Inter­ro­gez l’Être !

« Inter­ro­gez l’Être ! Et dans son silence – entendu comme le lieu de nais­sance de la parole – répond le dieu. Vous avez beau ratis­ser tout l’étant, nulle part ne se montre la trace du dieu. »

Le lieu de l’Être est aussi le lieu du divin. Le divin est inté­rieur, il est la source en nous qui est, jaillis­sant dans l’in­tui­tion. Ce lieu est dési­gné par la « synchro­ni­cité » de Jung, ou encore par le « ça » freu­dien. C’est l’ir­ra­tion­nel.

Chez Heideg­ger, la place des dieux est vue comme supé­rieure, trans­cen­dante alors qu’elle est imma­nente. Cela conduit à un problème de lisi­bi­lité quand on tente de signer sa quater­nité prin­ci­pale.

Le drame de cette intel­li­gence tech­nique est qu’elle se coupe de tout lien à un ordre supé­rieur. C’est cet ordre, cette mesure que vient fina­le­ment poin­ter le thème de l’être et de son oubli.

Or il vaut mieux dire que cet ordre est à la fois infé­rieur, anté­rieur, premier.

Mattéi – Heideg­ger et Hölder­lin. Le Quadri­parti

Heideg­ger et Hölder­lin. Le Quadri­parti
Jean-François Mattéi

Ce livre là est celui qui a assis en moi ce qui n’était encore qu’une impres­sion : Heideg­ger a dési­gné toute sa vie durant l’objet qui est aussi celui de ma quête depuis deux décen­nies. Muni de cette confir­ma­tion j’ai enfin trouvé un sol solide, une conni­vence certes encore diffi­cile à cerner, mais nette­ment établie.

Tout en rete­nue dans ce livre, Jean François Mattéi est celui qui a exposé clai­re­ment ce que tout le monde refuse de recon­naître chez Heideg­ger, la quête perma­nente d’un méta­phy­si­cien croyant en autre chose que la Sainte et Intou­chable Raison des raison­neurs. Oui, un croyant. Et pour être plus précis, un croyant sachant qu’il croit, par oppo­si­tion à ceux qui croyant ne rien croire prétendent déte­nir une vérité hégé­mo­nique.

Le langage de Heideg­ger est hermé­tique. Il l’est pour tout le monde, mais il s’éclaire si l’on connaît la constante chez ce penseur. Depuis ses 18 ans, âge auquel on lui a offert la fameuse disser­ta­tion de Franz Bren­tano il n’a pas changé de direc­tion, même lors du tour­nant.

Mattéi est celui qui a osé dire ces choses. On peut lire des tas de livre érudits ou simples sur Heideg­ger qui passent toutes à côté du plus impor­tant en un silence pesant. J’avais débuté avec le livre « Heideg­ger » de Georges Stei­ner, qui m’a tout dit, mais sans l’es­sen­tiel. C’est un excellent exemple de ce que j’ai rencon­tré partout ailleurs que chez Mattéi et ses amis.

Quatrième de couver­ture

Heideg­ger a voulu rani­mer la ques­tion du sens de l’être en prenant le « tour­nant » qui, en même temps que son dépas­se­ment, effec­tue l’ap­pro­pria­tion de la méta­phy­sique. Si celle-ci ne peut saisir la dimen­sion origi­naire dans laquelle elle se déploie, il lui reste à évoquer l’énigme de sa prove­nance : ce dont on ne peut parler, il faut le dire.

Telle est cette unique pensée que Heideg­ger a retrou­vée dans la poésie hölder­li­nienne, des cours sur La Germa­nie et Le Rhin à la confé­rence Terre et Ciel de Hölder­lin. On a inter­prété la rencontre des deux écri­vains souabes, dans leur appel au « retour­ne­ment natal », comme une justi­fi­ca­tion du tota­li­ta­risme, et l’on a dénoncé, avec Adorno, ce pathos de l’ori­gine qui réduit la pensée à une fixa­tion narcis­sique au peuple alle­mand.

Il n’y a pour­tant aucune confu­sion entre le mythe natal et la mytho­lo­gie nazie. Ce que Heideg­ger a cher­ché dans Hölder­lin, c’est moins le poète de la terre-mère que l’épreuve de la vérité de l’être qui commande le quadrillage de la méta­phy­sique. C’est bien Aris­tote, avec le concert des quatre causes, qui a conduit Heideg­ger sur la voie de Hölder­lin.

Car si l’étant se dit de multiples façons, pourquoi ces façons se trouvent-elles au nombre de quatre ? L’énigme de la méta­phy­sique recouvre l’énigme de l’ « autre pensée », celle qui ouvre le monde selon les nervures du Quadri­parti. Terre et Ciel, Divins et Mortels expriment les harmo­niques de l’être où, à la croi­sée des chemins, s’unissent ce que le penseur nomme les « puis­sances de l’ori­gine », et le poète, les « voix du Destin ».

