peuse, mais deve­nir inépui­sable et sans fond de ses appa­ri­tions. »

Je vois avec un plai­sir immense Nietzsche qui fait du problème [femme/homme] le même problème que [sagesse/raison], qui nous tient prison­nier depuis 2500 ans. Et il a parfai­te­ment raison, il est au sommet de la montagne. Selon mes termes il parle de l’al­pha, qu’il croque avec son génie d’une analo­gie entre deux sujets telle­ment distants et pour­tant telle­ment le même sujet, forcé­ment.

La femme est dérai­son­nable, irra­tion­nelle, voilà l’éter­nel fémi­nin ! Évidem­ment je le dis dit d’une façon qui provoque l’époque, ce qui ne peut que choquer tous les pensants sans rien d’autre que la norme nihi­liste, cet infâme brouet. Le problème ce n’est pas que le fémi­nin soit irra­tion­nel, le problème c’est que la moitié de la popu­la­tion fait croire à toute la popu­la­tion que « c’est mal d’être irra­tion­nel que l’ave­nir de l’hu­ma­nité passe par l’éra­di­ca­tion de l’ir­ra­tio­na­lité, qui est bien commen­cée, on bosse là-dessus, remer­ciez-nous, etc. », tout le bla-bla des stéri­li­sa­teurs fiers de l’être de ce monde. Ce monde appar­tient à tous, pas qu’à eux. Il est bien plus beau qu’ils ne voudraient nous le faire croire, si c’est nous qu’il faut d’abord chan­ger pour chan­ger le monde, c’est eux tout de suite après, soyons fous : en même temps ! Théra­pie !

La reli­gion donc a aussi sa petite méchan­ceté. Elle a Marie qui est au pinacle pour une forte part de la chré­tienté, mais qui n’a pas les honneurs de la trinité, plato­ni­cienne, comme ça ce n’est pas de notre fait, c’est la loi de la nature que la femme reste à la porte, n’est-ce pas ? Ceci dit, encore un peu d’éner­ve­ment, si on lit les textes chré­tiens, Marie est bien proche de l’Isis, voire même adulée bien au-delà et dont tous les attri­buts sont ceux du mystère, du caché, etc. Elle a le poste, mais pas la paye, on va dire, c’est toujours le cas pour la femme d’ailleurs. Par contre avec Ève on peut se lâcher. L’on­to­lo­gie est renver­sée puisque l’homme est premier, c’est de sa côte que nait une Ève presque subal­terne (c’est tech­nique, on en aura besoin après, pour avoir des fils), mais elle se rend utile comme coupable : avant elle c’était mieux, elle a tout gâché.

Ce texte, je l’ai craché une première fois et je n’ai pas osé le publier en l’état, trop d’af­fects, de pathos : je l’ai réécrit. Comme toujours, j’ai avancé en écri­vant, c’est-à-dire que j’ai changé des affir­ma­tions la seconde fois parce que j’ai réflé­chi mieux à ce que j’avais affirmé et j’ai eu la nette impres­sion qu’une troi­sième écri­ture ne serait pas du luxe. Sur la race je n’ai pas fini, sur le sexe, je n’ai pas fini, etc. La psycho­lo­gie de l’inné prend une place folle dans notre monde de tous les jours, mais pas dans la reli­gion du temps, la Science. On a oublié qu’on vivait nos pensées, persua­dés que la pensée est le commen­ce­ment et la fin, ce bug plato­ni­cien qu’hier soir encore je véri­fiais chez deux amis, l’un saltim­banque, l’autre profes­seur de mathé­ma­tiques : « mais non, la pensée est première ! », quoique j’ai pu dire.

Ontoar­chéo­lo­gie – 2

Je voudrais préci­ser ce que j’en­tends par erreur. Cela me semble clair dans ce contexte, mais une préci­sion n’est pas du luxe. En usant de ce terme, je sous-entends unique­ment une erreur de signa­ture selon les quatre critères de vali­da­tion de ma base de données et pas une erreur de juge­ment de l’au­teur, ce n’est géné­ra­le­ment pas dans mes cordes. Je ne présume pas des pensées qui ont présidé à la signa­ture ni ne les étudie dans leurs rami­fi­ca­tions. C’est là que je ne suis pas philo­logue, je ne retrace le chemin des pensées que pour abou­tir à la signa­ture en essayant de discer­ner ce qui l’amène.

Cette notion d’er­reur ou plutôt d’ab­sence d’er­reur n’est pas fonda­men­tale dans la conduite de la pensée expri­mée formel­le­ment ni dans son utilité intrin­sèque. Cela peut sembler para­doxal, mais c’est ainsi, l’on­to­lo­gie formelle n’a pas de voca­tion hégé­mo­nique, elle est la cerise sur le gâteau. Quand la signa­ture est là, on reçoit une sensa­tion de complé­tude, c’est une récom­pense. Quand elle n’est pas là, c’est que le travail contient encore certaines imper­fec­tions qui n’em­pêchent pas de profi­ter de ce travail. En l’ab­sence de connais­sance en onto­lo­gie formelle, cela signi­fie simple­ment que d’autres itéra­tions de la recherche devraient abou­tir à une remise en cause plus proche d’une signa­ture correcte. Nous ne sommes pas dans une science tran­chée, l’er­reur n’in­dique donc pas la faillite, rappe­lons-nous que le critère du contexte de la décou­verte est la présence de « oui » et pas l’ab­sence de « non » du contexte de la justi­fi­ca­tion.

Encore une fois je suis parfois capable me montrer un critique acerbe de certaines réali­sa­tions mal signées, comme la trans­for­ma­tion de [ordre/désordre] en [bien/mal], anthro­po­mor­phisme signable, mais qui s’ac­com­pagne de flou plus d’in­co­hé­rence, mais il faut bien perce­voir que je ne critique pas spécia­le­ment la pensée qui amène à cette erreur, mais plutôt le fait qu’elle n’ait pas été perçue, le plus souvent pour des raisons parti­sanes, comme le fait la Philo­so­phie dans son propre renver­se­ment patho­lo­gique des choses. Je pense que la folie accom­pagne néces­sai­re­ment le génie et que les deux se soignent.

Ces deux courants majeurs qui nous consti­tuent en tant qu’oc­ci­den­taux sont des piliers millé­naires de l’évo­lu­tion que je persiste à respec­ter infi­ni­ment pour leurs réali­sa­tions, même quand je les agresse avec des mots durs. La critique Philo­so­phique est la recherche de la limite. Et mon expres­sion étant ce qu’elle est n’est pas dénuée d’af­fects et d’éner­ve­ments, ce n’est pas grave puisque c’est discerné et assumé : je ne suis pas un penseur déta­ché de ce monde, je vis ce que je pense et je pense ce que je vis. Ces sujets me ramènent constam­ment en pensée à Pierre Hadot que j’ad­mire. Je vous laisse avec une cita­tion de Wiki­pé­dia : « il est un de ceux qui ont insisté sur le fait que la philo­so­phie antique était d’abord une manière de vivre, un exer­cice spiri­tuel, bref une pratique et pas une théo­rie, un pur champ univer­si­taire comme elle l’est de nos jours ».

Encore une illus­tra­tion : quand je vais parler de Jung en psycho­lo­gie de l’inné, je vais montrer que j’ai décelé une erreur de signa­ture vrai­ment consé­quente, mais qui ne me procure pas le moindre affect, c’est comme ça, un grand acteur de la pensée fait aussi des erreurs tout en avançant. Par contre quand je comprends comment il a sciem­ment produit cette erreur, visi­ble­ment  pour ne pas suivre la voie de la carac­té­ro­lo­gie qu’il semble mépri­ser et qu’il préfère donc la consi­dé­rer d’em­blée non pas comme parte­naire, mais comme enne­mie, là il se peut que mon affect se réveille, parce que là, ce n’est pas de l’er­reur, c’est de la bêtise. Et les fans diront que je suis anti-Jung, que je suis parti­san : c’est tout le contraire, « qui aime bien châtie bien ». Ceux qui nient les erreurs de juge­ment des gens dont ils sont enti­chés « n’aiment pas bien ». Je peux à la fois dure­ment critiquer Jung et le placer au pinacle de certaines recherches où sa contri­bu­tion est encore inéga­lée. Et ceux qui se situent aveu­glé­ment à l’un des deux anti­podes pros (respec­ter sans critiquer) ou anti (critiquer sans respec­ter) produisent en moi de l’af­fect !

On peut évoquer un achè­ve­ment lorsqu’une signa­ture correcte vient chapeau­ter une recherche bien, menée à terme. Je rappelle que la recherche commence pour ainsi dire toujours d’une ou plusieurs disso­cia­tions élémen­taires qui semblent se cher­cher sur le temps long des mots simples dans l’exis­tant, quitte à les fonder s’ils n’existent vrai­ment pas ou qu’ils sont déjà utili­sés à autre chose. Si vous cher­chez Ferdi­nand de Saus­sure, vous allez tomber sur [synchro­nique/diachro­nique], c’est inévi­table. Ce ne sont pas deux mots nus tombés du ciel, ce sont les supports de sa quête, ses fonda­tions décan­tées selon une certaine caté­go­ri­sa­tion onto­lo­gi­co­lin­guis­tique. Ce couple est validé complè­te­ment selon les critères de l’ou­til et de plus il retrouve natu­rel­le­ment des affi­ni­tés onto­lo­giques en divers domaines. Ce couple est stable et achevé, cette recherche l’est proba­ble­ment aussi, ça je ne le sais pas je le suppute, je ne vais pas apprendre un métier (la linguis­tique) pour le véri­fier, ça ne m’in­té­resse pas, je me fie aux signes et j’avance dans mon domaine, enri­chi par le don de ce sens.

