Hier j’ai relu le texte que vous venez peut-être de lire. J’ai enlevé quelques fautes, j’ai changé quelques rares tournures, mais je n’ai pas touché au sens du texte… Et ce n’est pas faute d’en avoir eu l’occasion. J’ai pris une grande décision rédactionnelle générique, je vais essayer de m’y tenir. Mon style d’écriture ce n’est pas que de la littérature, c’est aussi du fonctionnement. Il faudra en passer par Feyerabend pour savoir vraiment de quoi je parle. Il y a un énorme combat derrière tout cela, qui n’est pas juste le mien, qui est civilisationnel.
Je pense beaucoup en parlant. C’est mon type inné qui veut ça et pas une éducation. Parler, ça se fait avec des gens. Or je n’ai pas de gens à qui parler, donc j’écris, c’est un succédané pour moi, mais ce n’est pas sans intérêt, évidemment. Quand j’écris, je réfléchis un peu différemment que quand je parle, et puis personne ne vient soit me perturber, soi me rediriger là où je ne serai pas allé sinon. Mais je réfléchis quand même et du coup la pensée que j’inscris change au fur et à mesure. C’est comme ça. Tout le monde ne fonctionne pas de cette manière. Retenons que tous les modes d’être sont utiles et que c’est bien mieux de connaître le sien, plutôt qu’essayer de se conformer à l’impression générale de ce que devrait être le fonctionnement parfait. Oui, c’est à moi que je fais la leçon, j’ai beau savoir tout ça depuis longtemps, certaines croyances infériorisantes demeurent.
J’étais ce matin devant un dilemme : soit je réécris les parties qui ont changé depuis hier, comme si je savais déjà tout, comme un scientifique qui a un plan et qui va droit au but, c’est ce que j’aurais fait avant ; soit j’utilise les circonstances pour faire différentes choses plutôt hors sujet. J’ai déjà choisi de façon générique de laisser libre cours à mon style au sens large du terme, mais voilà, je me confronte aux conséquences d’un tel choix et je dois les assumer, même si cela me dévie de ma route. En tout cas, voici ce qui me conforte dans cette direction : j’ai pris plaisir à me relire jusqu’au bout, ce qui est aussi génial que rare et je sais pertinemment que quand je retouche trop un texte je le rends pénible à lire. Affrontons donc en espérant garder le lecteur sur le fil où je veux l’emmener.
Faisons un tout petit peu d’épistémologie. Dans ‘Contre la méthode’ Feyerabend nous rappelle les deux contextes de la science, celui de la découverte et celui de la justification et c’est exactement l’outil qu’il nous faut ici. Dans la découverte on cherche à dire ‘Oui’ à quelque chose de neuf, on accepte même des défauts dans la chose construite, parce qu’elle est en construction, évidemment. La justification est forcément très différente. D’abord elle est seconde, on a admis la découverte, on l’a plus ou moins circonscrite et les choses n’évoluent plus, ne doivent plus évoluer. Ce qu’on cherche, c’est précisément l’absence de défauts, l’absence de ‘Non’ dans l’explication du phénomène mis à nu.
- [contextes de la science][découverte/justification] 1101
- [présence de ‘Oui’/absence de ‘Non’] 1101
Ces signatures sont composées puisque les dualités qu’on étudie ici sont du domaine de l’intellect seul, donc avec le trait beta yang. C’est le même positionnement analogique que pour [sagesse/raison] ou encore [eau/feu]. Et c’est là où je voulais en venir, c’est là encore le même positionnement que le [mythos/logos] de l’origine ontologique de la philosophie, qui nous amène à [raconter/raisonner]. Et oui, je raconte ! C’est ça mon style ! Et oui, c’est légitime, c’est le contexte dans lequel je baigne naturellement, pathologiquement honteux de lui alors que je sais parfaitement que c’est à tort.