J.-F.M.

https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/2003-v59-n3-ltp757/008800ar.pdf

Onto­lo­gie et ontique

Onto­lo­gie géné­rale et locale

On pour­rait distin­guer (l’idée est de Hegel) une onto­lo­gie géné­rale qui cher­che­rait à iden­ti­fier les prin­cipes de l’être et des onto­lo­gies parti­cu­lières qui s’oc­cu­pe­raient de secteurs précis en s’ap­puyant sur les sciences empi­riques. Martin Heideg­ger reprend cette oppo­si­tion sous les termes de « ontique » et « onto­lo­gie ».Patrick Juinet, Une onto­lo­gie plura­liste est-elle envi­sa­geable ?

Onto­lo­gies parti­cu­lières Ontique
Onto­lo­gie géné­rale Onto­lo­gie

Wiktion­naire
Ontique Rela­tif à l’étant, à ce qui est au monde
Onto­lo­gie Partie de la philo­so­phie qui a pour objet l’être en tant qu’être, qui étudie les proprié­tés géné­rales de l’être

CNRTL
Ontique Rela­tif ou propre aux êtres concrets, perçus, déter­mi­nés
Onto­lo­gie Partie de la philo­so­phie qui a pour objet l’étude des proprié­tés les plus géné­rales de l’être, telles que l’exis­tence, la possi­bi­lité, la durée, le deve­nir

Au sens strict, la méta­phy­sique c’est l’on­to­lo­gie, c’est-à-dire l’étude de l’être dans ses proprié­tés géné­rales et dans ce qu’il peut avoir d’ab­solu; c’est l’étude de ce que sont les choses en elles-mêmes, dans leur nature intime et profonde, par oppo­si­tion à la seule consi­dé­ra­tion de leurs appa­rences ou de leurs attri­buts sépa­rés. L. Meynard, Méta­phy­sique, 1959, p.15 ds Foulq.-St-Jean 1962.CNRTL – Onto­lo­gie

Meynard
Ontique La consi­dé­ra­tion des appa­rences des choses ou de leurs attri­buts sépa­rés
Onto­lo­gie Ce que sont les choses en elles-mêmes, dans leur nature intime et profonde

Exté­rieur Parti­cu­lier A priori
Inté­rieur Géné­ral A posté­riori

Voir aussi : L’on­to­lo­gie fonda­men­tale

L’on­to­lo­gie fonda­men­tale

Sens de l’être

Ontique
Onto­lo­gique
Étant
Être

Même si Heideg­ger dit se méfier d’une déduc­tion généa­lo­gique, il est patent qu’il défend la primauté onto­lo­gique de la ques­tion de l’être par le biais d’une réduc­tion à des niveaux de réflexion toujours plus élémen­taires. Anté­rieu­re­ment aux sciences ontiques, il y a les onto­lo­gies qui les supportent, mais avant celles ci et les fondant, une onto­lo­gie fonda­men­tale doit avoir débrous­saillé le sens de l’être :

Sciences ontiques leur tâche : l’ex­plo­ra­tion d’un domaine d’étant
Onto­lo­gies leur tâche : l’élu­ci­da­tion des concepts fonda­men­taux qui circons­crivent le mode d’être de cet étant
Onto­lo­gie fonda­men­tale sa tâche : la clari­fi­ca­tion du sens de l’être comme la « condi­tion aprio­rique de ces onto­lo­gies »

Heideg­ger l’énigme de l’être Jean Gron­din, Pourquoi réveiller la ques­tion de l’être ?, page 57.

Onto­lo­gie et ontique

L’être produit l’on­to­lo­gie qui produit l’étant qui produit l’on­tique. On croi­rait une quater­nité. Écri­vons là !

Ontique
Étant
Onto­lo­gie
Être
Science
Tech­nique
Sagesse
Finale
Effi­ciente
Formelle
Maté­rielle

On a l’im­pres­sion, encore, que ces mots, onto­lo­gie, sagesse, philo­so­phie, méta­phy­sique, veulent tous un peu dire la même chose à la base.

Onto­lo­gie fonda­men­tale

Décrire l’on­to­lo­gie fonda­men­tale, c’est décrire la forme et les proprié­tés univer­selles communes à toutes les onto­lo­gies.

L’écri­ture analo­gique est une forma­li­sa­tion de l’on­to­lo­gie fonda­men­tale.

Voir aussi : Onto­lo­gie et ontique

Heideg­ger – Une quadruple expé­rience de l’être

Expé­rience de l’être comme
Pur adve­nir (Erei­gnis)
Éclo­sion (aletheïa)
Présence (Anwe­sen­heit)
Surgis­se­ment (Physis)

« Très tôt s’est imposé à Heideg­ger une expé­rience de l’être comme surgis­se­ment (physis), présence (Anwe­sen­heit), éclo­sion (aletheia) et pur adve­nir (Erei­gnis). Or, selon Heideg­ger, cette expé­rience en est une qui s’offre à l’homme de manière insigne et qui a même besoin de lui, car sans lui, cette ouver­ture, cette échap­pée de l’être ne serait pas. »

Heideg­ger l’énigme de l’être, page 63, Jean Gron­din.