Bon, ça valait le coup, je devais un jour ou l’autre posi­tion­ner cette préci­sion. Je ne regrette pas mon choix de l’ex­pres­sion discur­sive qui est déci­dé­ment pratique pour moi et sans doute assez contrai­gnant pour le lecteur qui s’at­tend à ce que je parle de ce que j’ai mis en titre ! Je reviens donc à l’on­toar­chéo­lo­gie.

Le mono­théisme premier s’est fondé sur l’ap­pro­pria­tion par le bien et le mal des caté­go­ries univer­selles. Cette signa­ture est problé­ma­tique parce qu’elle modi­fie le sens global du prin­cipe pour lequel tout est néces­saire. Rappe­lons-nous que le prin­cipe n’était pas connu, il émer­geait à travers ces couples de mots qu’aujourd’­hui je classe en trait alpha : [ordre/désordre], [bien/mal] auxquels j’ajoute [altruisme/égoïsme][irra­tion­nel/ration­nel]. C’est une évolu­tion majeure, une décou­verte fonda­men­tale.

Mais, en contrai­gnant le juge­ment selon des caté­go­ries perçues comme abso­lues, c’est une signa­ture qui inter­dit l’ac­cès profane au juge­ment, qui est désor­mais l’af­faire de spécia­listes, en gros les prêtres. Tout est dès lors permis à une caste sous couvert d’une rhéto­rique savante et mouvante, même si c’est fait en gros­sière contra­dic­tion avec certaines parties du dogme, comme exter­mi­ner des gens et même des peuples pour faire le bien, alors que ce même bien est analo­gique­ment et initia­le­ment la même chose que l’al­truisme, le soin apporté à l’autre par l’amour et le respect.

Assu­ré­ment tout n’est pas aussi dange­reux dans cette logique, mais ce que je souligne, c’est que le couple [bien/mal] n’est éminem­ment plus de l’on­to­lo­gie formelle puisqu’il auto­rise et valo­rise le juge­ment de valeur erro­né­ment affirmé comme absolu, par exemple entre le croyant qui sera sauvé et l’in­croyant qui sera damné pour l’éter­nité. L’ordre univer­sel est devenu une morale variable selon la déci­sion de personnes au pouvoir, l’ou­til onto­lo­gique est clai­re­ment dévoyé. Je voudrais encore une fois préci­ser que mes critiques ne sont pas un juge­ment, ma posture est double entre réus­site et erreur, en voici l’autre versant : j’as­so­cie les manœuvres qu’u­ti­lisent les personnes dispo­sant de leviers idéo­lo­giques reli­gieux puis­sants à des ruses éduca­tives.

C’est impor­tant, car là aussi on évite le juge­ment de valeur qui s’ac­com­pagne de habi­tuel­le­ment de condam­na­tion. Les choses de l’on­to­lo­gie et de la morale étant complexes, il faut bien, si on veut les répandre au plus grand nombre, simpli­fier et diri­ger, c’est le prin­cipe de la ruse éduca­tive selon lequel il n’est pas néces­saire de se faire tota­le­ment comprendre pour faire bouger les gens. Évidem­ment la ques­tion de l’hon­nê­teté du « rusé » se pose, mais on peut penser que géné­ra­le­ment l’idée première est sincère et correcte, ce qui se véri­fie par le succès rencon­tré de ladite ruse. En l’oc­cur­rence, le succès de notre couple [bien/mal] n’est pas encore démenti, même si on peut le juger bancal comme je le fais, plusieurs millé­naires après son appa­ri­tion mazdéenne et sa réap­pro­pria­tion juive, catho­lique et musul­mane, même si ces trois reli­gions se sont ingé­niées à se nier les unes les autres pour se construire. Je le répète, l’er­reur onto­lo­gique peut s’avé­rer construc­tive ou du moins, elle peut ne pas empê­cher ce à quoi elle s’ap­plique d’être produc­tif.

En l’oc­cur­rence l’er­reur première du mazdéisme est déjà un abus hyper­ra­tio­na­liste contenu dans la fonda­tion [ordre/désordre] de ce couple si intime à notre monde que même la Philo­so­phie n’a pu l’en­di­guer à ce jour ni même le disqua­li­fier ou le rempla­cer. Onto­lo­gique­ment parlant, le désordre n’est pas une chose à reje­ter, il existe, il a un sens dans la construc­tion du sens, il est incon­tour­nable, inéra­di­cable, etc. Ce qui me fait parler de signa­ture ration­nelle, voire hyper­ra­tion­nelle quand s’y attache une patho­lo­gie, c’est bien entendu le fait qu’il s’agisse d’un couple de carac­tère oppo­si­tion et non complé­men­ta­rité. L’ex­trac­tion de la ratio­na­lité à partir de la gangue indif­fé­ren­ciée des deux est l’ori­gine d’une des muta­tions clefs de l’hu­ma­nité. La reli­gion mono­théiste réalise cette muta­tion que la Philo­so­phie trans­for­mera, comme en rugby, en l’aug­men­tant. Para­doxa­le­ment, la signa­ture mono­théiste qui sépare le bien du mal, quand elle est onto­lo­gique­ment prise en compte est un acte du même mal qu’elle désigne, puisque onto­lo­gique­ment le mal théo­lo­gien est un analogue clair de la ratio­na­lité, ratio­na­lité que le Chris­tia­nisme ne se privera pas de combattre lors de la montée du ratio­na­lisme à partir du siècle des Lumières, en l’in­cluant dans ses héré­sies. C’est là que l’on­to­lo­gie formelle, déta­chée du tempo­rel comme du patho­lo­gique, nous est précieuse : par elle nous rame­nons ce qui est intriqué à un réfé­rent absolu disso­cia­tif en soi et parfai­te­ment neutre, que nous ne pouvons discer­ner qu’à posté­riori. Voir clair et apai­ser ; les deux ont raison, les deux ont tort ; on peut avan­cer en se trom­pant.

Je ne prétends pas ici boucler l’on­to­lo­gie mono­théiste, mais simple­ment montrer la trace onto­lo­gique­ment formelle que ces reli­gions ont gravée dans notre histoire à partir du seul trait alpha, le premier dans l’ordre des choses. En réalité si [ordre/désordre] est un bon candi­dat pour l’al­pha [bien/mal] s’ap­plique aussi aux autres traits, ce qui aide assu­ré­ment à clari­fier cette inoxy­dable dyade. En bêta [corps/esprit] est signé par le mono­théisme [mal/bien], ce qui lève une grosse contra­dic­tion avec la signa­ture alpha, ou du moins ce qui indique une poly­sé­mie problé­ma­tique de cette dyade qui s’avère fina­le­ment peut-être bien être de la pseudo-onto­lo­gie. Évidem­ment les autres traits vont se montrer eux aussi descrip­tifs d’un champ séman­tique distinct et donc de signa­tures indé­pen­dantes l’une de l’autre pour cette même dyade.

Ontoar­chéo­lo­gie – 1

Je ne suis ni théo­lo­gien, ni histo­rien, ni philo­logue, ni philo­sophe, ni même diplômé de quoi que ce soit en Science, fût-elle dure ou molle. Et c’est sans impor­tance, c’est même, eu égard à l’es­prit de l’époque, le gage mini­mal d’in­dé­pen­dance pour abor­der ce sujet bien trop enfoui dans les poubelles de la Science et des Reli­gions. L’on­to­lo­gie formelle four­nit un recul extra­or­di­naire sur le sol de nos pensées, extra­or­di­naire étant le mot qui convient parfai­te­ment, puisqu’il ne devrait pas conve­nir dans le monde de sagesse qui n’est pas le nôtre, dans la mesure où l’or­di­naire actuel réfute l’on­to­lo­gie formelle. Méta­pho­rique­ment la Science est comme un arbre qui réfu­te­rait l’exis­tence de ses propres racines puisqu’il ne les voit pas.

C’est un point de vue. Il y en a un autre : pour moi l’on­to­lo­gie formelle est deve­nue ordi­naire. J’ai fabriqué des chemins de pensées diffé­rents, je les ai lente­ment mis à l’épreuve, renfor­cés, clari­fiés et c’est devenu une seconde nature de regar­der le monde de cette façon. Puisque je pense que l’on­to­lo­gie formelle est réelle, puisque l’ou­til onto­lo­gique que j’ai adopté en suivant les anciens de très près est simple et perti­nent, puisque j’ai respec­tueu­se­ment viré ma cuti hors du dictat Scien­ti­fique, pour toutes ces raisons et sans doute d’autres, je suis auto­risé à voir le monde comme personne et du coup je peux tirer des conclu­sions d’ap­pa­rence ébou­rif­fantes, mais qui sont d’une grande évidence. C’est là que mon ontoar­chéo­lo­gie, qui implique une onto­théo­lo­gie, se situe. Et ceci même si je suis d’ap­pa­rence un profane, un niais, un moins que rien aux idées bien trop simplistes pour être vraies. Imagi­nez qu’un apprenti Philo­sophe m’a un jour rétorqué, après des semaines d’ef­forts de ma part pour expo­ser l’ou­til : ça n’existe pas parce que si c’était le cas, ça aurait déjà été trouvé ! Ah oui, c’est vrai, c’est impa­rable, que je suis nul !

Bref. Je me sens encore obligé à des tas de précau­tions oratoires et j’ap­pré­cie d’au­tant mieux ma déci­sion de passer au mode récit pour filtrer/anti­ci­per ce qui va inévi­ta­ble­ment venir à l’es­prit du lecteur rigou­reux, même le mieux disposé. Mon récit archéo­lo­gique de l’on­to­lo­gie est d’une grande simpli­cité et se résume à quelques étapes déci­sives que j’ai évidem­ment dû sélec­tion­ner pour leur aspect axio­lo­gique central et déci­sif. Je ne suis pas néces­sai­re­ment exhaus­tif, d’au­tant plus que je ne parle que depuis ce que je connais pour y être né : la civi­li­sa­tion occi­den­tale.