Rapprochons un autre jeu de dualité de notre ensemble : [parallèle/sériel], [synchronie/diachronie], que je classe en alpha 1111. Fonctionner en parallèle, ou encore en synchronie c’est tendre à tout prendre en compte simultanément. Transposé au champ focal de l’œil c’est la vision périphérique. Ça catégorise bien ce que je fais naturellement, je me balade sans carte, c’est le paysage qui dirige mes pas, je suis irrationnel. Fonctionner en mode sériel, ou diachronique, c’est prendre les choses l’une à la suite de l’autre, dans une visée qui permet seule l’exhaustivité, qui est la vision centrale selon le champ focal de l’œil. Le fait est que dans mon texte, je fais plusieurs choses à la fois, j’explique mon comportement en faisant un peu de psychologie, je vous montre ce que c’est que de faire de l’ontologie formelle, j’expose la largeur de mon champ analogique, je réfléchis à mon analyse courante en modifiant des normes vielles de moins d’un jour, j’utilise des concepts nouveaux sans encore le mentionner, j’explique ce que je fais, etc. On est loin du gars qui dit je vais expliquer ma théorie de ‘A’ jusqu’à ‘Z’. Cela présume qu’il n’y aura jamais d’exhaustivité de ma part sur le sujet, que je me répèterai plus ou moins, que je me contredirai parfois… Quel style ! J’aurais tant aimé écrire ce bouquin où il y a tout et dire voilà ça-y est, ça, c’est-fait ! Merdre et cornegidouille, je vais y passer le restant de mes jours !
Bon, c’est pas mal, je reviendrai sur cette histoire de style pour l’élargir à autre chose que mes problèmes psy. Je l’ai dit au début, ma petite histoire est le microcosme de la grande. C’est ça l’ontologie formelle, ça marche pour tout. On y reviendra, revenons à notre analyse et profitons pour faire encore de l’ontologie formelle, comment faire et ne pas faire.
Hier j’avais cinq critères pour valider mes équations, aujourd’hui je n’en ai plus que quatre. L’occasion est trop belle pour ne pas montrer ce que n’est pas l’ontologie formelle : un guide de la recherche. Allons-y : depuis 25 années j’essaye de trouver des équations valides et je rame à comprendre comment les valider. Je n’ai commencé à y parvenir que dans cette analyse récente, et c’est ce concept que j’affine ‘en direct’ ici. J’ai trouvé des critères qui me semblaient corrects, ils revenaient tout le temps, je les ai essayés est apparemment, ils marchent. Quand je vois que quelque chose « marche », c’est comme un Graal pour moi : la nature me dit qu’elle est d’accord avec mes constructions, c’est un encouragement à continuer, comme disait Héraclite, de « soulever les voiles d’Isis ».
Il faut bien comprendre qu’à ce stade-là, je n’ai pas utilisé le formalisme ontologique, je m’y suis refusé, ce n’est pas encore le moment. Le formalisme ontologique est un préjugé qui pourrait influencer ma naïveté devant le phénomène qui m’intéresse. J’en connais qui appellent ça ‘le mental’, on vient imposer une structure à quelque chose et du coup on passe à côté de l’essentiel. Ça fait bizarre, non ? Je vante un outil, mais je ne m’en sers pas pour mes propres pensées. Avec l’ontologie formelle je ne prône aucun changement dans les us et coutumes des chercheurs. L’absence de préjugé sur leur sujet est leur plus grande fortune, je ne vais pas tenter de leur en imposer une de plus, ils sont déjà trop bien servis.
Donc j’ai cinq critères qui semblent bien encercler de façon pratique la question de la validité de l’équation, qu’elle soit ou non formalisée ontologiquement, n’intervient pas directement. J’ai d’ailleurs codé ma validation pour qu’elle puisse encore disposer d’autres critères éventuels, mon ensemble est ou n’est pas clos, je l’ignore et je ne veux absolument pas, consciemment, postuler une chose qui perturberait mon observation de la nature des choses.
