Il s’est passé du temps depuis la dernière écriture. J’ai vaqué à d’autres occupations, ce qui ne m’a pas empêché de penser à tout cela. L’ontologie est d’une nature telle qu’un petit gribouillis sur une feuille de papier peut très bien représenter l’œuvre d’une vie entière. Recréer ces petits dessins sur un coin de table, ou même en esprit sans me référer à mes notes est une façon d’avancer. Les deux semblants de quaternités de traits que j’ai eu le bonheur de voir débouler sous mes yeux durant cette analyse n’ont pas obtenu le statut définitif. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir eu plusieurs fois une sensation de complétude en contemplant ces signatures : la typologie du caractère ontologique, dont le nom est encore provisoire est largement incertaine ; celle de la validation tient assez bien la route pour le moment, du moins en dehors de sa mise en ordre que j’ai bouleversée et qui reste donc incertaine.
Faire de l’ontologie formelle consiste à regarder se découvrir des formes par l’étude d’un phénomène donné et à les comparer, par analogie, avec d’autres formes que l’on connaît pour sûres. J’ai dit qu’on devrait lors du processus général de recherche laisser de côté l’analogie formelle pour laisser décanter les choses sans se laisser influencer à priori par ce formalisme. Je maintiens cela, mais j’ajoute qu’à un moment il faut bien y venir. C’est là qu’on voit si l’étude est profonde. Dans le cas de la validation des ontologies formelles, si les quatre parties semblent former un tout cohérent, leur classement n’est pas donné. Je l’ai pourtant cru.
Mais voilà, la validation formelle est potentiellement une quaternité de traits, ce qui donne au total 16 catégories de validation. Ordonner la quaternité de traits en tant que simple quaternité a déjà quelque chose de troublant, je reviendrai sur cette distinction. Ma recherche au long cours sur les traits à débouché sur une représentation en 8 mots qui diverge fortement de mes représentations habituelles. Dans cette représentation il y a un certain enchaînement qui rend les choses bien plus délicates à poser. C’est quand j’ai voulu placer la quaternité des validations sous cette forme que j’ai compris que la révélation que j’avais eue de ces quatre traits est encore insuffisante. J’ai terminé ces quelques jours dans une certaine confusion.
Je vais faire ici un aparté. La signature ontologique formelle ne semble évidente qu’à ceux qui ignorent de ce qu’elle signifie réellement. Dans les faits, signer une nouvelle forme analogique dépend toujours d’un énorme travail sur le sens. Si les longueurs infinies de la recherche sont vraiment établies par la patience, l’humilité, le doute, l’exhaustivité, etc., alors la signature pourra donner à juste titre l’impression de tomber sous le sens. Dans tous mes travaux, j’ai signé des dizaines et des dizaines de ces formes savantes en provenance de vrais penseurs, éventuellement sans même connaître le domaine que je mettais ainsi en scène, comme si j’étais une espèce de démiurge de l’ontologie, comme si j’étais un savant universel, ce que je ne suis absolument pas ; je suis autre chose : imaginez un gars avec une visseuse au temps des cathédrales… Ce qui me revient c’est le développement d’un outil. Dans les faits j’ai construit extrêmement peu de formes nouvelles dont on pourrait m’attribuer la paternité et toujours avec de gros doutes. C’est le cas par exemple de ces deux quaternités de traits terriblement ambitieuses que j’introduis avec cette base de données : on en reconnaît ma patte en ce qu’elles sont incertaines, potentielles ou encore juste plausibles. Elles peuvent même ne pas être… La seule façon de régler ce problème, c’est l’usage, puis le consensus, indispensables. Et puis d’autres penseurs viendront, des géants comme on en a connu, dont la puissance sera augmentée par l’outil antique rénové. Fin de l’aparté.