Cette archéo­lo­gie de l’on­to­lo­gie est en soi onto­lo­gique­ment formelle, elle est construite très sérieu­se­ment sur le discer­ne­ment de l’ap­pro­pria­tion préhis­to­rique, proto­his­to­rique, histo­rique et moderne du prin­cipe que je passe mon temps à décrire sur ce site : si l’on­to­lo­gie formelle fonc­tionne, son archéo­lo­gie et sa théo­lo­gie fonc­tionnent aussi. Tout est contenu dans le terme « l’ap­pro­pria­tion », qui s’op­pose à ce que je veux faire et déli­vrer : « la compré­hen­sion », puisque l’ap­pro­pria­tion est problé­ma­tique. Il y a des courants majeurs civi­li­sa­tion­nels et chacun d’entre eux s’est appro­prié l’on­to­lo­gie formelle et l’a façonné à sa manière, de rustique à sophis­tiquée, de divi­ni­sante à nihi­liste, d’ir­ra­tion­nelle à ration­nelle. Mon approche se veut factuelle et discur­sive, son but est ratio­na­li­sant.

En matière d’on­to­lo­gie formelle, nous sommes les héri­tiers de discer­ne­ments très anciens. Le premier dont je vais parler est celui qui a produit les mono­théismes. Confor­mé­ment à l’on­to­lo­gie formelle, je prends en réfé­rence une forme (très souvent dyadique) qui résume et contient tout le reste qui appa­raît ensuite, par conta­gion avec ou sans erreur de signa­tures analo­giques. Ces dernières sont visi­ble­ment incon­tour­nables, je n’ai jamais rencon­tré d’on­to­lo­gies anciennes qui n’en contiennent pas. La posi­tion depuis laquelle je parle s’est obsti­né­ment construite sur des millé­naires et s’est renfor­cée consi­dé­ra­ble­ment ces temps derniers avec l’ex­plo­sion de la Science. Ajou­tez à cela ma persis­tance de tâche­ron et mon petit secret (l’In­ter­net) et vous aurez une idée de ce qui me permet l’ap­pa­rente outre­cui­dance de juger les erreurs d’in­croyables géants de la pensée : c’est préci­sé­ment que je suis l’hé­ri­tier colos­sa­le­ment fortuné de tous ces gens incroyables. Contrai­re­ment à ce qu’un regard super­fi­ciel pour­rait lais­ser à croire je ne juge pas les géants du passé, je les admire et les remer­cie pour ce qu’ils ont été : des gens qui essayent et qui trouvent.

Là encore, il me faut rappe­ler que ceux qui se trompent sont ceux qui essayent. On peut renver­ser l’af­fir­ma­tion, s’ils se sont trom­pés, c’est qu’ils ont essayé. Rien ne me révulse plus que ces critiques en mal de puis­sance qui se croient auto­ri­sés à démo­lir les œuvres de vrais penseurs sans même se rendre compte qu’ils le font depuis tout ce qu’a permis leur œuvre. Juchés sur les épaules de géants ils se prétendent plus grand qu’eux. Prenez en exemple certains vomis à la mode sur Freud qui voudraient réduire à un vulgaire escroc celui qui a instillé plus d’un siècle d’avan­cées en psycho­lo­gie. Il a boule­versé le puri­ta­nisme de son époque et l’a trans­for­mée. Nous sommes tous enfants de cette révo­lu­tion, mais certains s’au­to­risent à le malme­ner selon des critères qui préci­sé­ment n’au­raient pas eu lieu sans cette révo­lu­tion ! Contrai­re­ment à ces tristes person­nages, Freud n’avait pas cette supé­rio­rité appa­rem­ment écra­sante : il n’avait pas « tout lu Freud » ! Freud s’est trompé parfois ou souvent, c’est possible, on peut ou on doit en discu­ter, mais on ne peut pas méju­ger son œuvre pour cela.

Ceci pour dire que quand je vais par exemple affir­mer que « Platon s’est trompé », je le fais sans aucun état d’âme, sans aucun juge­ment de valeur de justi­cier vengeur. Platon est un géant qui a changé le monde, ce faisant il a instauré de mauvais chemins de pensée qui ont pris des tour­nures catas­tro­phiques parce qu’on n’a pas cher­ché à les contre­dire. Accep­ter benoi­te­ment l’in­failli­bi­lité d’un penseur clé est aussi stupide que de vouloir le réduire à néant pour des raisons futiles. Et si j’évoque ici des penseurs indi­vi­duels, il est évident que la logique est la même pour des reli­gions entières, ni bonnes à jeter, ni forcé­ment vraies.

Reve­nons aux mono­théismes. Ils ne sont pas trois, ils sont quatre. Le judaïsme a copié-collé ses textes bibliques à partir de l’exil de ses élites à Baby­lone. C’est d’une impor­tance capi­tale pour l’on­to­théo­lo­gie occi­den­tale et moyen-orien­tale puisque ces reli­gions découlent d’une seule équa­tion diver­se­ment inter­pré­tée. La construc­tion onto­lo­gique de la reli­gion perse révèle à travers ses divi­ni­tés l’op­po­si­tion [ordre/désordre] assi­mi­lée à [bien/mal] qui fera florès. Il est diffi­cile de montrer l’im­por­tance capi­tale de cette signa­ture qui est aujourd’­hui une source majeure d’in­com­pré­hen­sion du monde.

À peine je commence, à peine je fais un aparté. Quand je repré­sente une diade comme celle-ci, je le fais selon l’ordre analo­gique que je pense correct. Le Mazdéisme ne signait pas comme moi ses diades selon un absolu onto­lo­gique, il décou­vrait la valeur heuris­tique de l’on­to­lo­gie et avait asso­cié diverses autres signa­tures à celle que je déclare arbi­trai­re­ment comme primi­tive. Or ces diffé­rentes signa­tures s’avèrent parfois contra­dic­toires avec ce que je fais depuis mon savoir néces­sai­re­ment plus avancé. Mon problème est celui de la réfé­rence que je choi­sis en premier. Il y a un choix à opérer, qui est celui d’une conven­tion. Expli­ca­tion : le Mazdéisme effec­tue l’as­so­cia­tion qui perdu­rera du bien avec la lumière et du mal avec l’obs­cu­rité. Or ma signa­ture des deux est : [bien/mal][obscu­rité/lumière], donc bien est asso­cié à obscu­rité et mal à lumière. Évidem­ment, je peux justi­fier mes signa­tures par un procédé dont le Mazdéisme ne dispose pas, par consé­quent une aber­ra­tion est rele­vée. La ques­tion n’est pas de savoir si c’est moi qui aie tort ou raison d’af­fir­mer qu’il y a une erreur dans les asso­cia­tions du Mazdéisme : si j’ai tort, on arrête tout, car cela signi­fie que le prin­cipe même de l’on­to­lo­gie formelle est hors sujet.

La ques­tion est de réfé­ren­cer une signa­ture correcte sur les deux : soit je signe à l’évi­dence l’une et c’est l’autre qui est fausse, soit c’est le contraire. Le choix que je fais de prendre en réfé­rence [ordre/désordre] à quelque chose d’ar­bi­traire, je prends le choix de la diade la plus concep­tuelle, puisque ce sont les plus épurées.

Je peux aussi tempé­rer mon juge­ment binaire d’er­reur, mettant en cause mon juge­ment sans forcé­ment détruire l’on­to­lo­gie formelle, par la réflexion sur la tendance qui tend à prendre de la place dans divers contextes, tout parti­cu­liè­re­ment depuis que je pense réso­lu­ment selon [ordre/désordre] et non l’in­verse que ma civi­li­sa­tion utilise très impru­dem­ment quand elle prétend pour­voir de l’ordre avec ses poli­tiques du chaos et du renver­se­ment orwel­lien. Soyons extrê­me­ment conscients à ce propos que nombre de guerres meur­trières qui ont lieu main­te­nant sur la planète ont encore pour origine de tels choix onto­lo­giques primi­tifs.

L’ordre est obscur et tend vers le lumi­neux ; le désordre est lumi­neux et tend vers l’obs­cur. Oui, ça se complique, mais c’est normal, on est au cœur des choses, au commen­ce­ment d’une histoire multi­mil­lé­naire. Plus on remonte à l’ori­gine des concepts, plus on va vers une pureté et une sincé­rité du regard qui ne nous sont plus autant offerts qu’a­lors. L’ex­pres­sion antique des concepts n’est pas forcé­ment limpide, mais le fonc­tion­ne­ment du monde était le même, nous devons essayer d’ap­pré­hen­der ces expres­sions avec ce très ancien regard, qui peut sembler être pauvre d’ex­pres­sion, mais qui s’ac­com­pa­gnait d’une bien plus grande proxi­mité au réel que la nôtre, car nous avons certai­ne­ment à apprendre de cette dernière.

Ce qui inté­resse notre archéo­lo­gie, ce n’est pas spécia­le­ment qu’à ce moment-là l’hu­ma­nité commence à perce­voir intel­lec­tuel­le­ment l’ordre natu­rel des choses, c’est que certains courants domi­nants s’en sont empa­rés et ont créé des Reli­gions de la Vérité, qui sont des prises de pouvoir exclu­si­vistes qui renversent et déforment la véri­table décou­verte onto­lo­gique en l’ins­tru­men­tant. Ce que les Chinois vont nommer yin et yang est réca­pi­tulé selon une diade multi­forme dont les pôles ne sont plus des réali­tés imma­nentes, mais des affir­ma­tions dogma­tiques : si tu fais ça, c’est bien, sinon c’est mal. Le pouvoir s’in­cor­pore une struc­ture qu’il déforme à son avan­tage. Le mensonge appa­raît comme une couche au-dessus de la réalité, c’est bien du désordre qui s’op­pose à l’ordre, de la lumi­neuse ratio­na­lité qui ramène par nature au chaos.