Par contre je suis un outilliste, l’ergonomie est centrale pour chacun de mes travaux de codage. C’est en me regardant utiliser l’outil pour la validation des équations que ma réaction m’informe sur sa qualité. Je constate que je mélange constamment les critères 3 et 4 et que je dois donc toujours revenir à la définition, ça cloche, ce n’est pas assez naturel. J’ai essayé de les interchanger, c’est pareil. Ça montre bien que mon ordre d’apparition n’est pas si limpide. Si j’ai des difficultés à faire fonctionner mon outil, je sais que ce sera pire pour mes utilisateurs. Autre chose, je sais que l’œil humain est apte à percevoir rapidement au maximum des groupes de quatre objets. Au-delà, il lui faut du temps. Donc, si je pouvais réduire à quatre, j’y gagnerais. Peut-être que l’ergonomie me ramène indirectement à l’ontologie, mais ce n’est pas la question, je ne m’intéresse toujours pas au formalisme de mes critères.
Procédons. Il y a un critère qui ne me paraît pas très important depuis qu’il est là, c’est la complétude. Déjà on voit tout de suite s’il manque des mots dans l’équation, c’est une information que l’on peut même calculer par code, ce qui la rend différente des autres qui ont vraiment affaire à une portion du sens. Oui, mais cette information est de nature à invalider une équation, elle doit être présente. Ne peut-elle être considérée comme un problème avec la pureté du formalisme ? En effet, ça semble correct, une équation à trou n’est pas purement formelle. Mais dans ce cas est-elle son contraire, c’est-à-dire en l’état de mes assignations, est-elle composée ? Non, c’est faux. Je vous passe les cheminements, la solution, c’est de changer le mot qui donne le contraire de pur. Ce n’est pas composée, c’est autre chose, je n’ai pas encore ce mot, c’est en suspens. Ce qui m’importe vraiment c’est que l’équation franchisse ou non le cap de la pureté et c’est tout. J’élargis le champ de la non-pureté à l’incomplétude et voilà tout, pour le moment du moins. J’ai fait ça dans mon code, en plus j’ai changé les valeurs d’affichage pour donner des ‘0’ et des ‘1’, mettant un ‘x’ si c’est indéterminé. Là, je dois dire que ça va mieux, c’est même pas mal du tout. J’ai mis dans mes définitions plusieurs mots qui servent à quelque chose, mais je vois que la vraie décantation dans l’état actuel des choses tient dans seulement quatre mots binaires :
- cohérence
- netteté
- pureté
- justesse.
L’effort est beau, soyons fous, faisons de l’ontologie sur cette forme. Est-elle cohérente ? Oui, quand même. Le sens est-il net ? C’est pas mal, je n’ai aucune piste, mais ça peut sans doute mieux faire, le trouble commence là. La grande question suit : y a-t-il formalisme pur ? Il y typiquement a deux approches complémentaires pour répondre à ça. La bonne et la rapide. La rapide, c’est trouver une forme très similaire dans son trousseau. Des fois ça marche, ce n’est pas nécessairement le cas ici. Donc il faut creuser : les quatre critères couvrent-ils l’ensemble du problème ? Je ne peux rien dire d’autre que ‘on dirait bien’, ce qui est déjà pas mal. Les critères se recoupent-ils, sont-ils redondants par endroit ? Même genre de réponse ‘on dirait bien que non’. Quant à la signature, je ne peux que dire que c’est pas mal, on serait presque tenté de la comparer positivement aux quatre causes [matérielle/formelle/efficiente/finale]. Un argument de plus en faveur de la signature m’est venu en réfléchissant à autre chose, les deux premiers critères pourraient bien correspondre à un trait alpha du style ‘sentir’ et les deux autres ‘calculer’ ([sentir/calculer]), ça c’est intéressant, ça donne du poids à l’idée et ça permet de percevoir aussi qu’un trait beta se profile peut-être. J’en suis là de mes arguments, je n’ai pas signé là de nouvelle quaternité, ou alors de l’expérimentale, il n’y a pas de certitude. Cela dit bien ce qu’est le travail de recherche ontologique formelle : « cent fois sur le métier remet ton ouvrage ». Avec les mois et les années d’autres mots plus justes vont se décanter et petit à petit cette liste de mots va probablement devenir une équation ontologique digne de ce nom, mais pour le moment je ne peux pas l’affirmer, et c’est sans importance, la catégorisation est là, elle marche et elle se teste toute seule.