Je ne dispose à l’heure actuelle que d’une seule quaternité de traits. Elle n’a peut-être pas encore de nom, mais est vraiment convaincante. C’est la première de toutes celles qui semblent dormir sous elle, et elle est mienne, c’est mon trésor, du premier au dernier mot, même si ces huit mots, des verbes, bien antérieurs à la première philosophie l’accompagnent constamment (être, agir, penser, etc.). La comparaison analogique entre équations est réflexive, c’est-à-dire que quand vous prenez une référence de votre trousseau pour éclairer une nouvelle équation candidate, vous n’êtes pas à l’abri d’en apprendre en retour sur votre référence. En fait plus vous utilisez une référence mieux vous la saisissez. Or, ici ma référence étant pour l’heure la seule dans son genre, mettre à l’épreuve (rude) une équation candidate comme l’est ici notre validation va très probablement m’en apprendre sur elle. C’est ce qui est advenu, mais je n’en suis encore qu’aux balbutiements.
L’ontologie formelle est omnidisciplinaire. J’ai fini par forger ce jeu de mots pour combler une lacune expressive de notre culture si parfaitement disciplinée qu’elle en a oublié comment désigner ce qui n’est pas disciplinaire, apparemment parce que c’est mal. Quand on navigue dans les eaux de l’analogie formelle on est toujours appelé vers les chemins de traverse : on pense linguistique et bizarrement, la psychologie ou bien la mécanique ou encore l’entreprise viennent s’entrelacer, s’emmêler et peut-être même apparaître alors sous un jour nouveau, un développement qui nous était encore inconnu. Parfois aussi, on prend un magnifique chemin et soudain on se retrouve avec des chamboulements, des signatures contradictoires ; tout d’un coup tout s’effondre et toute l’ontologie patiemment établie ne semble reposer que sur du vide.
Il vaut mieux être habitué à ces sensations, car l’ontologie n’est pas raisonnable, elle est imaginative, créatrice. Pour ancrer cette affirmation, la justifier, je fais référence à quelqu’un qui a beaucoup pensé à cet endroit du sens, Emmanuel Kant, quand je dis que l’ontologie est à postériori, ce qui implique selon lui que d’elle peut jaillir le nouveau, contrairement à l’à priori. Si l’analogie formelle emprunte son vocabulaire aux mathématiques en désignant des « équations », il ne faut pas en déduire que l’analogie est un fonctionnement de type mathématique où les conclusions s’enchaînent logiquement sans aucun doute. Le flou est la mesure, il se nomme ressemblance, analogie.
Ma quaternité de traits première fonde son ossature sur les nombreux travaux typologiques en psychologie de l’inné. Les deux premiers traits sont extrêmement nets, le troisième est parfaitement intégré et le quatrième se dessine, mais conserve une bonne part de mystère. En ce domaine il s’agit de la même chose que la fameuse cause finale qu’Aristote est venu ajouter à la triplicité antérieure à lui, clôturant ainsi de main de maître des siècles de travaux, puisque cette quaternité a largement franchi le consensus pendant les deux millénaires et demi de son étude et de son exploitation consciente qui ont suivi.
Pour les trois premiers traits, guidé par l’innéité, j’ai établi une analogie satisfaisante avec les verbes de la philosophie qui recèle énormément d’indices pour cela. Mais pour le quatrième, c’est une autre histoire, peut-être qu’il faudrait encore mille ans de philosophie, peut-être que je n’ai pas lu ou pas compris les bons auteurs ; reste que le matériel est rare. Je me retrouve donc presque tout nu devant ce problème, devant fonder les mots sans qu’aucune tradition, en dehors de ce qui est le moins avancé dans l’innéité, ne vienne entériner mes choix. Et oui, on peut trouver un consensus antérieur à sa recherche, quand les auteurs désignent lisiblement votre objet, et/ou postérieur quand votre signature est approuvée par tous. Pour le quatrième trait, je dois donc être sacrément prudent tout en étant condamné à l’inventivité dans un domaine, la philosophie, où je suis sans prétention parce que tellement ignare.