Cette ligne de pensée qui repose sur l’unique diade [ordre/désordre] contient en germe l’en­semble des œuvres mono­théistes qui ne la remet­tront jamais en cause et qui ne pour­sui­vront jamais vrai­ment l’œuvre onto­lo­gique première, puisqu’elles ont remplacé le prin­cipe univer­sel par un prin­cipe anthro­po­mor­phique donné comme infaillible, inscrit dans des livres immuables, figeant l’on­to­lo­gie pour toujours. Utili­ser l’on­to­lo­gie ce n’est pas penser l’on­to­lo­gie, mais c’est quand même gran­dir. Les mono­théismes ont cessé de faire de l’on­to­lo­gie formelle un sujet d’étude (ils se sont quand même appro­prié celle des Grecs qui ne les contre­di­sait pas), mais ils n’en sont pas moins d’im­menses vecteurs de civi­li­sa­tion, ce serait aussi futile qu’a­veu­glant de vouloir les résu­mer à quelque erreur d’ai­guillage.

Les problèmes liés au fait d’avoir cessé la libre recherche onto­lo­gique en ses balbu­tie­ments se retrouvent dans les espèces de signa­tures que l’on est obligé d’ex­pri­mer avec des remarques, comme le fait qu’Ève (et les femmes en géné­ral) est à l’ori­gine de tous les ennuis du monde, ou bien que le corps est sale, ou encore que ce que les Chinois nomment le yang est à éradiquer dans certains cas. Pour perdu­rer un tel système est obligé de produire des contor­sions très habiles à partir d’in­ter­pré­ta­tions qui peuvent varier selon le contexte et où la posture d’au­to­rité, donc d’ar­bi­traire, est reine.

Ontoar­chéo­lo­gie

Ici je fais une digres­sion sur l’ap­pro­pria­tion du prin­cipe par les grands courants qui consti­tuent notre civi­li­sa­tion en me concen­trant sur les deux axes majeurs entre­la­cés qui la consti­tuent : les reli­gions mono­théistes et la philo­so­phie. Pour aller vite, l’une inves­tit les yin et yang en bien et mal, évidem­ment au prix de contor­sions et d’ap­pen­dices et l’autre nie le yin et glori­fie le yang comme s’il était l’ave­nir de l’hu­ma­nité, là aussi évidem­ment au prix de contor­sions et d’ap­pen­dices qui font tout le sel et la diffi­culté de la philo­so­phie qui n’en a pas besoin.

Ontoar­chéo­lo­gie 1

Ontoar­chéo­lo­gie 2

Psycho­lo­gies de l’inné – 2

Ma posi­tion est claire en matière de psycho­lo­gie : il n’y a pas d’ac­quis sans inné, la psycho­lo­gie de la personne est consti­tuée des deux parties distinctes, mais qui sont et demeurent insé­pa­ra­ble­ment entre­la­cés. Dans cet ensemble cohé­rent selon l’on­to­lo­gie formelle, l’inné est premier et l’ac­quis est second, donc pour comprendre la psycho­lo­gie il faut commen­cer par l’inné. La posture univer­sa­liste qui suit l’ordre du monde implique l’in­sé­pa­ra­bi­lité maté­rielle des deux pôles, mais cette science permet, auto­rise et prône la distinc­tion intel­lec­tuelle entre les deux, pour étude : on ne peut maté­riel­le­ment sépa­rer les pôles de la monade sans la détruire, mais on peut les étudier sépa­ré­ment, c’est même recom­mandé, à condi­tion évidem­ment que ce ne soit pas pour en mettre un à la poubelle.

À l’in­verse du nihi­lisme courant qui exclut l’inné de sa Science psycho­lo­gique, j’ex­clus l’ac­quis. Vous aurez compris la diffé­rence d’ap­proche : je place consciem­ment le premier pôle en premier dans l’idée de servir ulté­rieu­re­ment le second, qui n’in­té­resse pas ma recherche, quand la Science univer­si­taire exclut incons­ciem­ment le premier pôle au profit exclu­sif du second, le pensant seul. Elle n’a donc pas de second pôle, impo­sant une monade unijam­biste à la norma­li­sa­tion Scien­ti­fique : la monade para­doxale de l’idéa­lisme plato­ni­cien qui voudrait en gros qu’une chose dépré­ciée pour telle ou telle raison (le corps est sale par exemple) n’existe pas. L’in­di­gnité n’est pas un argu­ment de l’on­to­lo­gie.

Oui je sais c’est répé­ti­tif dans mon discours, c’est normal, c’est partout que cette folie inques­tion­née domine la pensée. On ne peut pas entrer en onto­lo­gie formelle sans corri­ger en soi cette patho­lo­gie, et c’est par l’on­to­lo­gie formelle que l’on peut la corri­ger. Cette formu­la­tion n’est bizarre qu’en appa­rence, elle revient à dire ce que je pense depuis le début à propos d’on­to­lo­gie formelle : « pour la comprendre, il faut l’avoir comprise ». Ce n’est pas un para­doxe, c’est de l’on­to­lo­gie vécue : c’est par la pratique que se révèle la théo­rie, pas le contraire, et l’on revient à l’in­ver­sion plato­ni­cienne qui classe théo­rie avant pratique ; vous voyez qu’elle est partout ?

Isoler l’inné pour étude, c’est non seule­ment légi­time, c’est aussi juste et rigou­reux, du moins tant qu’on ne renie pas la partie de l’ac­quis, mais c’est en plus éminem­ment salu­taire pour renver­ser les posi­tions en remet­tant de l’ordre dans la pensée contem­po­raine qui navigue aveu­glé­ment en pleine erreur onto­lo­gique, quand par exemple elle voudrait impo­ser avec l’au­to­rité usur­pée de la Scien­ti­fi­cité la théo­rie de la « table rase » où chaque être est supposé stric­te­ment iden­tique à la concep­tion. Je n’ai pas les moyens d’en­trer dans les hautes consi­dé­ra­tions expliquant ce qui amène le monde à soute­nir de telles aber­ra­tions ni ceux de contrer leurs défen­seurs, trop de psycho­lo­gie four­voyée, trop de règle­ments de comptes, trop d’in­té­rêts sourds, etc. Il faut avoir à l’es­prit que la « tabula rasa » est de plus en plus rare­ment défen­due à haute voix, que quand elle l’est c’est toujours sous une forme guer­rière pétrie de méchan­ceté, mais qu’elle est sous-jacente à pas mal de discours Scien­ti­fiques, dont la psycho­lo­gie.

Affron­ter l’obs­tacle bille en tête, je sais faire, j’ai des bosses partout. Mais pas ici, pas besoin, il y a l’on­to­lo­gie formelle. Elle fonc­tionne avec une chose bien plus puis­sante qu’au­cune pensée construite d’homme ne sera jamais : l’ordre du monde, le fait têtu, le réel. J’ai par elle les moyens de tracer une voie et une approche nette­ment plus sereines vers la compré­hen­sion inté­gra­tive et non norma­tive à priori de la psycho­lo­gie humaine. Il n’y a pas de bien et de mal dans la psycho­lo­gie de l’inné comme dans l’on­to­lo­gie formelle, il y a une seule certi­tude, c’est que tout sert, tout est une partie de l’har­mo­nie, qui est un autre mot pour l’ordre natu­rel des choses, l’ordre tout court. Le désordre est aussi une partie de l’har­mo­nie, mais pour le prendre en compte, encore faut-il admettre que l’ordre n’est pas construit par cet hypo­thé­tique homme supé­rieur à la nature, tel que se croient le Scien­ti­fique stan­dard ou le Reli­gieux domi­nant, ce qui revient au même.

J’es­père que ce point rabâ­ché sera désor­mais clair pour le lecteur. Je précise que l’ac­quis psycho­lo­gique m’in­té­resse au plus haut point. Je peux parler de ces théra­pies pendant des heures, par exemple des excel­lentes tech­niques modernes symp­to­ma­tiques (TCC) aux résul­tats statis­tiques fonc­tion­nels qui s’op­posent aux tech­niques des profon­deurs aux résul­tats bien plus intimes et inquan­ti­fiables. J’ai commencé par ça, je respecte et conseille à tous ces sciences/Sciences qui servent à mieux vivre. Mais je sais qu’elles se privent d’énor­mé­ment de clarté en refu­sant pour des motifs spécieux l’étude de l’inné. L’ap­proche innée de la psycho­lo­gie des personnes permet d’éta­blir des scéna­rios très simples de leur évolu­tion et de leur situa­tion dans le monde. Je ne compte plus le nombre de cadeaux ines­ti­mables que j’ai eu la chance de pouvoir offrir à des amis ou même à des incon­nus, par exemple : « tu es un intel­lec­tuel qui se prend pour un physique », affir­ma­tion qui touche au cœur de cette personne, qui me remer­cie des années après pour cette révé­la­tion jamais démen­tie qui ne l’a plus jamais quit­tée. Cet exemple suggère une infi­nité de possi­bi­li­tés de faire aux personnes le cadeau de ce qui leur appar­tient. Et ceci non seule­ment pour des cas person­nels, mais aussi pour des cas insti­tu­tion­nels causant de graves distor­sions indi­vi­duelles dans l’ap­pro­pria­tion de la person­na­lité, qui voudraient sans jamais les dési­gner que tel ou tel type soit inap­pro­prié ou même déplo­rable. L’aveu­gle­ment quasi total de l’édu­ca­tion natio­nale sur le sujet est abso­lu­ment terri­fiant, il stig­ma­tise la grande majo­rité des gens au profit d’un unique style complè­te­ment idéa­lisé vers lequel toute l’or­ga­ni­sa­tion tend, mais en sachant que le style n’est presque jamais (il y a des études, j’en parle­rai) déclaré autre­ment que par un indi­vi­duel « bon » ou « mauvais ».

