Techniquement parlant ce blogue n’est pas exactement un blogue. La différence visible tient dans le fait que chaque billet de ce site peut un jour être modifié si je considère que c’est nécessaire, alors que ceux d’un blogue typique (au départ, c’est un journal intime), sont figés par définition dans leur chronologie, qui fait sens.
J’ai longtemps essayé d’écrire selon les critères de structuration traditionnels de la rationalité : un plan clair, déroulant un enchaînement, avec introductions, développements, conclusions, sur plusieurs niveaux, etc. J’ai renoncé parce que je n’y arrivais jamais. Dans ma recherche, tout bouge tout le temps, des découvertes peuvent transformer ce qui me semblait la démarche toute tracée la veille. Cette évolutivité incessante qui rend les choses parfois rapidement caduques est la marque de la recherche en cours. Tout plan peut s’effondrer sans prévenir. Et puis faire un plan, ce n’est ni ma tasse de thé, ni facile pour moi de façon innée.
Le fait que je n’ai pas été formé à la méthodologie universitaire est certes un sérieux handicap dans mon désir de communiquer mes trouvailles avec de grands esprits. Mais l’absence de formation est aussi le garant de ma liberté de penser, non pas hors des chemins, mais sans les connaître, devant à chaque fois les réinventer sans qu’un maître me les ait désignés auparavant ou ne m’ait prosaïquement désigné les interdits. A grande liberté, grand potentiel d’inventivité, mais grande difficulté de communiquer, c’est tout le problème de l’autodidacte : redécouvrir péniblement ce que d’autres ont appris d’entrée de jeu, mais parfois découvrir autre chose et ne pas l’auto-censurer par la même ignorance. Je me suis longtemps cogné le crâne dans ma recherche sur ce désir de normativité. Je pensais n’avoir pas le choix, alors même qu’écrire devenait ma prison.
Mais on a toujours le choix. J’ai décidé un jour, celui de la vraie naissance de ce blogue toujours recommencé depuis 15 ans, que je cesserai d’écrire, pour simplement dire. Après tout mon objet parle de lui même et n’a pas besoin, pour se faire connaître aux plus réceptifs, d’une hyper-rédaction virtuose où le lecteur est conduit immanquablement selon un fil jamais brisé ni incertain. Il a besoin d’être montré, d’abord et avant tout. Établir une analytique ou même une propédeutique sont une autre étape, que d’autres feront si c’est nécessaire, parce que ce n’est pas à ma portée, ce n’est pas mon rôle.
Le contenu de ma recherche est : un principe uniforme de pensée se révèle, toujours redécouvert depuis des millénaires. Je le découvre un jour, comme tant d’autres, et je parviens crédulement à produire une représentation expérimentale des objets de ce principe, un outil de travail original quoique déjà inventé. Des années durant l’emploi prudent de cet outil m’amena et m’amène encore à collecter une somme jamais atteinte d’instances du principe, extrêmement cohérentes entre elles, chacune renforçant tout l’édifice. Partant de là, une seule chose s’offre à moi : montrer un catalogue de ces instances et c’est tout. Tout le reste est secondaire.
Il est extrêmement important de considérer que tous les textes que j’écris ici sont de valeur très inférieure à l’existence brute des équations analogique que j’expose dans leur cadre-outil. Le système d’équations analogiques est l’objet nécessaire et suffisant de toute cette thèse. Il ne m’appartient pas, je ne l’ai pas inventé, mais remarqué, tout comme j’ai remarqué les nombreuses signatures que je propose ici, qui sont la cristallisation du travail de nombreux chercheurs du monde entier, de toutes les époques.
A chaque page le lecteur est convié à observer les équations d’un secteur disciplinaire donné. Les signatures ne peuvent prendre leur sens dans l’esprit que si la branche disciplinaire est comprise, même succinctement, tant que c’est dans son essentiel, ce que précisément l’équation est destinée à accueillir. Il lui faut faire preuve de versatilité. A chaque page j’essaye de mettre en lien ce qui m’a fait signer une équation. Ces sources peuvent être philosophiques, scientifiques et parfois même semblant plus ou moins ésotériques. Le système ontologique n’établit pas de sélection entre études sérieuses et jeu, il les englobe tous deux comme composants de l’unité. Il est transversal et fonctionne pour tout ce que la pensée peut observer avec l’outil de la rigueur.
L’important, c’est de percevoir l’harmonie que le système met en évidence et de parvenir à comprendre que chaque instance disciplinaire du principe désigne toujours la même chose, celle que désigne notre unique source, la chinoise (le tao va du yin au yang, principe qui peut, entre autres formes, se décliner en 4 catégories remarquablement universelles, selon ce qu’à mis à jour Aristote en clôture de ce que la philosophie appelle le miracle grec).