Et voilà où je voulais en venir. La recherche infructueuse et même régressive (avant j’étais sûr…) m’a amené vers un chemin où chemine la pensée philosophicoreligieuse en incluant quelque chose proche de l’agapé comme élément du quatrième trait. Là où j’attendais la plus grande sévérité, le plus grand sérieux, voilà que voudrait intervenir en sus le bonheur suprême. De mon point de vue, c’est extrêmement émouvant, ma psychologie est en jeu bien sûr. Et celle du monde avec…
J’ai donc pu potentiellement avancer sur quelques signatures encore floues, mais directement liées au quatrième trait. Je suis en terre quasiment vierge et je n’ai du coup pas suffisamment de recoupement : tout ce que j’ajoute à la structure des quatre traits mis en scène selon huit mots est dénué de consensus, fût-il antérieur ou postérieur. J’ai débouché sur une confusion, certes, mais c’était aussi la première fois que j’utilisais cet outil entièrement nouveau que je viens à peine de forger. J’avais une seule de ces représentations, j’en ai désormais deux autres, candidates sérieuses, celle de la typologie innée et celle des validations ontologiques. Je les regarde et elles ont l’air justes. Il en faudra d’autres.
Je n’ai pas encore de quoi inscrire clairement ces équations. Les traits sont différents, ils changent la donne de l’équation et de la représentation. Je n’ai pas pu décider de leur déclaration entre crochets, et je devrais vraisemblablement adapter la syntaxe actuelle pour elle. Je n’ai pas non plus de représentation semi-graphique dans ma boîte à outils. Or c’est crucial pour la publier.
Pour l’heure la base de données a besoin d’être remplie et qualifiée. Certaines choses sont apparues avec les représentations des traits, comme la forme nouvelle que j’ai légalisée en tant qu’étape de croissance malgré son étrangeté : [air][terre/eau] et que je pense reconnaître dans la trilogie [ethos][pathos/logos] à cause de sa tendance naturelle, selon le sens retenu pour l’éthos, à devenir un quaternaire incomplet : [pathos/logos/ethos/].
Évidemment on peut imaginer faire suivre ce fonctionnement à d’autres trinités qui semblent s’associer naturellement à cet exemple (seconde topique, triangle mimétique, etc.). J’aime beaucoup cette spécificité qui tend à confirmer ce que je pense parfois et que j’ai retrouvé très affirmé chez Lévi Strauss, qu’une trinité est une quaternité incomplète.
Je suis loin d’être au bout de ce qu’implique la notion de trait, chaque nouvelle petite touche de catégorisation/rationalisation est fragile et délicate. Une chose semble certaine : plus je l’expliquerai, plus j’en saurai.
Je résume ici les changements opérés pour la validation. J’en étais resté à :
- 1111 = cohérent-net-pur-juste
- 0000 = hétéroclite-flou-informe-faux
À la fin de mes diverses mises en cause, je suis parvenu à :
- 1111 = net-formel-cohérent-ordonné
- 0000 = flou-informel-hétéroclite-désordonné
Où :
- [hétéroclite/cohérent] est passé de alpha à gamma sans changer de nomenclature
- [flou/net] est passé de bêta à alpha sans changer de nomenclature
- [informe/pur] est passé de gamma à bêta en devenant [informel/formel]
- [faux/juste] est resté en delta en devenant [désordonné/ordonné]
ce qui donne :
- alpha : [flou/net]
- bêta : [informel/formel]
- gamma : [hétéroclite/cohérent]
- delta : [désordonné/ordonné]
Autant de changements procurent une situation assez désagréable, mais qui reste bien sûr minimisée tant que je n’ai pas d’utilisateur de ma base de données. Je vais devoir convertir les entrées déjà signées, ce qui n’est pas grand-chose à faire. Ce qui m’inquiète c’est de devoir réapprendre, recréer autrement des chemins de pensée que j’avais déjà marqués. Je ne peux qu’espérer une stabilisation à l’usage, mais ce précédent reste néanmoins couteux en termes de clarté d’esprit. Soyons clairs, la signature ontologique de la validation n’est pas importante tant que les critères sont pratiques et fonctionnels, ce qui est visiblement le cas ici et qui est attesté par le fait qu’il s’agit d’une décantation lente et non ontologisante. Ce qui est en jeu ici, c’est la qualité de la représentation de la base de données, son ergonomie : j’ai mis au point une structuration optimisée qui fait qu’une série de quatre caractères (0, 1 et x) donne une information