Il n’existe stric­te­ment aucun juge­ment de valeur que l’on puisse appo­ser à n’im­porte quelle déter­mi­na­tion innée, qu’elle soit du sexe, du style, de la race ou du QI. Tout existe, tout a du sens. Vous vous en rappel­le­rez ? Prétendre le contraire est une lamen­table erreur qui a parti­cipé à la dégra­da­tion de ces savoirs essen­tiels et vitaux, c’est une dange­reuse décon­nexion du réel qu’ont alimen­tée certaines litté­ra­tures et même jusqu’aux scien­ti­fiques honnêtes qui ont pour­tant dédié leur vie à cela.

Vous compre­nez peut-être mieux que je puisse invoquer la séré­nité dans cette recherche sur l’in­néité. Les juge­ments de valeur, la morale, etc., sont à lais­ser à l’ac­quis. Si vous croyez à des choses comme le gène du tueur par exemple, alors vous n’êtes pas au bon endroit, je ne discute pas de ce genre de possi­bi­lité non parce que je me persuade que ça n’existe pas, mais parce que ce n’est abso­lu­ment pas cohé­rent dans la théo­rie que j’ex­plore avec l’in­néité. Tout existe, tout est possible, même ce qui s’avère des impasses évolu­tives. Suspendre le juge­ment, c’est la cause de la séré­nité.

Peut-être que ma posture ressemble à celle du « bon sauvage corrompu par la société ». C’est assez vrai, mais c’est plus subtil puisque c’est onto­lo­gique. Pour commen­cer le bon et le corrompu ne forment pas une diade valide de la même façon que bien et mal, même si [bien/mal] est une signa­ture ordon­née, c’est une discus­sion d’ordre onto­théo­lo­gique, c’est pour une autre fois. L’on­to­lo­gie est neutre, même pour dési­gner ce qui n’est pas neutre. L’on­to­lo­gie est le discours sur ce qui est, sur le réel. L’on­to­lo­gie ne dit pas « ceci est bien ou cela est mal » elle dit « ceci est » et l’on­to­lo­gie formelle dit « voici comment cela est » et il s’agit de caté­go­ries qui sont à la fois locales au sujet (les sexes ou les styles par exemple) et univer­sel­le­ment iden­tiques puisque toutes les caté­go­ries reviennent aux deux caté­go­ries [yin/yang] et à leurs compo­sées du sens, que l’on discerne par les traits.

Le mot caté­go­rie est source d’in­com­pré­hen­sion, mais il a bien fallu en choi­sir un : je ne cherche pas à inven­ter des mots et celui-là est un clas­sique de la tradi­tion onto­lo­gique. Ç’au­rait pu être un tas d’autres choses (classe, type, genre, groupe, variété, espèce, famille, nature, ordre, sorte, qualité). Ce qui importe c’est de ne pas confondre le sens qui est impliqué dans l’on­to­lo­gie avec un autre sens plus habi­tuel. La plupart de gens entendent auto­ma­tique­ment que ce sont des caté­go­ries ration­nelles, c’est-à-dire tran­chées, voire arbi­traires. Or ce n’est pas le cas. Ces deux sortes de caté­go­ries sont idéelles, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas expri­mées clai­re­ment dans le réel, mais qu’elles sont discer­nables par l’in­tel­lect à condi­tion de parve­nir à y mettre des mots nets et cohé­rents.

Les caté­go­ries ration­nelles sont arti­fi­cielles, elles ne cherchent pas le contact à l’ordre du monde, même si elles peuvent s’en appro­cher : elles cherchent à être rigou­reuses et opéra­tion­nelles. Elles sont réduc­tion­nistes, ce qui signi­fie simpli­fiantes, puisqu’elles ne s’in­té­ressent qu’à une partie du tout. C’est cet aspect qui effraye géné­ra­le­ment les gens avec la caté­go­ri­sa­tion : l’idée d’être propulsé dans une défi­ni­tion limi­tée par l’usage qu’en ont ceux qui l’im­posent, l’im­pres­sion d’être parfois inclus de force dans une caté­go­rie abusive. Le nombre de caté­go­ries ration­nelles d’un domaine donné n’est ni fini ni donné par le sujet d’étude, il est de plus évolu­tif au fur et à mesure de l’évo­lu­tion de la recherche.

Au contraire, les caté­go­ries onto­lo­giques sont holistes, c’est-à-dire qu’elles forment néces­sai­re­ment un tout où chacune d’entre elles se trouve co-impliquée, imbriquée. La nature des caté­go­ries onto­lo­giques est de repré­sen­ter la complexité, le tissage des phéno­mènes natu­rels, elles ne sont pas norma­tives, elles sont descrip­tives, abso­lues. L’on­to­lo­gie formelle étant univer­selle, le nombre de caté­go­ries est présup­posé pour tout sujet possible, la seule façon d’évo­luer pour ce nombre est selon l’ar­bo­res­cence qui implique à chaque fois un saut trans­cen­dan­tal, qui est une surcom­pré­hen­sion globale du phéno­mène étudié : deux caté­go­ries défi­nis­sant un tout vont deve­nir quatre, puis huit, etc. Si un jeu de caté­go­ries onto­lo­gique est bien fait et bien expliqué, alors vous ne pouvez pas vous en sentir exclus.

Donc si je vous dis « vous êtes ration­nel » je ne vous enferme pas dans une boîte restreinte, si vous ne le saviez pas déjà, alors je vous aide à vous situer dans un conti­nuum, je vous conduis à vous recon­naître vous-même tel que vous êtes. Vous n’êtes pas plus enfermé que si je vous dis « vous avez deux jambes » ou « vous êtes une femme » comme un constat ou que « vous êtes noir de peau » de même. On a le droit le plus strict d’être un homme jaune irra­tion­nel physique avec un QI dans la moyenne, rien d’on­to­lo­gique ne peut venir défi­nir que cette caté­go­rie est sans inté­rêt ou tout ce que vous voudrez ; c’est le B.A. BA de l’on­to­lo­gie. Les caté­go­ries du juge­ment ne nous concernent pas, le juge­ment est exclu du constat, on n’en­ferme pas, on dit, on désigne. Tout juge­ment de valeur n’est plus de l’on­to­lo­gie, c’est un autre niveau du compor­te­ment humain, qui a lui aussi son utilité, mais dans un autre temps de la pensée que nous avons volon­tai­re­ment et consciem­ment exclu de la recherche, bien sûr pour pouvoir y reve­nir ensuite, plus tard, bien plus tard en ce qui concerne ce site, voire jamais.

Bon, j’es­père que j’ai bien vidé ce sac-là et que je vais pouvoir passer à mon sujet maître dans ce fil, celui de la typo­lo­gie de la psycho­lo­gie de l’inné, connu sous des tas de nom à travers les millé­naires, que je résume en « styles », sujet qui se met au service de toute l’on­to­lo­gie formelle, qui en est à la fois distinct et insé­pa­rable, le premier nour­ris­sant l’autre de sa maté­ria­lité, autre qui vient l’ex­pliquer ensuite au sein d’une théo­rie, donc d’une idéa­lité.

Psycho­­lo­­gies de l’inné – 1

Les psycho­lo­gies de l’inné forment l’ac­cès idéal à l’on­to­lo­gie. Elles se réfèrent au second carac­tère onto­lo­gique de maté­ria­lité, le premier que l’on puisse appré­hen­der puisque la concep­tua­li­sa­tion en découle. Dans les faits, ce sont elles qui ont four­nis l’ac­cès premier à l’on­to­lo­gie formelle depuis la nuit des temps.

J’ai pu discer­ner quatre psycho­lo­gies de l’inné : le sexe, le style, la race et le QI. Elles semblent former une quater­nité complète et ordon­née comme je les inscrit ici, mais je ne m’avance pas trop là-dessus, en tout cas sur l’ordre d’ap­pa­ri­tion.

Ces quatre formes sont géné­tiques, innées, nous nais­sons avec ces quatre déter­mi­na­tions person­nelles et nous n’en chan­ge­rons pas au cours de notre vie. Iden­ti­fier leur géné­tique et leur immu­ta­bi­lité est une façon de présen­ter les choses qui est bien plus pratique et juste que de vouloir démon­trer que chacune d’entre elle est ou n’est pas innée, lais­sant un doute constant sur leur perti­nence. C’est ce que repro­duit la Science à leur sujet, pour finir par les nier unique­ment à cause de ce doute qu’elle crée et alimente elle-même. Vous pouvez consta­ter par vous-même qu’au­cune de ces quatre sciences légi­times n’est aujourd’­hui ensei­gnée dans le cursus univer­si­taire. Pire encore, deux d’entre elles sont à la fois scan­da­leuses et ultra-poli­ti­sées (sexe et race), une autre, le style, brille surtout par sa totale inexis­tence offi­cielle et enfin le QI devient de plus en plus diffi­cile à cacher, mais l’uni­ver­sité résiste encore à le recon­naître.

Ce n’est pas anodin de foncer dans le tas comme je le fais au lieu de pinailler sur des choses indé­mon­trables sans jamais avan­cer, c’est même presque dange­reux, car c’est faire face au déla­bre­ment onto­lo­gique plein d’af­fir­ma­tion péremp­toires du grand cirque poli­tico-média­tique contem­po­rain. Je n’in­vente pas cette concen­tra­tion de sujets essen­tiels ni cette folie vécue dans une espèce d’una­ni­mité civi­li­sa­tion­nelle hégé­mo­nique : c’est l’ou­til onto­lo­gique formel qui me le désigne. Si je prends une telle posi­tion de départ, ce n’est certai­ne­ment pas pour soule­ver de l’in­di­gna­tion ou pour punir des méchants, aucun inté­rêt.