Il faut absolument parvenir à intégrer que chaque équation représente finalement la même chose, que l’on peut passer sa vie à essayer de comprendre à travers ses instances disciplinaires, qu’il faut rapprocher les unes des autres en trouvant leur similarité, leur adéquation au modèle idéal et inaccessible du principe.
Je mets en garde le lecteur devant les problèmes typiques face à un mode de pensée aussi déstabilisant.
– L’équation n’a aucun sens si on ne comprend pas la discipline qu’elle expose. Un simple survol des « petits dessins » avec jugement abrupt est inutile. Tout doit être creusé : je considère que ce travail est celui du lecteur, il est sa propédeutique et sa garantie.
– Il faut avoir la capacité, très peu développée en Occident, de regarder les choses en parallèle, soit tout en même temps, et non pas en série, c’est à dire selon le paradigme causaliste ou tout s’enchaîne. Si l’on admet pas l’existence d’un autre paradigme que le causaliste, alors on ne trouvera rien du tout ici.
Quand on a compris l’aspect spécifique d’une signature, sa science, alors commence la méditation : on rapproche d’autres équations que nous connaissons par ailleurs et nous lisons horizontalement les yins et les yangs, cherchant leur ressemblance, comme « matière » est analogue à « concret » et « esprit » à « abstrait ».
Chacun, selon sa disponibilité, sa forme d’esprit, son apprentissage, etc., sera plus ou moins capable d’intégrer les notions de ce site sans aucune aide : ils décrivent le monde que nous partageons tous. Tout ce que je peux écrire ici est soit d’ordre de la référence factuelle, soit du domaine de la logique, soit de mon opinion. Je dis cela en prévision des choses peut-être discutables que j’écrirai ici éventuellement. Le fait est que je rédige les souvent les idées par impulsion et je reviens dessus de même. Rien n’est figé, tout billet peut être relu, effacé, corrigé, transformé. D’autant plus si des commentaires viennent s’ajouter.
Les notions chinoises données par l’aphorisme confucéen : « Le tao va du yin au yang » ne sont pas décrites ici, elles sont employées. Les sources sur ces notions ne manquent, à commencer par Wikipédia. Marcel Granet est incontournable.
La dérive d’utilisation du blogue deviendra forcément gênante pour des lecteurs assidus. A cet égard, je bricolerai quand ce sera nécessaire une page où les billets de ce blogue apparaîtront triés, non par leur date de création comme c’est la norme pour un blogue, mais par ordre de date de modification, pour que ceux qui suivent puissent prendre connaissance de ce qui a changé dans tel ou tel billet. Nous n’en sommes pas là.
Ma façon d’écrire est absolument ingérable pour un livre, mais s’accommode assez bien de l’informatique et du Net. Le grand bénéfice du format blogue, c’est la catégorisation qu’elle rend automatique. Mon besoin d’expression ressemble bien plus au mode encyclopédique qu’au blogue. La grande richesse d’une encyclopédie, c’est son thésaurus, c’est à dire les relations entre articles. Le billet de blogue permet directement un classement automatisé non plus des chapitres, mais de catégories de rattachement, plus des mots clefs et des liens hypertextes. Toute mon exigence de structuration passe par là. Ainsi, le lecteur devrait se sentir engagé à cliquer sur les catégories, les mots-clefs et les liens présentés avec chaque billet permettant un déroulé du contenu en dehors de la chronologie de création des billets qui n’a pour ainsi dire pas de sens intrinsèque pour moi ici, puisque je publie (et adapte) « comme ça vient ».
La thèse qui est mienne demande une autre façon de penser que linéaire : sensible et imagée, analogique. Ainsi le fait d’avoir quasiment une idée par billet, interconnectée avec les autres, est déjà en quelque sorte compatible avec le mode de pensée rationnel. L’expressionnisme artistique me fournit une métaphore qui convient bien à la description de ma façon de travailler ici, c’est le pointillisme.
Chaque billet de ce blogue est une petite touche de couleur, qui dans une vue d’ensemble fournit et étaye la thèse. Bien sûr l’image s’arrête vite, il ne suffit pas ici comme en peinture de se reculer de trois pas pour voir le tableau d’ensemble : il faut lire et méditer un grand nombre de ces billets pour commencer à se fabriquer une perception générale, et pratiquer l’outil pour acquérir doucement le fonctionnement de ce que Martin Heidegger appelait sobrement « la pensée« .