dense d’un coup d’œil averti. Si je renverse l’ordre des signes, je dois tout réapprendre et je sais d’avance que je vais m’embrouiller à plaisir les premiers temps. Ce genre de passage nécessaire peut se faire sans trop de douleur si l’on sait que c’est définitif. Or ici rien ne m’indique que je ne vais pas à nouveau tout changer demain. En l’occurrence, la confusion dans mes critères indique que l’ordre de l’ensemble n’apparaît pas encore. La quatrième étape de validation n’est pas encore présente dans les critères de cette même validation. Et plus j’avance, maintenant que je me suis détaché des questions concrètes, plus de choses se présentent pour encombrer un terrain qui était assez net au départ, mais encore trop intuitif et personnel. J’espère au moins, ami lecteur, si vous parvenez à me suivre dans ces méandres, que vous aurez au moins acquis une certaine conscience de la difficulté de l’ontologie formelle, qui implique parfois un sacré degré de foi dans l’axiome. Rappelons-nous bien que le contexte est celui de la découverte et que ce contexte n’a pas de protocole, mais quelques maximes du type « laissons vivre la chose », « on verra bien ». Je sais d’expérience qu’il faut oublier ce genre de problème pour y revenir plus tard avec l’esprit neuf. Si on y pense un peu, c’est une démarche qui s’approche de la mystique, on attend une « illumination » parfois venue de l’extérieur, au cours d’une discussion, une lecture, une divagation de la pensée, tout est possible, rien n’est anticipable. En fait, la pensée dans le contexte de la recherche est un champ infini de ces travaux à l’arrêt, oubliés par choix, pour y revenir « quand ça voudra ». Le chercheur, lui est par nature à l’affut de ces infimes retours de la nuit qui illuminent et tracent son chemin sans qu’il puisse ne rien prévoir. Ce qu’il peut faire, c’est se mettre en situation de réceptivité, par la marche par exemple, ou d’autres moyens.
La neuroscience entérine cet état que l’usage contemporain tend à déprécier :
Prof Rex Jung, Neuropsychology, University of New Mexico.
“La créativité est un mode de raisonnement fondamentalement différent de l’intelligence. Partenaires, deux réseaux différents dans le cerveau coopèrent pour nous permettre de raisonner, l’un est un type de raisonnement intelligent et l’autre un type de raisonnement créatif. Les deux sont extrêmement importants. Nous sommes très proches de comprendre comment ils fonctionnent. Notre théorie est que le réseau de l’intelligence est plutôt à la surface du cerveau. Avec la créativité les choses sont différentes, elle dépend principalement du réseau du mode par défaut. Le réseau du mode par défaut est un mode qui se trouve plutôt au milieu, à l’intérieur du cerveau. Ces deux réseaux échangent en permanence des informations pour nous permettre de résoudre les problèmes posés par le monde qui nous entoure.”
J’ai extrait ce texte d’une vidéo. Je complète avec Wikipédia :
- [réseau du mode par défaut/réseau de tâches positives][raisonnement][créatif/intelligent]
Le vocabulaire employé n’est pas exactement satisfaisant d’un point de vue ontologique, mais il désigne quand même clairement son objet. La cerise sur le gâteau tient dans la localisation physique des réseaux, qui est parfaitement conforme à l’ontologie formelle :
- [réseau][intérieur/surface]
Ceci dit, nous sommes dans un domaine matériel et l’on sait que la matière peut surprendre l’ontologiste. Suit une variante plus ontologiquement affutée sur ce même objet, par une autre recherche neuroscientifique (Barbara Oakley) :
- [mode][diffus/concentré][processus d’apprentissage][le contexte/le morceau]
Il est notable que ces chercheurs tendent par leur discours à réhabiliter un fonctionnement naturel et déprécié de l’homme, le mode créatif. La Science contemporaine a tenté, disons depuis le Positivisme de juguler l’irrationalité qui gouverne ce mode et donc ce mode. On est même en droit de penser que c’est devenu une obsession tant l’université contemporaine est parvenue à l’interdire depuis la petite école, aboutissant à stériliser une recherche qui se contente d’explorer systématiquement les nombreuses pistes ouvertes par ceux qui avaient encore cette possibilité. L’ontologie formelle systématise ce genre de réhabilitations, mieux, elle les impose.