Non, c’est pour montrer ce qui nous défi­nit tous, car c’est à partir de cela que nous pensons : une déter­mi­na­tion innée donnée parmi nombre d’autres. Nous voulons tous « chan­ger le monde » selon l’ex­pres­sion consa­crée : magni­fique ! Mais pour cela il faut d’abord comprendre quelles sont nos erreurs les plus primi­tives, les plus essen­tielles, pour les chan­ger, juste­ment et relire ensuite le socle si ferme qui semble fonder nos certi­tudes et qui n’est parfois que vase et sables mouvants.

Penser, c’est à un certain moment penser à la place de l’autre, or la norma­ti­vité sociale tend à placer en réfé­rence un seul ensemble de caté­go­ri­sa­tion comme sommet idéal de l’être, comme si un mode d’être et de penser était natu­rel­le­ment appelé à supplan­ter tous les autres dans un avenir radieux. À juger les autres caté­go­ries depuis sa seule caté­go­rie sans les comprendre on ne fait que leur manquer de respect, on ne fait que les bafouer. Quand on a conscience de la néces­saire complé­men­ta­rité des caté­go­ries onto­lo­giques, on comprend à quel point c’est se tirer une balle dans le pied que de vouloir les trans­for­mer en la sienne.

C’est dans la psycho­lo­gie de l’inné que le forma­lisme onto­lo­gique trouve sa source et sa lisi­bi­lité. Nier l’une, c’est nier l’autre. Rappe­lons-nous bien :

  • que l’on­to­lo­gie est le niveau le plus primaire, le « ras des pâque­rettes » de la Philo­so­phie ;
  • que la Philo­so­phie est « mère de toutes les Sciences » ;
  • que toute admi­nis­tra­tion terrestre découle de la vision Scien­ti­fique.

Que se passe­rait-il si la chaîne de pensées furieuses qui régit 7 milliards de personnes était recons­truite à partir d’une compré­hen­sion élar­gie de l’ordre du monde ?

Le couple primor­dial [femme/homme] est la première complé­men­ta­rité remarquée par les humains, il est commun à toutes les cosmo­go­nies, cosmo­lo­gies, reli­gions, etc., du monde. Nous pouvons juger de l’état psychique d’une civi­li­sa­tion à son discours sur cette onto­lo­gie première et chez nous, ce n’est pas terrible, c’est même plutôt la foire d’em­poigne.

Voyez plutôt la pensée correcte du moment en Occi­dent : « On ne nait pas femme, on le devient » a dit de Beau­voir. J’ima­gine que son expli­ca­tion est plus subtile que ce simple énoncé, mais c’est sans impor­tance, car cette expres­sion est prise à la lettre par un courant idéo­lo­gique fonda­men­ta­le­ment perti­nent (le fémi­nisme), mais qui a dérivé vers l’ab­sur­dité en deve­nant influent et instru­menté. « Rien ne diffé­ren­tie l’homme de la femme à la nais­sance » est le crédo mani­chéen qui écrase la « pensée » média­tique courante, ce qui dérange beau­coup de gens qui arrivent à penser quand même. Quelle plai­san­te­rie : si tout le monde consi­dère les femelles chiens plus douces que les mâles, c’est parce qu’elles sont élevées avec des poupées et pas des petits soldats ; pas d’inné on vous dit. Rideau. Il ne faut pas avoir peur de la bêtise, ça la renforce, il faut s’en moquer pour la révé­ler à ceux-là même qui la propagent.

J’ai iden­ti­fié un schéma rhéto­rique terri­ble­ment banal qui préside au statuquo actuel sur la psycho­lo­gie de l’inné et sur bien d’autres choses encore. Rappe­lons que la rhéto­rique est l’art de rempor­ter un débat, qu’im­porte les moyens. La cajo­le­rie, le mensonge, la menace et la posture d’au­to­rité font partie de ces moyens autant que la logique. Ce qui est inté­res­sant et presque para­doxal aujourd’­hui, c’est que l’in­ven­tion de la philo­so­phie a litté­ra­le­ment découlé de l’iden­ti­fi­ca­tion du fonc­tion­ne­ment rhéto­rique confus des sophistes auquel est venue s’op­po­ser la dialec­tique. Cette dernière renonce à toute déci­sion d’ordre affec­tive en se basant sur le dialogue raisonné entre les postures oppo­sées. C’est un art du discer­ne­ment, de la disso­cia­tion. L’on­to­lo­gie formelle n’est rien d’autre que l’ex­pres­sion de cet art univer­sel.

L’op­po­si­tion [rhéto­rique/dialec­tique] de la Philo­so­phie est accom­pa­gnée d’autres distinc­tions corol­laires [sophistes/philo­sophes] et surtout de cette distinc­tion majeure recon­nue de tous comme acte de nais­sance de la Philo­so­phie, le passage [muthos/logos] équi­valent à [récit/science]. Compre­nez bien que je me réfère ici au saint des saints de la philo­so­phie et donc suppo­sé­ment à toute pensée Occi­den­tale sérieuse. J’in­siste là-dessus parce que la suite montre une lourde et récur­rente contra­dic­tion insti­tu­tion­nelle avec cette origine à priori sacrée de toute notre époque mondia­li­sée. « Faites ce que je dis, pas ce que je fais » : quand les mora­listes sont immo­raux, la situa­tion est grave.

Établis­sons d’abord la forme de base de ce schéma conflic­tuel, son ossa­ture : deux postures s’af­frontent avec violence pour domi­ner le terrain, c’est la guerre ; il faut éradiquer l’autre, simple­ment pour conti­nuer à exis­ter. Au sein de ce banal schéma nous nous inté­res­sons à un sous ensemble déter­miné par la struc­tu­ra­tion onto­lo­gique récur­rente suivante : les deux camps se heurtent entre eux selon deux postures onto­lo­gique­ment complé­men­taires, ce qui implique que ces deux concep­tions en concur­rence sont toutes deux possi­ble­ment correctes et justi­fiées, mais selon un temps diffé­rent. Ce sous ensemble déter­mine le type de conflit qui m’in­té­resse ici, celui où, en fait, les deux parties ont raison simul­ta­né­ment. Le conflit n’a pas lieu d’être, mais les belli­gé­rants ne le savent pas ou ne veulent pas le savoir.

La première ques­tion que l’on doit se poser quand on rencontre, ou qu’on parti­cipe à, un conflit d’am­pleur : s’agit-il à la base d’une complé­men­ta­rité ou bien d’un anta­go­nisme ? Souvent des sujets complé­men­taires sont trai­tés à tort comme anta­go­nistes comme dans le cas des plus célèbres de [inné/acquis], dialec­tique indu­bi­ta­ble­ment complé­men­taire qui déchaîne pour­tant des colères aussi mons­trueuses qu’in­nom­brables, où la dialec­tique est bafouée par ceux-là même qui s’en réclament, semant la confu­sion passion­nelle dans leur sillage.

Donc premier constat : « les deux ont raison ». Mais voilà, les deux camps n’ont pas les moyens intel­lec­tuels (cultu­rels ou idéo­lo­giques) d’ad­mettre la coexis­tence du « vrai » selon deux expli­ca­tions complé­men­taires de la même partie du monde. Ils croient que si l’autre a raison, alors ils ont néces­sai­re­ment tort et donc qu’ils vont perdre, qu’ils vont « mourir ». C’est évidem­ment insup­por­table. Quand la logique binaire voudrait tran­cher une analo­gique floue par essence « les deux ont tort ».

Ce schéma d’ap­pa­rence para­doxale (les deux ont raison et tort en même temps) conduit le plus sûre­ment à la défaite des deux camps, car si l’un est victo­rieux et se sent en droit d’éra­diquer l’autre il perd bête­ment sa propre moitié onto­lo­gique parce qu’il n’en est pas conscient. Et dans les faits une telle éradi­ca­tion s’avère toujours un vœu pieux : le perdant nihi­liste revient toujours en force après les échecs incon­tour­nables du victo­rieux nihi­liste. Évidem­ment, l’idée de la vengeance, si elle est vivace, va conduire à renver­ser les camps sans rien chan­ger à la situa­tion. Notons toute­fois que ce cycle de guerres n’est pas forcé­ment stérile, les choses peuvent avan­cer tout de même, mais ce sera sous couvert de mauvaise foi : on aura quand même appris sur notre cause grâce à l’en­nemi, mais de là à le recon­naitre il y a un gouffre. La paix entre les parties et l’évo­lu­tion véri­tables des pensées n’ad­viennent que quand est instau­rée l’idée de la coexis­tence natu­relle des oppo­sés.

Il y a telle­ment d’oc­cur­rences de ce schéma dans la recherche onto­lo­gique formelle, témoin du grotesque de certaines postures dites sérieuses, que j’ima­gine sérieu­se­ment la perti­nence de l’en­co­der dans la base de données. Ce serait un nouveau type de données, orienté vers l’er­reur.

Je n’ai pas encore fini avec ce schéma. Il se détaille encore pour clai­re­ment rejoindre le nihi­lisme primal de la Philo­so­phie, celui qui découle du génie parmé­ni­dien quand il annonce que « le néant n’existe pas, il ne faut donc pas en parler », qui dérive ensuite folle­ment dans la foi moderne des Sciences qui ne dit jamais, mais qui agit toujours selon : « ce que nous ne compre­nons pas à l’aide de la raison n’existe pas, c’est le néant, il ne faut donc pas en parler ».  Certains appellent cela « nihi­lisme » (Nietzsche), d’autres « hyper­ra­tio­na­lisme (ratio­na­lisme hégé­mo­nique) » (Weber), ceci pour rappe­ler que je ne suis loin d’être isolé dans la mons­tra­tion de cette dérive centrale qui carac­té­rise toute pensée Scien­ti­fique.