Usage ou recon­nais­sance du prin­cipe

Les philo­sophes peuvent se compor­ter de diffé­rentes façons par rapport au prin­cipe premier. Soit ils le nient, soient ils l’ignorent, soit ils le prennent pour objet en tant que fonde­ment de la méta­phy­sique. Mais tous emploient le prin­cipe formel quand il le faut.

Ma recherche de sources consiste à minima à rele­ver les usages clairs et nets du prin­cipe, qu’ils soient fait expli­ci­te­ment ou non par leurs auteurs. Ce niveau est assez proli­fique et s’est vu multi­plié avec le prin­cipe quater­naire d’Aris­tote.

Mon second niveau de recherche, aux décou­vertes bien plus clair­se­mées, est celui des textes citant le prin­cipe en tant que tel, et dont les auteurs recon­naissent l’exis­tence, admet­tant impli­ci­te­ment avoir une forme de croyance à ce sujet. Ce sont des gens comme Héra­clite, Aris­tote, Franz Bren­tano, Martin Heideg­ger et son unique commen­ta­teur en la matière, Jean-François Mattéi. Ceci n’est pas une liste d’au­teurs, c’est juste une lignée de penseurs sur le sujet, celle qui m’a fourni la clef entre ma recherche initiée sur le prin­cipe à la chinoise et la tradi­tion méta­phy­sique euro­péenne, cris­tal­li­sée sur la quadra­ture de l’étant aris­to­té­li­cienne.

Chez Kant, nous avons une posture excep­tion­nelle. Personne n’a sans doute jamais systé­ma­tisé le prin­cipe plus que lui, mais il semble pour­tant lui dénier la possi­bi­lité de l’exis­tence, tout en en parlant clai­re­ment.

On a trouvé suspect que mes divi­sions en philo­so­phie pure se trouvent presque toujours être tripar­tites. Mais c’est dans la nature des choses.

C’est trou­blant et devrait être étayé par une vraie recherche spéci­fique sur ce philo­sophe, ce qui n’est pas à ma portée : je ne peux que sortir de leur contexte des extraits qui me semblent parlants, mais qui peuvent très bien être plus complexes que ce que ma capa­cité peut admettre, ou encore contre­dits par ailleurs.

Des penseurs contem­po­rains conti­nuent à parler expli­ci­te­ment du prin­cipe, mais toujours subrep­ti­ce­ment au détour d’un sujet clas­sique ou encore de façon plus ou moins masquée. On voit appa­raître des expres­sions réser­vées qui ne sont rien d’autre que le voca­bu­laire codé de nos préoc­cu­pa­tions, telle que la dialo­gique d’Ed­gar Morin ou la différance de Jacques Derrida.

4 modes de penser

Source : deux duali­tés célèbres en philo­so­phie que j’ar­range en une quater­nité.

Déduc­tion et induc­tion – Wiki­pe­dia[…] la déduc­tion logique ne produi­sant aucune nouvelle connais­sance, au sens où les propo­si­tions déduites sont virtuel­le­ment conte­nues dans leurs axiomes, elle est par consé­quent analy­tique ; au contraire, l’in­duc­tion enri­chit la conscience de nouveaux faits : elle est alors synthé­tique.

Déduc­tion
Induc­tion
Analy­tique
Synthé­tique

Intui­tion – CNRTLConnais­sance directe et immé­diate d’une vérité qui se présente à la pensée avec la clarté d’une évidence, qui servira de prin­cipe et de fonde­ment au raison­ne­ment discur­sif.

Discur­si­vité
Intui­tion
Médiat
Immé­diat

Signa­ture quater­naire :

Penser
Déduc­tion
Induc­tion
Discur­si­vité
Intui­tion
4 causes
Finale
Effi­ciente
Formelle
Maté­rielle

Cette signa­ture quater­naire ne coule pas de source selon la philo­so­phie. La discur­si­vité est problé­ma­tique puisqu’elle est à plusieurs sens (a la fois d’une manière logique et d’une manière impré­vue). La discur­si­vité peut aussi se voir asso­ciée à la synthèse ou bien se subdi­vi­ser en induc­tion et déduc­tion. On peut être tenté de mettre synthé­tique/analy­tique en trait alpha comme en trait bêta.

L’am­bi­guïté du terme discur­si­vité, je suis tenté de la lever en disant qu’elle fonc­tionne plutôt par images et non par défi­ni­tions, postu­lant qu’il s’agit de ce qui sépare le mot parlé du mot écrit, la litté­ra­ture de la science.

Déduc­tion
Discur­si­vité
Défi­ni­tion
Image
Science
Litté­ra­ture

Néan­moins, cette signa­ture me semble-t-elle perti­nente, telle­ment qu’elle est une réfé­rence incon­tour­nable dans divers domaines, tout parti­cu­liè­re­ment dans celui de la carac­té­ro­lo­gie.