Pour l’exemple que j’ai saisi au vol dans sa construction, nous n’avons pas exactement de certitude, mais nous avons quand même quelques encouragements. Et c’est là que l’ontologie est tout à fait utile, elle est un juge impartial de la qualité des travaux des hommes. Quand un penseur a dépensé un temps infini sur son objet et qu’il termine son livre majeur sur une série de quatre mots, avec même parfois les deux traits, affirmant que ces mots à eux seuls circoncisent le sujet entier de son œuvre, qu’ils catégorisent d’après une profonde décantation de sa pensée, l’ontologie formelle est là pour lui dire : oui, ça colle. C’est Isis elle-même qui répond au chercheur.
L’ontologie formelle, même si elle peut y prétendre, n’est pas nécessairement un guide assuré pour la découverte, mais par contre elle est une validation après coup d’un intérêt absolument démesuré pour nous terriens du XXIe, qui détournons d’elle notre regard avec une si grande constance.
Cette analyse n’est pas terminée. Pour l’heure j’ai plutôt réduit les prétentions de publication de ma base de données, tout en augmentant leur concision, c’est un très bon point. La base de données ne contient pour l’heure en tout et pour tout que 5 champs : l’équation, sa forme (qui ne mémorise en réalité que le trait), sa validité (qui est un énorme progrès), sa coche de protection et son texte libre.
La difficulté suivante pour moi, c’est de remplir la validité et la coche de protection de cette table, pour offrir un ensemble réellement cohérent au curieux.
Je remets la liste d’hier avec les nouvelles normes de validation.
- 1111 : [yin/yang], [nuit/jour], [tao][yin/yang], [terre/eau/air/feu]
- 1011 : [Freud/Marx/Nietzsche/Einstein]
- 1101 : [eau/air], [terre/feu], [les choses sensibles/le monde intelligible]
- 1001 : [peuple/][//guerriers/gouvernants]
- 1011 : [artisans/prêtres/guerriers/gouvernants]
- 1110 : [terre/eau/feu/air]
- 1110 : [pair/impair]
- 1110 : [incomplets/complets]
- 1101 : [valeurs][beau/bon/bien/vrai]
- 1111 : [valeurs][sacré/juste][beau/bon/bien/vrai]
Je viens ajouter ensuite une signature qui me fait changer d’avis par rapport à hier sur le fait qu’un ensemble incohérent ne pouvait pas être étudié. La poésie peut aisément fournir des ensembles hétéroclites et flous qui sont parfaitement formels et signables. La validation commençant par ‘0’ n’est donc pas une chimère. Ce fragment d’Hölderlin s’éclaire quand on le compare avec les quatre saisons, on voit par cette méthode, que je disais rapide tout à l’heure, que son équation touche profondément à la justesse. D’autres équations de mon trousseau, qui est plus vaste pour l’instant que ma base de données, pourraient de la même façon éclairer cette équation-là, comme celle des âges de l’homme par exemple. C’est là tout le jeu de la comparaison analogique, dont un avantage particulier est de ne pas forcément devoir connaître tous les arcanes et toutes les finesses d’une réflexion donnée, pour savoir si elle est juste ou non.
- 0011 : [naissance/élevage/rai de lumière/urgence]
- 1111 : [hiver/printemps/été/automne]
Une réponse sur “Structure de la base de données des ontologies formelle – 2”