Donc, nous avons un type géné­ral de conflits de pensée, qui affirme une forme binaire là ou la distinc­tion est onto­lo­gique­ment complé­men­taire. Pour le moment j’ai consi­déré que les deux camps réagis­saient de manière iden­tique et que donc, « les deux ont tort et raison ». Mais que se passe-t-il si les posi­tions sont diffé­rentes et qu’ainsi un camp admet une coexis­tence que l’autre renie ? En appa­rence c’est la même chose, deux camps sont irré­duc­ti­ble­ment oppo­sés et reste­ront en guerre. Mais dans les faits l’un fait le chemin vers l’autre et vers la réso­lu­tion du conflit, il ne nie pas l’exis­tence de l’autre posture quand il défend la sienne.

Voyons si nous sommes au clair dans l’on­to­lo­gie : si un conflit de ce type existe, c’est parce que deux postures coexistent. Tout dans le sujet du conflit donne à penser que ces deux postures sont onto­lo­gique­ment défi­nies (un trait, une oppo­si­tion clas­sique, etc.), par exemple pour l’in­néité psycho­lo­gique, c’est le trait bêta qui est au centre des guerres. Le camp soute­nant l’in­fluence de l’inné connaît parfai­te­ment le rôle de l’ac­quis pour la personne, quand l’autre camp refuse abrup­te­ment tout rôle à l’inné. Les deux ont raison dans leur vision partielle du monde, mais celui qui refuse l’autre à tort pour la vision englo­bante qu’il répu­die sans procès, d’au­tant faci­le­ment qu’il est en posi­tion d’au­to­rité.

Et ici, la dérive de mon écri­ture faite d’apar­tés, nous ramène au centre du sujet à venir, les styles : un camp soutien­dra plus natu­rel­le­ment ce qui corres­pond à son style cogni­tif domi­nant : un [irra­tion­nel] penchera pour la coexis­tence et l’in­clu­sion, un [ration­nel] pour l’an­ta­go­nisme et l’ex­clu­sion. C’est la nature des choses et je ne vois aucun incon­vé­nient à cela, mais seule­ment il se passe autre chose : le compor­te­ment anta­go­niste se conforme à l’état actuel de la Science, c’est-à-dire hégé­mo­nique et persua­dée que l’ir­ra­tion­nel n’existe pas. Voici le déséqui­libre le plus marquant de notre époque : un camp tient pour les deux camps, l’autre pour lui seul. Vous savez où je me situe, perpé­tuant ma volonté de faire ce qui est juste : servir. Toute la limi­ta­tion et tout le danger de l’époque tiennent dans le fait que ce schéma primal est séman­tique­ment tissé au plus profond de chacune de nos insti­tu­tions, donc de nos êtres, sans plus aucun espace de remise en cause. L’uni­ver­sité est, du moins dans les textes, suppo­sée être ce lieu des possibles, mais dans les faits l’« amélio­ra­tion » perpé­tuelle des ensei­gne­ments nie de mieux en mieux cette essence dont elle est suppo­sée être si fière. La stéri­lité guette au pays de la recherche Scien­ti­fique où il faut publier sans cesse, mais surtout sans sortir des clous, à cause de l’ex­com­mu­ni­ca­tion qui pend sans arrêt au nez du naïf.

La discus­sion [inné/acquis] est typique­ment rendue à cette impasse : ceux qui ont le micro nient (on ne nait pas femme, l’inné n’existe pas) l’exis­tence de la posture complé­men­taire soute­nue en conscience par ceux qui n’ont pas le micro. Rete­nez ce « truc » : le marqueur infaillible de ce genre de situa­tion est l’em­ploi d’af­fects, comme la colère ou mieux le mépris géné­ra­teur de colère en face, lors de discus­sions préten­du­ment scien­ti­fiques, préten­du­ment raison­nées. À chaque fois que vous sentez venir de l’émo­tion dans ce genre de débats, c’est qu’il se passe quelque chose de non-dit, non-ration­nel. Si l’on essaye d’ap­pliquer ce schéma sur l’im­passe de la discus­sion [femme/homme], l’af­fir­ma­tion « On ne nait pas femme on le devient », de stric­te­ment péremp­toire, se trans­forme toute seule en « On nait femme et on le devient », qui admet le construc­tion­nisme en restant essen­tia­liste, en parfaite contra­dic­tion avec le construc­tion­nisme qui a l’in­signe bonté de ne pas stric­te­ment nier l’es­sen­tia­lisme, mais qui le consi­dère à chaque fois qu’il l’évoque avec une commi­sé­ra­tion agacée jusque dans les cours de faculté auxquels j’ai pu assis­ter. Je pense pouvoir dire en me réfé­rant à l’on­to­lo­gie que ce fémi­nisme-là, que l’on retrouve prof à la fac ou vedette média­tique, est contre le fémi­nin quand il nie la part innée de l’être humain, le sexe, au profit exclu­sif de sa part acquise, le genre.

Vous devez savoir qu’un auteur fémi­niste qui se ferait quali­fier d’es­sen­tia­liste se ferait auto­ma­tique­ment descendre par ses collègues fémi­nistes, oui « descendre » avec de l’af­fect condes­cen­dant. La plus grande d’entre les essen­tia­listes (Caroll Gilli­gan) n’ou­blie jamais de se défendre de l’être dans l’un ou l’autre recoin de ses livres essen­tia­listes, c’est son viatique pour conti­nuer d’être respec­tée, contrainte à se renier offi­ciel­le­ment bien qu’elle soit recon­nue comme ayant amené le plus grand tour­nant fémi­niste du XXème. C’est plutôt embar­ras­sant.

Conti­nuons. Ma quête onto­lo­gique a commencé aux styles psycho­lo­giques. J’ai compris qu’é­tait venu le dernier jour de ma psycho­thé­ra­pie quand j’ai prononcé à haute voix cette apoca­lypse person­nelle « Mais… je suis anima ! ». C’était aussi le premier instant de toute cette recherche onto­lo­gique, tout allait s’en­chaî­ner ensuite. Si j’étais « ceci », alors d’autres seraient « cela », et j’ai commencé à envi­sa­ger les gens autour de moi, pour me connaître en retour. Mais comment donc font les profs de Philo pour décla­mer la plus haute exigence plato­ni­cienne, le « Connais-toi toi-même », alors même qu’ils veulent tous sans excep­tion igno­rer que Socrate, Platon et Aris­tote avaient chacun leur propre typo­lo­gie des styles innés ? Quel est donc la nature de ce choc ? La véné­rable et véri­table « bible de l’Oc­ci­dent » que repré­sente l’œuvre de ces trois génies du « Miracle Grec », serait-elle expur­gée ?

Se connaître, vrai­ment ? Même si ce n’est pas un choix néces­sai­re­ment binaire, déter­mi­ner le sexe des gens est facile dans l’énorme majo­rité des cas. Les critères du style cogni­tifs sont moins évidents, mais il peuvent être ensei­gnés. Se connaître nous posi­tionne chacun devant des critères innés nombreux et, nous en avons réel­le­ment conscience grâce au fémi­nisme histo­rique, profon­dé­ment instru­men­tés depuis la nuit des temps. Si nous en sommes au point où l’époque ne parvient plus à faire le clair là-dessus, cela ne nous empêche pas de nous faire une idée de nous-mêmes selon ce critère de vaste portée.

Je ne suis pas, je ne l’ai jamais été, en posture de faire une étude onto­lo­gique à propos du sexe : trop de bruit et de fureur, en moi et dans le monde où je vis. Je sais que là réside le mystère et le merveilleux, mais je prends les choses sur un plan neutre onto­lo­gique­ment, c’est presque une absence. C’est pour moi une énigme de clas­si­fier la distinc­tion [fémi­nin/mascu­lin] au-delà du [yin/yang] évidem­ment, c’est-à-dire selon les formes onto­lo­giques que je connais. Parfois je pense au trait alpha pour le sexe avec un genre en beta pourquoi pas, parfois je pense à quelque chose d’an­té­rieur aux traits, ce qui est onto­lo­gique­ment déstruc­tu­rant, et d’autre fois encore je pense à une distinc­tion simul­ta­née sur l’en­semble des traits. C’est peut-être cette dernière hypo­thèse qui est la bonne, je n’en sais trop rien. Tout est telle­ment embrouillé là-dedans que j’ai choisi dès le début de ne pas trop m’y attar­der.

En dehors de Gilli­gan déjà citée, je n’ai qu’un seul conseil de lecture onto­lo­gique perti­nent sur le sexe, c’est un livre de gare : les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus. Je suis extrê­me­ment sérieux. À ce qu’il me semble, personne d’autre n’est en mesure d’abor­der le sujet aussi simple­ment et formel­le­ment bien entendu, que ne le fait John Gray, avec sa liste d’on­to­lo­gies. Le fait en soi que je ne puisse que conseiller un livre à la répu­ta­tion aussi peu établie doit être pris comme symp­to­ma­tique du trouble à ce propos, trouble qui ne fait qu’em­pi­rer en ces temps étranges et dégra­dés où l’in­ver­sion orwel­lienne est la norme des médias.

La déter­mi­na­tion des sexes est la première des déter­mi­na­tions de l’inné qui aide malgré tout à se connaître un tant soit peu. La seconde est celle des styles. Ici, pas de trouble, juste un néant parsemé de toutes petites lumières éparses, qui témoignent, par leur entê­te­ment millé­naire à survivre, de la soli­dité de la chose.

Vous voulez vous connaître ? Alors, commen­cez par mettre du style cogni­tif dans votre vie, appro­priez-vous-en les nombreuses onto­lo­gies cohé­rentes et décou­vrez-en le fonc­tion­ne­ment chez les autres en obser­vant comment cela se passe pour eux. Se comprendre à travers l’autre est la faculté excep­tion­nelle appor­tée par la connais­sance des styles. Si j’ai donné en son temps à cette pratique le nom de code « l’exer­cice extra­or­di­naire », ce n’est pas un hasard et je ne le renie pas aujourd’­hui, c’est vrai­ment ce que c’est.

Mon « je suis anima » était une auto­ri­sa­tion à être irra­tion­nel, et à cesser de me culpa­bi­li­ser d’être comme je suis venu sur cette terre, même si c’était en contra­dic­tion avec ce que la norma­ti­vité scolaire et aussi paren­tale m’avaient fait consi­dé­rer comme le bien, la bonne direc­tion. Ceux qui m’ont lu atten­ti­ve­ment savent que ce n’est pas ce que je consi­dère comme un combat achevé. C’est plus une négo­cia­tion constante, parfois haras­sée et parfois amusée, pourquoi pas ?

Dans l’étude des styles je ne discerne jamais le sexe. C’est à ma connais­sance le cas pour tous les gens qui ont écrit sur le même sujet. En fait, on peut se conten­ter de penser que les constats de cette typo­lo­gie fonc­tionnent indif­fé­rem­ment sur les sexes et par consé­quent, on peut faire abstrac­tion pour un temps de la diffé­ren­cia­tion des sexes. Je trouve ça repo­sant. La typo­lo­gie des styles abou­tit parfois à des compor­te­ments distincts entre femmes et hommes et dans ce cas, j’ai tendance à appliquer ce que je disais au-dessus, je consi­dère que chaque trait est ampli­fié ou dimi­nué dans le sens qui corres­pond au sexe, par exemple une femme [ration­nelle] de cette époque, même Scien­ti­fique­ment formée, est géné­ra­le­ment, mais pas néces­sai­re­ment, onto­lo­gique­ment moins bornée que son pendant mascu­lin.

Je ne vais parler dans la suite de ce fil que des styles. Comme je l’ai expliqué, le sexe est trop compliqué et entre­lacé dans la construc­tion histo­rique et même préhis­to­rique de nos pensées, pour en faire une réfé­rence onto­lo­gique vrai­ment solide et consen­suelle, même s’il est incon­tour­na­ble­ment à l’ori­gine de toute nos distinc­tions onto­lo­giques. La race, quant à elle, n’est pas en l’état un sujet utile pour l’on­to­lo­gie. C’est en fait un sujet bien trop dange­reux de nos jours, dans une société qui trans­forme tout essai de ce thème en une condam­na­tion arbi­traire et sans appel, pronon­cée géné­ra­le­ment d’un seul mot défi­ni­tif d’une exem­pla­rité mons­trueuse, ardem­ment dési­gnée aux foules pour leur vertueux défou­le­ment. Et quand bien même, le peu de lectures forcé­ment honteuses, inter­dites, salis­santes et décriées que j’ai pu avoir sur ce sujet ne m’ont pas apporté grand-chose d’un point de vue onto­lo­gique formel. En clair, c’est onto­lo­gique­ment une impasse encore pour long­temps. Ceci étant dit, il semble qu’un certain rappro­che­ment avec les styles puisse être fécond, rappro­che­ment qui semble apte à désa­mor­cer la bombe raciale, du moins pour les onto­logues. Je ne me prive­rai pas de ce petit écart prudent à la plus dange­reuse des normes nihi­listes, dange­reuse parce qu’elle revêt les oripeaux de l’hu­ma­nisme.

Quant au QI, eh bien c’est un sujet passion­nant dans un autre cadre que l’on­to­lo­gique formelle. Cela demeure encore un inter­dit, mais appa­rem­ment en lente voie de norma­li­sa­tion, inter­dit dont l’ar­gu­men­taire nihi­liste ne privi­lé­gie fina­le­ment que quelques chan­ceux d’être nés dans un milieu capable de discer­ner sans les tests la puis­sance de l’in­tel­li­gence, c’est par exemple le milieu des lignées fami­liales, qu’elle soient aris­to­cra­tiques, bour­geoises ou autres. Cette absence de vision unanime conduit, on le sait, aux échecs scolaires en série de gens très doués, échecs souvent défi­ni­tifs de personnes simple­ment mal comprises au départ et balayées sous le tapis ensuite, comme autant d’anges déchus, que l’on retrouve souvent la nuit dans les bas-fonds des villes. Vous n’ima­gi­nez même pas le QI moyen de certains rades nocturnes, remplis de poivrots rigo­lards et autres fêtards toxi­co­ma­nes…

La science du QI nous apprend cela et beau­coup d’autres choses plus subtiles encore, qui concernent la direc­tion de l’évo­lu­tion. Par ailleurs, je suis abso­lu­ment certain qu’un pan entier de l’étude sur le QI tente maladroi­te­ment de couvrir stric­te­ment la même éten­due que celle des styles, mais l’étan­chéité totale entre ces disci­plines empê­chées fait qu’elles ne peuvent pas gran­dir l’une de l’autre. Ainsi la science du QI plafonne-t-elle tris­te­ment sur son appré­hen­sion de ce qu’est l’in­tel­li­gence, parce qu’elle ne semble pas se rendre compte, par exemple, qu’un [physique] ne brillera pas néces­sai­re­ment à son niveau réel s’il est assis sur une chaise avec un crayon en main, contrai­re­ment à l’[intel­lec­tuel]. L’on­to­lo­gie des styles cogni­tifs a énor­mé­ment à apprendre à la science du QI et nous savons ainsi qu’é­tu­dier les styles, c’est se permettre de reve­nir ensuite vers le QI avec un bagage augmenté.

Contrai­re­ment à ce que pensent super­fi­ciel­le­ment la plupart des gens, la science du QI est très consciente du flou de ses fonde­ments (« Le QI est ce que mesurent les tests de QI ») et des biais de ses méthodes, mais elle veut toute­fois igno­rer l’on­to­lo­gie (formelle ou non) dans sa quête de deve­nir Science, parce que l’on­to­lo­gie ce n’est pas sérieux, ça n’existe pas. Comme pour les styles, l’af­fir­ma­tion de l’in­néité est un carac­tère indé­cis du QI qui est remis aux calendes grecques, en attente d’être une science recon­nue, ce qui ne semble pas trop probable en l’état.

La tenta­tion de la Scien­ti­fi­cité est une mala­die des sciences humaines, très coûteuse en terme de réalisme et que nous allons guérir. Elle est aussi tempo­raire qu’elle est histo­rique­ment datée (un ou deux siècles). La vraie ratio­na­lité tranche, mais n’est pas nihi­liste, elle connaît l’exis­tence de l’ir­ra­tio­na­lité, plus encore, elle connaît l’ir­ra­tion­nel comme étant son unique source, sa nour­ri­ture. Un concept kantien majeur nous pousse sans équi­voque à comprendre cette vision si essen­tielle : [à posté­riori/à priori]=>[nouveauté/pas de nouveauté]. Comment en sommes-nous parve­nus à esqui­ver Kant ? C’est plutôt simple à répondre : le fait que la Philo­so­phie soit un désordre sans nom semble auto­ri­ser les penseurs à prendre et à lais­ser ce qu’ils veulent selon l’air du temps, comme ils le font pour les styles. Je parlais à ce propos des trois géants grecs et j’en profite pour ajou­ter encore une couche : qui sait là encore que Kant avait son propre discours à propos des styles, qu’il recon­nais­sait par consé­quent comme une réalité ?

L’on­to­lo­gie du QI tient dans une courbe en cloche : à gauche les « sous-doués », au centre la moyenne et à droite les surdoués. Un trouble onto­lo­gique à ce propos me travaille, je termi­ne­rai ce texte la dessus. On ne pense jamais au surdoué autre­ment qu’en terme de perfor­mance ou de domi­na­tion, c’est un fait aussi banal qu’il est malheu­reux. Ce qui est moins banal, c’est de penser le surdoué en termes de rôle ou de spécia­li­sa­tion rela­ti­ve­ment à l’en­semble de la popu­la­tion. Sans cette notion, le petit QI est perçu comme stric­te­ment inutile, indé­si­rable, jetable. Comme d’ha­bi­tude, il est irra­tion­nel, donc néant. Si par contre on cherche à imagi­ner un rôle typique pour les surdoués, comme par exemple dans un trou­peau de gazelles, ce qui peut être assez fécond, on se retrouve par symé­trie onto­lo­gique devant une saine énigme en ce qui concerne les moins doués, puisque la symé­trie confère néces­sai­re­ment un sens à leur exis­tence. C’est cette ques­tion onto­lo­gique, ce type de ques­tion qui doit être adres­sée à notre intel­li­gence : quel sens donner à l’exis­tence de gens au QI très petits, puisque leur exis­tence est aussi normale que celle des très grands QI ?

Psycho­lo­gie de l’inné – 0

Le titre de cette série de textes désigne une chose qui n’existe pas pour la Science, même si c’est au prix de contor­sions idéo­lo­giques déli­rantes. Je ne peux pas ne pas y penser, ne pas en parler sous cet aspect, mais ce n’est pas celui qui m’in­té­resse. Les psycho­lo­gies de l’inné consti­tuent l’ac­cès premier à l’on­to­lo­gie formelle, autant histo­rique­ment que dans ma propre vie.

Psycho­lo­gies de l’inné – 1

Psycho­lo­gies de l’inné – 2

Psycho­­lo­­gie de l’inné – 3 – styles

Psycho­­lo­­gie de l’inné – 4

Psycho­­lo­­gie de l’inné– 5– styles

Psycho­­lo­­gie de l’in­né– 6 – le trésor